Notre civilisation, dans son langage courant, parle de conscience objective, de conscience subjective, de conscience subconsciente, du Soi, de conscience universelle, de conscience de groupe, de conscience nationale, etc. Je vais tenter, en quelques lignes, de donner un modeste point de vue sur ces présumés différents types de conscience.
Selon le philosophe, la conscience est l’organisation dynamique et personnelle de la vie psychique ; elle est cette modalité de l’être psychique par quoi il s’institue comme sujet de sa connaissance et auteur de son propre monde ; l’être et le devenir conscients constituent donc tout à la fois la forme de l’expérience du sujet et la direction de son existence. La finalité de la conscience, exprimée dans son mouvement, et la hiérarchie de ses structures, pour les uns, sa « spiritualité » et sa « réalité », ou la vouent pour les autres, à la critique « matérialiste » qui la nie. Le problème de la conscience est à cet égard le problème central, non seulement de toute psychologie mais de toute métaphysique. Prise dans les antinomies de la raison, la conscience, « organisme de réalité » risque de perdre elle-même toute réalité.
La Tradition ésotérique, quant à elle, affirme que la matière a été faite pour la conscience, le corps et l’âme. La conscience est le but de cette organisation vivante faite de chair et d’os, de nerfs et de muscles ; elle est aussi le but de ce vaste système de mer, de terre, d’air et de ciel. Cette création infinie, que forment le soleil et la lune, les étoiles, les nuages et les saisons, n’a pas été instituée dans le simple but de nourrir et de vêtir le corps ; elle l’a été essentiellement, et en premier lieu, pour éveiller, nourrir et faire épanouir l’âme, pour être l’école de l’intelligence, la nourrice de la pensée et de l’imagination, le champ d’expression de pouvoirs actifs, une révélation du Tout et un lien d’union sociale. Nous sommes placés dans la création matérielle, non pour être ses esclaves, mais pour la maîtriser et en faire le ministre de nos plus hautes facultés. Il est intéressant d’observer tout ce que le monde matériel représente pour notre conscience.
La plupart des sciences, des arts, des professions et des occupations de la vie, ont pour origine notre relation avec la matière. Le philosophe de la nature, le physicien, l’homme de loi, l’artiste et le législateur trouvent, dans la matière, leurs sujets ou leurs occupations de recherches. Le poète emprunte ses plus belles images à la matière. Le sculpteur et le peintre l’utilisent pour exprimer leurs plus nobles conceptions. La matière tend à pousser le monde vers l’activité. Les organes des sens, l’œil surtout, éveillent dans la conscience des pensées infinies. Prétendre alors que l’humanité est plongée dans la matière au point que sa conscience collective ne peut s’élever, est en contradiction avec le grand but de l’union de l’âme avec le corps. On peut alors estimer que la philosophie qui ne voit pas, dans les lois et les phénomènes de la nature extérieure, le moyen d’éveiller la conscience, est lamentablement bornée, et qu’un état social dans la masse des hommes est excessivement occupée à des travaux matériels au point que l’âme est terrassée et tenue à l’écart, est en guerre avec les desseins de Dieu et utilise, pour la servitude, ce qui devrait être le moyen de libérer et de faire s’épanouir l’âme.
Nous pouvons comparer la conscience entière à une échelle graduée d’énergie vibratoire ou aux octaves de la gamme des sons. Tant que certaines octaves de la gamme ne sont pas atteintes, il n’y a pas discernement, cette réalisation qui constitue soit notre conscience subjective, soit notre conscience objective.
L’homme ne peut s’élever plus haut que le niveau de sa conscience. Essayer de forcer un homme à améliorer ses méthodes de travail ou sa conduite morale et sociale sans améliorer au préalable sa conscience, et développer sa compréhension, c’est tout simplement perdre son temps. Les êtres malfaisants ou dévoyés doivent être pris en pitié, car ils n’ont pas encore appris la maîtrise d’eux-mêmes.
Les unités d’esprit n’ont d’abord qu’une conscience rudimentaire, celle que peut avoir un être unicellulaire. Mais tandis que les organismes vivent, se reproduisent et meurent, ce sont ces mêmes unités d’esprit (car elles ne meurent pas, étant énergie et non matière) qui, après la mort, construisent d’autres corps plus perfectionnés. Elles développent leur conscience et leurs facultés de perception à travers leurs nombreuses vies. En évoluant, leur énergie s’accroît et groupe un nombre grandissant de molécules pour former les diverses parties de leur structure physique qui se perfectionne proportionnellement à leur force. Ces unités d’esprit étant énergie, elles sont invisibles et sont partout et en tout. Elles collaborent à la naissance et au développement de tous les phénomènes et toutes les manifestations de la vie.
