Comment mieux appréhender politiquement les questions relatives à la paupérisation d’un nombre sans cesse croissant de citoyens ? Situations d’exclusion, de dénuement, de mal logement, de sous alimentation sont désormais le quotidien de nombreux français. Nombreux... le mot est faible. Le chiffre serait de plus de 7 millions de personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté. Plus de 10% de la population. (Chiffres Secours Catholique, Ecouter l’émission de Radio Grésivaudan avec le Secours Catholique)
Samedi 29 novembre, le Conseil Régional de Rhône-Alpes et son vice-président chargé de la démocratie participative, François Auguste, organisait une journée de rencontres participatives autour de la question de la pauvreté et de la précarité. Citoyens concernés par ces problématiques, acteurs sociaux ou institutionnels et politiques, ils étaient plus de 700 ce jour là à investir le Conseil Régional à Charbonnières-les-Bains.
Les radios associatives et médias citoyens rhônalpins avaient installé un studio au sein de l’institution régionale afin de se faire les relais de cette journée riche de rencontres, d’échanges et de participation citoyenne.
Charbonnières-les-Bains, petite ville ville chique et cossue de l’Ouest lyonnais, le Conseil Régional de Rhône-Alpes accueillait samedi 29 novembre dernier la rencontre Régionale de la Démocratie Participative, sur le thème "Pauvreté, Précarité, quelle démocratie participative pour quelle citoyenneté ?".
Devant l’entrée principale du Conseil Régional, un brasero réchauffe de ses flammes les fumeurs sortis vers le froid hivernal de ce 29 novembre. Ambiance de rue, ambiance de piquet de grève et de fête avec, autour des flammes, des airs d’accordéon ou de guitare, les cris du crieur public de la Croix-Rousse, les chants festifs et loufoques du groupe Iznopür. ECOUTER l’émission avec le groupe Iznopür et le Crieur Public de la Croix-Rousse
Ambiance particulière dans cette institution d’habitude si feutrée alors investie par des citoyens de toute la région à l’occasion de cette rencontre hors du commun. Une journée d’échanges et de réflexion dont l’objectif serait peut-être d’abord de reconnaître et d’assumer enfin la précarisation massive de la société française par la confrontation de deux mondes radicalement éloignés.
Le pari était difficile pour éviter, sous les bonnes intentions, les risques d’un regard par trop condescendant des politiques vers ces "pauvres" venus de toute la région. Pour éviter aussi l’écueil de la communication politique. Mais François Auguste, le vice-président du Conseil Régional chargé de la démocratie participative, a insisté jusqu’au bout. Même devant une affluence exceptionnelle - plus de 700 personnes. Surtout avec cette participation massive. Pour être guidé dans cette difficile thématique, c’est avec la Mission Régionale d’Information sur l’Exclusion (MRIE) et en partenariat avec de nombreuses associations que le Conseil Régional a choisi d’organiser cette rencontre Ecouter l’entretien avec François Auguste et Yvon Condamin, président de la MRIE
De l’exclusion...
Le pari était courageux aussi. Car longtemps, trop longtemps, la société française s’est masqué la réalité. Cacher ces pauvres que nous ne saurions voir. Quitte à trafiquer les chiffres...ceux du chômage en premier lieu, avec des astuces comptables ou même, en ce moment, par des radiations massives des bénéficiaires des ASSEDIC. (ECOUTER l’EMISSION d’AC ! Agir Ensemble Contre le Chômage sur Radio Pluriel - bientôt en ligne)
Pourtant, au-delà du taux de chômage, d’autres chiffres existent, bien plus parlants. Le Secours Catholique fait mention de plus de 7 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, la Fondation Abbé Pierre parle de plus de trois millions de personnes mal logées... C’est le cas par exemple de Franck, qui explique son parcours et sa galère à Domitille Marsal de Radio Semnoz. ECOUTER
"J’ai connu la rue, j’ai vu des gens mourir", dit René qui milite maintenant à ATD Quart Monde. "Quand on est dans la rue on a un regard différent", poursuit-il. Ce regard il le traduit maintenant en chansons...
ECOUTER René et Jennifer au micro de Patrice Berger
Et cela n’arrive pas qu’aux autres... La précarité, la misère ne sont pas le fait de catégories sociales particulières qui ne seraient pas les nôtres. Accidents de la vie, divorce, licenciement, perte d’un proche...les raisons sont nombreuses de perdre pied dans un système socio-économique qui n’admet plus la part humaine de chacun... Ainsi Marie-Thérèse Grange était chef de projet pour la mise en place et le développement de PLIE - Plan Locaux d’Insertion par l’Economique. Une belle carrière, avant de perdre deux de ses proches et de devoir s’occuper de sa mère, en fin de vie. Elle quitte son travail pour, un temps, s’occuper mieux de sa maman et ne le retrouvera jamais. Chômage, RMI... celle qui mettait en place des dispositifs d’accompagnement pour les plus pauvres devient elle-même précaire, à un âge où les entreprises ne veulent plus embaucher... C’est un fort engagement associatif qui lui permet aujourd’hui de rebondir. Elle a notamment crée l’ADCQ, l’Association pour le Développement des Comités de Quartier, avec Jean-Pierre Querard.
