Je discutais récemment avec un ami qui se
trouve être à la tête d’un peu moins de 600 personnes, avec une douzaine
de managers en relation directe. Depuis le temps que nous ne nous
étions pas vu, nous échangions quelques nouvelles, et sur nos jobs
respectifs. Je lui parlais naturellement de l’empathie, et de la
communication empathique.
A ces mots, il eut un sourire, en me disant : « je ne suis pas du tout dans l’empathie« . Puis de poursuivre devant mon sourcil interrogateur : « mes gars sont rugueux, c’est des tempéraments virils. Avec eux, faut être rugueux aussi« .
C’est une confusion que je rencontre plus souvent que je n’aurais cru :
empathie et sympathie. A aucun moment l’empathie ne saurait devenir
sympathie sans que tout le processus de communication ne soit faussé. Le
célèbre Thomas d’Asembourg en a même fait un titre de livre : « Cessez d’être gentil, soyez vrai« (1).
Entre gentil, c’est la conséquence de la sympathie, qui fait qu’on va
faire sien le ressenti de la personne avec qui l’on communique : il est
triste, je suis triste. L’empathie, c’est reconnaître ce ressenti, en
gardant constamment à l’esprit, ou au cœur, que ce n’est précisément pas
le nôtre : je ressens qu’il est triste, mais je ne le suis pas moi-même
pour autant. A partir de là, la relation est authentique, et l’on peut
communiquer efficacement.
Pour illustrer la différence entre sympathie et
empathie, imaginons deux collègues en discussion, l’un relatant à
l’autre des soucis sur un projet qui marque le pas. Le collègue
sympathique répondra quelque chose comme « oh, c’est rien, si tu savais le nombre de fois où j’ai dû reprendre à zéro !« .
L’idée de départ, dédramatiser, paraît louable. Le message sous-jacent
l’est moins : « ton problème n’en est pas un, fais comme moi,
retrousse-toi les manches et arrête de te plaindre, c’est pareil pour
tout le monde ». Ça ne crée par énormément de lien ni de motivation,
vous en conviendrez. Le collègue en empathie va, lui, tenter de cerner
le sentiment mais, surtout, le besoin fondamental qui n’est pas
satisfait chez l’autre. Il répondra plutôt quelque chose comme : « Est-ce que tu voudrais être sûr qu’il y a moyen de progresser dans le cadre de ce nouveau projet ?« .
Message sous-jacent : « précise-moi le sentiment, je t’écoute, je suis
avec toi, il me semble que tu as besoin d’être rassuré sur tes
compétences pour faire avancer le schmilblick, c’est ça ? » Ça crée
davantage de lien. Si vous vous sêtes déjà retrouvé devant quelqu’un qui
vous parle de lui après que vous lui avez exposé votre problème, vous
êtes devant un collègue sympathique… On voit bien que le collègue
empathique n’est pas forcément sympa : il cherche à réellement,
sincèrement, comprendre ce qui gêne l’autre. Et c’est quelque chose
qu’il est tout à fait possible de faire en étant « rugueux « . C’est même ce qui permettra de l’être sans user d’une autorité qui ne serait que hiérarchique.
Cet
intérêt aux besoins de la personne est quelque chose dont on pense,
curieusement, que l’entreprise devrait être exempte. Dans son Guide
pratique (2), Ike Lasater exprime une réalité souvent rencontrée en
entreprise : « nous créons souvent sur nos lieux
de travail une illusion de séparation et de formalité qui tend à
renforcer les convictions [que l'empathie est gentillesse], et à
contraindre nos actes« . Pourquoi cette séparation est-elle une
illusion ? Parce que nous sommes toutes et tous des êtres humains,
sociaux, et que, comme le souligne pour sa part Marie Miyashiro, « L’empathie est un acte naturel qu’il ne s’agit pas d’apprendre, mais bien de se ré-approprier« (3).
Ainsi créer des liens empathiques au travail est
non seulement possible et souhaitable, c’est également un processus très
naturel du simple fait que nous sommes en interaction avec d’autres
représentants de notre espèce sociale : des humains. C’est-à-dire, des
êtres ressentants en permanence des sentiments, et des êtres avec des besoins universels.
Extraire sentiments et besoins de l’entreprise est un leurre : ils y
sont de toutes façons ! Alors pourquoi vouloir les cacher sous le tapis,
surtout quand c’est précisément cette nature qui, lorsque nous
l’acceptons et l’intégrons dans nos actions, nous rend plus impliqués,
plus motivés, plus responsables, et qui rendra l’entreprise plus
productive au final.
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