Nous devons établir une importante distinction entre le cerveau et la conscience. Le cerveau est un organe physique destiné à certaines fonctions de la conscience. Tout comme les poumons ont pour but les fonctions de la respiration. La conscience agit, dans une large mesure, au moyen du cerveau, mais elle n’opère pas exclusivement par l’intermédiaire de cet organe. Il est possible à la conscience de fonctionner de diverses manières lorsqu’il y a ablation du cerveau. Cela a été prouvé par des expériences entreprises sur des animaux. Le fonctionnement de la conscience s’opère en deux domaines : le domaine subconscient et le domaine objectif. Au domaine objectif s’associe un certain aspect subjectif comme la mémoire, l’imagination, le raisonnement et la volonté. Bien qu’on ait l’habitude, en raison de ces deux domaines — objectif et subconscient — de parler de deux consciences, cela, dans un sens large, ne serait pas exact. Selon certaines écoles de philosophie, la conscience de l’homme serait immortelle, dès lors qu’elle serait une partie de l’âme et de la personnalité, alors que le cerveau, comme tous les autres organes physiques, est mortel. La conscience et la personnalité pourraient subsister, selon certaines écoles, après le décès et elles conserveraient, comme partie de leurs attributs, tout ce qui est emmagasiné dans la mémoire.
Dans le cadre de ce bref exposé, je ne peux qu’essayer de donner que quelques définitions succinctes et complémentaires du texte précédent de quelques types de consciences :
Conscience objective — La conscience objective est la conscience de ce qui est extérieur à nous, de la réalité apparente qui existe en dehors de nous-mêmes. C’est la connaissance de notre milieu physique et social, au moyen de nos sens réceptifs, vue, ouïe, toucher, odorat, goût. Elle agit dans le monde matériel par l’intermédiaire d’un corps physique et d’une manière individualiste, surtout dans le dessein de préserver le corps physique, instrument de l’âme sur le plan terrestre. La conscience objective doit nécessairement servir une fin égoïste, mais cet égoïsme devrait avoir un but constructif. Telle qu’elle est en général, la conscience objective sert un égoïsme destructif. Par égoïsme constructif, on entend cet égoïsme qui tend à préserver de son mieux le corps, tous ses pouvoirs et toutes ses fonctions, afin que l’âme qui y réside ne soit pas entravée dans sa mission ici-bas. Être constructivement égoïste signifie chercher à s’améliorer de toutes les manières, afin de pouvoir mieux servir l’humanité et faire du monde un lieu meilleur. Un tel égoïsme a l’approbation du Tout. Pour atteindre ce but, le corps a été doté d’une conscience objective qui peut venir à bout des problèmes et des conditions purement physiques. En revanche, être négatif de façon destructive veut dire que la conscience objective est à la recherche d’avantages qui sont destinés non pas à servir autrui, mais uniquement à satisfaire des besoins purement personnels.
Le but et la fonction de la conscience objective sont, comme indiqué ci-dessus, essentiellement matériels. Son rôle est de maintenir le corps en bonne santé, dans un état normal et prêt à obéir à tout moment aux sollicitations de l’âme que manifeste le subconscient. La conscience objective, comme le corps physique, est subordonnée au subconscient. Ses attributions consistent à informer le subconscient des conditions physiques existantes, afin que celui-ci soit guidé pour savoir comment exprimer les idéaux cosmiques dans le monde matériel. Le domaine de la conscience objective inclut les cinq sens physiques et leurs fonctions, les actes volontaires, la faculté de se souvenir, le raisonnement inductif et enfin le raisonnement complet, ce qui prouve combien le fonctionnement de la conscience objective, à travers le corps physique et le cerveau, est important dans le plan cosmique des choses.
Conscience subjective — Les attributs de l’intellect que sont le raisonnement, la volonté, le souvenir et l’imagination appartiennent au domaine subjectif. Ils résident à l’intérieur de l’intelligence consciente, mais ils sont en arrière du niveau objectif de conscience.
L’état subjectif n’est pas un état inconscient. C’est la conscience des vibrations d’une série d’impressions ayant une origine immédiate différente de celle de nos sens objectifs.
Conscience subconsciente ou subconscient — Il se peut que la conscience de l’homme ne soit pas double et qu’elle ne soit qu’une seule conscience se manifestant parfois en deux domaines distincts ou en deux phases. Mais, puisque les manifestations de la conscience se groupent elles-mêmes en deux classes distinctes appelées objective et subconsciente, il est devenu courant, en psychologie de parler d’une double conscience, objective et subconsciente. Certains aspects de la conscience objective — quand il y a introversion comme c’est le cas, par exemple, pour les réminiscences ou l’imagination sont couramment considérés comme subjectifs.
