Les ennuis commencent pour le nouveau chef de l'Etat.
- Des militants à Villeurbanne écoutent François Hollande, le 6 mai 2012. REUTERS/Emmanuel Foudrot -
Le destin du pays s’est posé sur les épaules d’un homme. François Hollande s’était préparé à devenir président de la République. Il s’était bien préparé, il a profité du rejet de Nicolas Sarkozy, il a gagné. Je ne doute pas qu’il a toutes les qualités et la stature d’un Président.
Maintenant, il lui reste devenir un bon président. Ce qu’il a à faire est immense et redoutable. Il devra être «à la hauteur» de ce qu’il a nommé à juste titre «le redressement de pays», redressement moral, redressement économique, redressement psychologique.
Pour que les Français retrouvent confiance dans leur avenir, qu’ils cessent de croire que demain sera pire qu’hier et que le progrès est devenu dangereux, pour qu’ils se détournent des errements des extrêmes et leurs solutions magiques, pour que revienne l’optimisme, pour que la France retrouve une place dans le futur du monde, et un rôle premier en Europe, il faut d’abord apaiser les tensions et les divisions.
François Hollande l’a dit dans son allocution de victoire à Tulle. Il a eu raison. Mais cela signifie qu’il faudra maintenant faire taire les accusations contre les boucs émissaires et de tenir un discours de réalité.
La politique est maintenant finie (presque finie, elle ne le sera vraiment qu’après les législatives), commence l’économie. Les difficultés concrètes, les plates difficultés concrètes.
Le devoir de François Hollande est de changer de modèle économique et social de la France. Si elle souffre dans la mondialisation, c’est non pas pour avoir fait trop de concessions au libéralisme, à l’Europe et à cette mondialisation, mais pour n’avoir pas su préserver son modèle en l’adaptant au monde neuf, ouvert, technologique et individualiste.
Le chômage sédimenté depuis trente ans, les déficits budgétaires depuis 38 ans et commerciaux depuis dix ans sont la preuve de cette impuissance et des refus de changements.
La crise a été «la mer qui se retire et qui montre les baigneurs sans maillot», selon l’expression d’Alan Greenspan. La France est nue! Le système est au bout: voilà fondamentalement pourquoi le rôle de François Hollande est considérable et difficile.
La «production», la dette, l’Europe sont les trois chapitres économiques principaux du quinquennat. Commençons par la production et non par la dette car les faiblesses du «produire en France» sont à la racine du mal français.
Le premier problème est ce que les économistes nomment «l’offre». Les plans de licenciements à venir et les grosses et spectaculaires fermetures d’usines en préparation (automobile, télécommunications, commerce) vont vite mettre le problème de la compétitivité au devant de l’actualité. C’est le défi n°1 de François Hollande. Il l’a reconnu à Tulle. Bon signe.
Mais le drame est qu’il ne porte pas le bon diagnostic. Les deux candidats se sont opposés à ce sujet, Nicolas Sarkozy accusant le coût du travail, François Hollande les éléments hors-coûts, le manque de recherche développement, de formation, et le positionnement moyen de gamme.
Les deux ont raison. Mais il faudrait ajouter qu’en conséquence les marges des entreprises sont trop faibles. Dans leur relèvement réside le point de départ du redémarrage de «la production». En clair, il faut réviser la protection sociale pour que son financement ne pèse plus sur le travail.
Existe-t-il une autre manière que de la TVA sociale? Peut-on en limiter l’impact sur le pouvoir d’achat en limitant les bénéfices de cette mesure à l’industrie?
En tout état de cause, voilà un défi n°2 difficile à «vendre» pour un Président de gauche: opter pour une économie de l’offre qui augmente les profits! Le parti socialiste le comprendra-t-il?
Nous entrons ensuite dans le chapitre de la dette. Les marchés financiers ne laisseront rien passer: ni dérapage, ni délai, ni imprécision. Pour éviter de tomber entre leurs mains (défi n°4) et pour empêcher que les taux d’intérêt français se «latinisent» en montant à 6% et pour que cette dépendance n’annule pas les dernières petites marges budgétaires, le futur gouvernement devra faire ce que le candidat Hollande s’est bien gardé de faire: être décidé et précis sur les réductions de dépenses (défi n°5).