"Je suis convaincue que je suis née pour un éternel combat", explique Natacha, annecéenne présente au Conseil Régional samedi 29 novembre. Une vie de galère et de rebonds où Natacha avait même réussi à développer un emploi associatif de médiatrice pour les chiens de SDF.
ECOUTER le témoignage de Natacha au micro de Domitille Marsal
La précarité n’arrive pas non plus qu’aux personnes sans travail, sans qualification. Qui ne se souvient de cette employée des Impôts qui dormait dans sa voiture dans les rues de Paris ? Dans l’Education Nationale, les conditions de vie et de travail des enseignants non titulaires tiennent davantage d’un système de servitude médiéval que d’un travail contractuel dans une société démocratique...
... à la lutte contre l’exclusion
Les associations
Face à ces situations, face à l’incapacité (ou le refus) des pouvoirs publics de permettre à tous les citoyens de vivre dignement, des associations tentent de palier les carences d’un système déshumanisé. Elles étaient nombreuses, le 29 novembre à Charbonnière-les-Bains pour témoigner d’une réalité sociale alarmante.
L’Herminette est un centre d’accueil de jour à Annecy :
Robert Géant est éducateur à l’Herminette. ECOUTER son entretien avec Domitille Marsal.
ECOUTER aussi le témoignage de Roger Baltassin, bénévole à l’HErminette.
Brigitte Juillet est infirmière. Elle intervient tous les jours à l’Herminette. ECOUTER
Pascal Dagneaux est éducateur spécialisé à l’association Le Point d’Eau à Grenoble. Son travail consiste à aider les SDF dans la rue. Il est au micro de Patrice Berger (Radio Pluriel) où il explique par exemple que cette année, les centres d’hébergements ne sont plus obligés d’accueillir les enfants en bas âge avec leurs mamans... ECOUTER
La Maison Coluche est un centre d’hébergement d’urgence et de stabilisation de 30 place. Explications avec René, Jean-Louis et Gilbert, hébergés par la maison de Coluche et Leila Badiss, animatrice au micro de Charles Vieudrin (Tropiques FM).
A Bourgoin-Jallieu, l’association Palettes met en place des ateliers de repassage et de bricolage pour l’insertion des rmistes... ECOUTER l’émission de Sandrine Moiroud sur Couleurs FM.
Les collectifs citoyens
Mais le système associatif, par trop institutionnalisé, n’est plus systématiquement adapté à la situation actuelle de précarisation massive. Il ne s’agit plus d’aider quelques démunis, mais de se défendre collectivement face à un système économique qui tente de substituer la loi du plus fort au contrat social démocratique et de combattre un système social qui voudrait remplacer l’humanisme par le sécuritarisme. Aussi des collectifs se forment-ils où les citoyens tentent par eux-mêmes de reprendre leur destin en mains à travers des actions pratiques mais aussi par un militantisme actif.
(Retrouver aussi les émissions de Radio Pluriel avec Les Amoureux au Ban et avec AC ! dans la même rubrique).
Les élus face à la précarité
Si les citoyens se regroupent par eux-mêmes en collectifs pour mieux se défendre, il n’en demeure pas moins qu’il appartient au politique d’organiser la vie de la cité en sorte que les citoyens qu’il représente ne soient pas en rupture avec leur gouvernance. Et c’est bien là le rôle de la démocratie participative. Mais la culpabilisation institutionnalisée et le mépris constant des politiques à leurs égards ont éloigné les "exclus" de l’expression citoyenne. Et c’est bien parce qu’il est difficile de mobiliser les plus précaires autour d’une expression publique que la journée du 29 novembre était consacrée à cette thématique, sans doute la plus importante de toutes parmi les enjeux de la participation citoyenne.
La multiplication des démarches participatives au niveau de la Région Rhône-Alpes est réelle et notable, mais chaque pouvoir local détient des compétences limitées qui ne permettent pas de mettre en application des solutions globales, si tant est qu’elles puissent exister dans un système socio-économique qui n’y semble pas favorable. "C’est quand qu’on arrête de parler, c’est quand qu’on fait vraiment ?" s’insurge le Conseiller Régional Samir Khamassi "la Région essaie de dénouer le problème" mais "il faut répondre aux problèmes de manière globale", ajoute-il.
Pour lui il faut d’abord "donner les moyens à la démocratie pour qu’elle s’exprime". Donner les moyens aux citoyens de participer, rendre leur voix aux sans voix... Etre écoutés est réellement la première demande exprimée par les citoyens présents. A l’heure où l’on est capable de débloquer plus d’argent qu’il n’en faudrait pour éradiquer la faim dans le monde, cette demande devrait être à la portée de n’importe quel gouvernement...
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