lundi 21 novembre 2011

L'énergie atomique est trop coûteuse et dangereuse

par Corinne Lepage, députée européenne, candidate à la présidentielle de 2012

Pourquoi avons-nous intérêt à nous reconvertir à d'autres énergies ? D'abord, comme le montre l'histoire des accidents nucléaires, pour des raisons de sécurité. Le drame japonais nous démontre une fois encore et de manière criante qu'aucun gouvernement, fût-il celui de l'un des pays les plus développés et techniques de la planète, n'est en mesure d'imposer aux ingénieurs et aux compagnies privées de maîtriser absolument la complexité du feu nucléaire.
Cette industrie - qui n'est pas assurée et ne peut pas l'être - crée des dommages irréversibles pour les individus et les territoires. Et cela tant pour des raisons techniques, car on ne sait pas décontaminer un territoire vaste, que pour des raisons financières. Rappelons le coût estimé de la réparation et du nettoyage de l'installation de Fukushima : 75 milliards d'euros.


Hélas, ce constat, pour évident qu'il soit, semble ne pas suffire à certains. Rappelons-leur que les arguments économiques et industriels vont désormais dans cette même direction d'une métamorphose de notre palette énergétique. A dire vrai, le choix du tout-nucléaire constitue désormais pour la France un handicap majeur sur la voie de la réindustrialisation et de la vie de nos territoires.

Si nous ne changeons pas d'urgence notre fusil d'épaule et n'investissons pas massivement dans un vaste "plan renouvelable", nous allons regarder passer sous notre nez une occasion unique de réindustrialisation de la France. De surcroît, nous allons accroître le différentiel avec l'Allemagne, qui possède déjà sur ce chemin plus qu'une longueur d'avance.

Notre balance commerciale est-elle de nature à justifier ce choix d'une industrie nucléaire de rang mondial ? A l'évidence non. Depuis cinq ans que le président de la République s'est efforcé de commercialiser nos centrales nucléaires à l'étranger, seuls deux EPR ont été vendus à la Chine, et encore, en joint-venture minoritaire. Un fiasco. En outre, Fukushima a de fortes conséquences dans le reste du monde et rien, bien au contraire, ne garantit que le XXIe siècle sera celui du nucléaire comme l'espèrent les ingénieurs du secteur. Même Areva n'évalue plus qu'à 2 % par an la croissance du secteur dans les vingt ans qui viennent !

Précarité énergétique

Nous ne disposons pas à ce jour d'une évaluation réaliste à la fois du coût et des avantages, notamment en termes d'emploi et d'activité économique, de cette reconversion énergétique. Ce travail reste à accomplir afin de déterminer la vitesse et les méthodes les plus efficaces pour parvenir aux objectifs. Mais les points de repère existent déjà. L'Allemagne a créé 350 000 emplois dans le renouvelable et ce secteur représente aujourd'hui en termes d'emploi la moitié de son secteur automobile. La vraie question n'est du reste pas tant celle du coût (qui n'est peut-être pas plus élevé que celui du renouvellement complet du parc nucléaire) que celle du financement.

De nombreux crédits alloués au nucléaire pourront être redistribués vers la recherche-développement des énergies renouvelables et l'aide à la constitution de filières françaises. De plus, le particulier français ne consacre que 3 % aux énergies renouvelables sur sa facture d'électricité quand le particulier allemand y consacre 14 %. La facturation de l'électricité devrait être revue pour intégrer cette dimension, s'attaquer à la précarité énergétique et imaginer un tarif de plus en plus élevé à mesure que la consommation est plus forte.

A l'heure de la rigueur budgétaire et du changement de voie, il est temps d'appliquer les principes de rationalité économique et industrielle à l'industrie nucléaire et plus généralement énergétique. Seule cette analyse permettra de déterminer les conditions optimales de sortie de l'actuelle impasse nucléaire.

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