Dans sa définition classique, le taux de présentéisme représente le nombre de présents effectifs rapporté au nombre de présents attendu. Ce taux est le complémentaire à 100 % du taux d’absentéisme (c’est-à-dire que la somme de ces deux taux vaut 100 %).
Une autre signification venue d’Amérique du Nord, désigne le fait d’être physiquement présent au travail sans avoir la productivité attendue, que ce soit dû au salarié ou à l'organisation (sous-occupation)1,2. La baisse de productivité du salarié peut avoir de multiples raisons:
- Personnelle: maladie aigüe ou chronique, problèmes personnels extérieurs à l'entreprise.
- En relation avec le travail: démotivation ou fatigue due à une surcharge de travail, un manque de reconnaissance, des relations conflictuelles dans le travail...
Le surprésentéisme est le fait de faire des heures supplémentaires sans être payé. Il concernerait plus de 50 % des salariés français3.
En Europe du nord : « rester aussi longtemps (de 7 à 20 H) est synonyme d'inefficacité. Ça veut dire qu'on ne sait pas s'organiser. »4.
Diminué, vous êtes moins productif et coûtez plus cher à votre entreprise. Surtout, « une machine déjà abîmée finit par craquer »... et battre des records d’absentéisme.
Paul exhibe d’un geste dramatique son doigt enturbanné dans un gros pansement. Le quadragénaire travaille à la plonge dans un hôtel-restaurant pour hommes d’affaires, à Lille. Il s’est coupé profondément avec une boîte de conserve dans une poubelle. Il s’en veut, il aurait dû bien la fermer avant de taper dessus pour qu’elle prenne moins de place, on le lui a toujours dit.
Il est très ennuyé, il ne veut pas s’arrêter de travailler, même si son doigt n’est pas cicatrisé. Il a mis cinq ans à trouver un emploi, et ce n’est pas maintenant qu’il va le laisser filer.
Ça s’appelle du « présentéisme » : venir travailler même quand on sent que son état de santé nécessiterait de rester chez soi. Ses motivations sont diverses :
- sentiment d’être indispensable,
- peur des représailles,
- respect d’une échéance,
- refus de voir son revenu baisser (dans les petites entreprises où il n’y a pas d’accord pour couvrir les trois jours de carence, dans la fonction publique où a été mis en place un jour de carence non rémunéré depuis début 2012).
Une bonne nouvelle ? Pas si sûr. Ni pour l’entreprise, ni pour le salarié.
Des salariés moins productifs
Claire
travaille par missions, dans la publicité. Quand elle doit répondre à
un appel d’offres un vendredi soir ou se remettre à l’ouvrage un
dimanche, elle a droit à des jours de récupération. Et pourtant :
Au point d’être moins efficace au travail ? Tout à fait, répond l’Institute for Health and Productivity de l’université Cornell aux Etats-Unis, qui a compilé les études menées sur la productivité au travail en lien avec différentes maladies (asthme, arthrite, allergies, migraines, etc.).« Je repousse le moment de les prendre, me disant qu’il faut que je termine les projets commencés, pensant que je vais tenir, et j’arrive à un moment où je n’en peux plus physiquement, mais surtout mentalement. Je n’ai plus envie de rien. Et j’ai du mal à me motiver pour bosser, je deviens lente, déprimée, et j’ai du mal à repartir. »
Ça coûte cher à l’entreprise
Les chercheurs américains ont ensuite essayé de savoir si ces travailleurs au nez bouché – ponctuellement moins productifs – apportaient malgré tout quelque chose à l’entreprise, en se penchant sur le cas de 375 000 salariés.
Comment savoir si l’on fait du présentéisme ?
Les symptômes suivants peuvent vous alerter, selon Michel Vézina :
perte de concentration, de mémoire et d’attention (oublis, erreurs),
diminution du rythme de travail, sentiment de fatigue intense au
travail, problèmes de ponctualité, relations difficiles avec les
collègues, irritabilité, isolement, diminution de la qualité des
services.
Un salarié affaibli s’avère en effet moins concentré sur sa tâche, effectue un travail qui doit parfois être refait, communique mal... Il fait ainsi perdre du temps à ses collègues et, au final, à l’entreprise.
La recherche a été publiée en 2004, et depuis de nouvelles études ont vu le jour. Michel Vézina, responsable d’une enquête québécoise [PDF] sur les conditions de travail, les a compilées :
« Le présentéisme coûte minimalement de deux à trois fois plus cher que l’absentéisme. Certaines études font même état de dix fois plus ! »Quand le salarié est présent, c’est l’entreprise qui le paie, en salaire, mais quand il est absent, c’est la Sécurité sociale qui verse des indemnités journalières, voire personne quand il s’agit de jours de carence.
Ça rend encore plus malade
Sur son blog, Docteurmilie, médecin généraliste en Seine-Saint-Denis, raconte
à quel point elle doit se battre avec ses patients pour leur coller des
arrêts maladie. Elle évoque par exemple « Mme B., gardienne », qui est
venue la voir le coude en tendinite :
C’est le problème : quand « on utilise une machine déjà abîmée, elle finit par craquer », prévient Michel Vézina. Les salariés qui pratiquent le présentéisme sont plus largement sujets aux maladies de long terme, qui les empêchent durablement de reprendre le travail. Et battent des records... d’absentéisme, selon une étude [PDF] du National Institute for Working Life, en Suède.« Elle a refusé à de nombreuses reprises mes arrêts, que pourtant j’avais rédigés et lui avais donnés. Elle ne veut pas s’arrêter, son travail c’est toute sa vie, elle est hyperactive. Elle a tenu le coup jusqu’à ce que le tendon se déchire et maintenant, cela fait plus d’un mois qu’elle est en arrêt. »
Ils sont également davantage concernés, d’après la même enquête, par :
- les troubles du sommeil ;
- les problèmes digestifs ;
- les douleurs dans le dos ou la nuque ;
- un sentiment de déprime.
Ecouter ce que dit le présentéisme
Pour Michel Vézina, spécialiste en santé publique, il faut donc considérer le présentéisme comme un indicateur de santé important dans l’entreprise :« Le présentéisme n’est pas l’animal à traquer… Quand il est élevé, il faut s’interroger sur l’organisation du travail. »Pas facile en France, remarque Alexis Motte, qui a réalisé pour son cabinet Mobilitis, avec OpinionWay, une enquête sur la mobilité au travail dans l’Hexagone :
« En France, il faut montrer qu’on est là, nettement plus qu’en Europe du Nord, et beaucoup plus que dans les groupes anglo-saxons où c’est une marque d’incompétence que d’être encore là à 21 heures. »Alors venir travailler quand on est malade...
Et vous, vous arrive-t-il de venir travailler alors que vous sentez qu’il faudrait mieux resté alité ? Pour quelles raisons ? Pouviez-vous faire autrement ?
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