Ce subconscient est gradué en niveau de conscience selon la réponse faite aux vibrations, chacun ayant sa fonction particulière. À une extrémité de cette échelle graduée de conscience, se trouvent les niveaux avec lesquels nous sommes le plus familiers : les aspects subjectif et objectif de la conscience. Ainsi comme nous l’avons dit, la conscience est double en son fonctionnement. Tout d’abord il y a la grande conscience du Tout, qui est plus directement reliée à la Conscience Universelle. En nous ceci constitue le subconscient. Puis, finalement il y a les niveaux inférieurs du subconscient que nous venons de citer — c’est-à-dire le subjectif et l’objectif que nous désignons sous le nom de conscience objective.
Conscience de Soi — Celle-ci constitue la phase finale du développement que nous avons poursuivi depuis son origine. C’est un état dans lequel le souvenir de l’influence que notre être propre peut exercer sur le monde extérieur sert à la base de toutes les relations que nous établissons avec ce qui n’est pas nous. Elle diffère de la conscience que nous avons du monde extérieur, que nous attribuons aux animaux extérieurs, en ce que l’accent psychique est passé de l’objet au sujet conscient. Ce déplacement de conscience est un phénomène qui est devenu familier depuis que nous avons constaté :
1 — Qu’un concept est une synthèse dans laquelle l’accent psychique porte sur la pensée, la conscience, alors que dans la perception, il porte sur le monde extérieur.
2 — Que désirer, et ensuite vouloir , marque l’initiative du Moi, de l’être qui remplace nettement celle du non-être.
Dans le cas de la conscience de Soi, le Moi en tant que cause prend une importance supérieure à celle du non-être…
Conscience universelle — Cette expression est souvent employée pour désigner la conscience cosmique, la conscience qui est répandue dans tout l’univers. Elle n’est pas seulement la conscience universelle, mais la conscience de tous les êtres vivant sur le plan terrestre, unis, à cet égard, au point de ne former qu’une conscience dans laquelle toute inspiration, idée ou expression d’importance cosmiques est enregistrée et peut être perçue par un contact approprié.
Conscience de groupe (humaine, nationale, professionnelle, sportive etc.) — Il semblerait que l’adoption de pensées communes et répétitives sur un temps prolongé forme une conscience collective de groupe, appelée par certaines écoles, égrégore.
Maintenant, la question que l’on peut se poser est donc de savoir quel type d’évolution on doit attendre de l’homme : morphologique ou physique, mentale, spirituelle, ou les trois en même temps ?
À cette question, Sri Aurobindo donne la réponse suivante : « Au cours des étapes précédentes de l’évolution le premier soin et le premier effort de la Nature devaient nécessairement porter sur un changement dans l’organisation physique, car c’est ainsi seulement que pouvait se produire un changement de conscience ; cet ordre était nécessaire parce que la conscience en voie de formation n’était pas assez forte pour influencer un changement dans le corps. Mais avec l’homme, il devient possible de renverser l’ordre des opérations, c’est même inévitable : c’est par sa conscience et la transmutation de sa conscience et non plus par l’entremise de quelque organisme corporel nouveau, que l’évolution peut et doit s’effectuer (…). Ce n’est plus le changement du corps qui doit précéder le changement de conscience, c’est la conscience elle-même qui, par sa propre mutation, imposera et opérera toute mutation nécessaire au corps ».
Par une future conscience universelle appropriée, il serait idéal de réconcilier l’homme avec le monde en le libérant, non seulement des préjugés qui pèsent sur ses possibilités personnelles d’épanouissement et d’expression, mais aussi de l’empreinte qui obère initialement ses conditions d’accomplissement et de réussite. Il s’agit d’éviter le gâchis individuel et collectif de notre humanité d’hier et d’aujourd’hui, et d’accorder les possibilités de progrès humain avec les conquêtes de la Science. Dans l’absolu, nous sommes en mesure de proposer à nos descendants un archétype renouvelé de l’Humanité. Cet homme-là sera-t-il meilleur au sens de notre morale actuelle ? Sera-t-il plus généreux, plus accessible à la solidarité ? La vraie question est ailleurs : aura-t-il une meilleure conscience sociale et individuelle ?
Je terminerai par ces deux pensées qui peuvent étayer mon propos : Le psychologue clinique William James déclarait « Si l’évolution est à l’œuvre en douceur, la conscience, sous quelque forme, doit avoir été présente à l’origine des choses » Pour celui-ci, donc, la conscience existe à un certain degré dans toutes les choses vivantes et évolue. Elle n’émerge pas soudain comme un phénomène pleinement développé. La conscience n’est pas une série d’unités indépendantes, mais un courant. Spinoza disait également : « Lorsque l’homme prend conscience de lui-même, c’est-à-dire lorsqu’il se rend compte de sa propre existence, perception que son âme lui rend possible, alors Dieu se réalise en lui, parce que le moi réel en l’homme est le Moi de Dieu lui-même. »
En conclusion, on peut néanmoins estimer que la conscience semble être totalement le gage d’un bien commun à l’ensemble de l’humanité et probablement bien au-delà.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.