mercredi 18 janvier 2012

Formation des chômeurs : un système inefficace

"Les conseillers allemands, suédois ou britanniques semblent avoir plus d'autonomie et de leviers que les conseillers français" de Pôle emploi, notent les deux rapporteurs.

"Les conseillers allemands, suédois ou britanniques semblent avoir plus d'autonomie et de leviers que les conseillers français" de Pôle emploi, notent les deux rapporteurs.AFP/JEFF PACHOUD

“Former et pas seulement indemniser, tel doit être notre but”. A quelques semaines de la fin de son mandat, Nicolas Sarkozy a fait des chômeurs et de leur formation l'une de ses priorités, qui sera abondamment discutée lors du sommet pour l'emploi. Une nouvelle fois : sommet social en 2009, lois, décrets, et discours sur ce thème ont ponctué le quinquennat. Pourtant, la formation des chômeurs n'est pas au mieux. Fin 2009, la Dares comptabilisait 8% des demandeurs d'emploi en formation, contre 10% fin 2004. On comptait 637 000 entrées en formation de demandeurs d'emploi en 2003, on n'en recense plus que 516 000 en 2008, un recul de 18% en cinq ans.

RIGIDITÉS

La France consacrait, en 2009 pas moins de 31 milliards d'euros à la formation continue des adultes, dont 15% destinés aux chômeurs. Une manne qui ne se traduit pas en efficacité. Les associations de chômeurs parlent de “parcours du combattant” pour parvenir à décrocher une place, ou d'offres “inadaptées”. Ce que confirment les chiffres.Selon l'Insee, citée dans un rapport de Jean-Marie Marx sur la formation des chômeurs, rendu en janvier 2010, seuls 10 % des chômeurs anciens ouvriers, sont entrés en formation, contre 27% de ceux qui étaient cadres avant de perdre leur emploi. De même, 18 % des 26-49 ans étaient formés, contre seulement 5,6% des 55-59 ans et 10,6 % des moins de 25 ans.

Président d'ABCDE, une association de chômeurs en Alsace, Marc Desprats juge que “les formations sont essentiellement tournées vers des gens proches de l'emploi”, et visent trop, selon lui, à fournir un emploi direct à leur sortie plutôt qu'une aide à la réorentation professionnelle. De fait, aucun métier liée à l'informatique ou aux nouvelles technologies ne figure dans les dix formations les plus demandées auprès de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

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L'écart semble souvent grand entre les demandes des chômeurs et les formations effectuées. Le rapport de Jean-Marie Marx, notait que, si un chômeur sur deux demande une formation en moyenne, seulement 16% obtiennent l'accord de Pôle Emploi, et seulement 7% entrent effectivement en formation dans les six mois qui suivent.

ACHATS PAR LOTS

Avec la décentralisation, l'Etat se désengage de la formation des chômeurs : il finançait 36% des entrées en formation en 2004, contre 12% en 2009. Les régions sont passées dans le même temps de 48% à 62%. Depuis 2008 et l'application d'une directive européenne, toute formation doit donner lieu à un appel d'offres avec mise en concurrence. Les régions tendent donc à acheter des “lots” de formation, parfois par centaines, qu'il faut ensuite remplir avec des demandeurs d'emploi, même lorsqu'elles ne correspondent pas. Une rigidité critiquée par les organismes de formation. Les associations de chômeurs dénoncent elles aussi la complexité de l'accès aux formations, entre Pôle emploi, qui les valide, la Région, qui les finance, et les instituts de formation, qui les proposent.

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Un “parcours du combattant”, au terme duquel nombre de chômeurs “ne parviennent pas à intégrer la formation qu'ils souhaitent”, car “ils ne rentrent pas dans la bonne case, ils ont trop ou pas assez de chômage, etc”, résume Jacqueline Basan, qui s'occupe de l'association CREER à Montpellier.

L'exécutif s'est mobilisé sur cette question, mais pour peu de résultats. En mars 2009, Nicolas Sarkozy évoquait dans un discours sur la réforme de la formations professionnelle la création,par les partenaires sociaux, d' un fonds de sécurisation des parcours professionnels (Fspp). Abondé à hauteur de 900 millions d'euros,il devait permettre de former ‘“chaque année 500 000 salariés peu qualifiés et 200 000 demandeurs d'emploi, c'est-à-dire ceux qui étaient jusqu'à présent exclus de la formation”, avait assuré le chef de l'Etat. Une gageure : Le nombre d'entrées en formation pour des demandeurs d'emploi a chuté de 5% en 2009 par rapport à 2008.

DIFFICILES RÉFORMES

Une adaptation législative a permis, en 2009, la “portabilité” du droit individuel à la formation (DIF). Il peut désormais utilisé dans les deux ans qui suivent une rupture de contrat de travail. Ce nouveau dispositif devait bénéficier à 200 à 300 000 personnes, selon les recommandations du rapport Marx. Mais les formations proposées sont, le plus souvent courtes, faute de cotisations suffisantes. “On a des cas où les gens étaient précaires avant de tomber au chômage et n'ont droit qu'à 30 ou 40 heures de formation. Que voulez-vous qu'ils apprennent ?” déplore Mme Basan.

Autre mesure mise en place depuis le sommet : la “préparation opérationnelle à l'emploi” (POE), qui vise à former un demandeur d'emploi en fonction des besoins d'une entreprise qui s'engage à l'embaucher par la suite. Un dispositif-phare, sur lequel le gouvernement misait beaucoup, mais qui a eu du mal à monter en charge. Le dispositif devait concerner 10 000 personnes en 2011. En juillet de cette année, le ministère n'a pu se féliciter que de 3200 formations effectivement mises en place.

Samuel Laurent

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