Cette rigueur s’imposera aux dépenses de santé (défi n°6) comme aux collectivités territoriales (défi n°7).
Autant de sujets de prévisibles et délicates tractations au sein de la gauche… S’il n’y arrive pas, le président devra utiliser l’autre moyen budgétaire: augmenter les impôts. Mais le pays a déjà le taux de prélèvements parmi les plus hauts de l’OCDE, il risque de faire fuir les acteurs les plus dynamiques du pays.
Défi n°8: ne pas pénaliser les investissements privés par les impôts et ne pas se leurrer sur le financement des PME par l’Etat. Là encore, rien n’est gagné.
Sur le troisième et dernier chapitre, l’Europe, François Hollande a en revanche déjà marqué des points: d’autres pays se sont ralliés à son idée de «Pacte de croissance» (défi n°9). N’en doutons pas, un accord sera trouvé y compris avec l’Allemagne, comme le montrent les déclarations venues de Berlin dimanche soir.
Mais là non plus, il convient de ne pas s’illusionner: l’impact de ce futur pacte européen n’interviendra que dans deux ou trois ans et il restera mineur. L’essentiel de la croissance viendra de France, des réformes de «l’offre» et du choix des mesures d’austérité les moins pénalisantes pour l’expansion.
Dit autrement, voilà la politique macro-économique française sur un fil du rasoir: l’austérité obligatoire va peser sur la demande et restreindre le PIB. Le risque est de tomber dans une trappe de l’austérité comme la Grèce et déjà l’Espagne.
L’Europe n’aura pas la force d’éloigner seule ce danger. Ne pas assécher la demande tout en dynamisant l’offre: la conduite de cette politique est tendue. Plus François Hollande saura imposer des réformes structurelles fortes à ses amis (défi n°10), plus il augmentera la croissance potentielle et plus il pourra procéder à un resserrement de la demande par les baisses des dépenses: tel serait l’enchaînement positif.
En clair, François Hollande pourra remplir ses défis qu’en étant un réformateur radical et déterminé. C’est son destin, s’il veut devenir un bon président. Pourra-t-il le faire comprendre à ses électeurs, son parti et ses alliés? C’est son défi politique.
Eric Le Boucher
Le destin du pays s’est posé sur les épaules d’un homme. François Hollande s’était préparé à devenir président de la République. Il s’était bien préparé, il a profité du rejet de Nicolas Sarkozy, il a gagné. Je ne doute pas qu’il a toutes les qualités et la stature d’un Président.
Maintenant, il lui reste devenir un bon président. Ce qu’il a à faire est immense et redoutable. Il devra être «à la hauteur» de ce qu’il a nommé à juste titre «le redressement de pays», redressement moral, redressement économique, redressement psychologique.
Pour que les Français retrouvent confiance dans leur avenir, qu’ils cessent de croire que demain sera pire qu’hier et que le progrès est devenu dangereux, pour qu’ils se détournent des errements des extrêmes et leurs solutions magiques, pour que revienne l’optimisme, pour que la France retrouve une place dans le futur du monde, et un rôle premier en Europe, il faut d’abord apaiser les tensions et les divisions.
François Hollande l’a dit dans son allocution de victoire à Tulle. Il a eu raison. Mais cela signifie qu’il faudra maintenant faire taire les accusations contre les boucs émissaires et de tenir un discours de réalité.
Le bilan de Sarkozy
Le bilan de Nicolas Sarkozy est loin d’être négatif. Il devra être en partie réhabilité. Il a engagé beaucoup de réformes, il est allé parfois dans la bonne direction, il aura été un bon capitaine dans la crise. Il a pêché malheureusement par une absence totale de pédagogie du sens de son action, ses zigzags brouillant le message parce qu’ils révélaient une confusion stratégique dans son esprit.La politique est maintenant finie (presque finie, elle ne le sera vraiment qu’après les législatives), commence l’économie. Les difficultés concrètes, les plates difficultés concrètes.
Le devoir de François Hollande est de changer de modèle économique et social de la France. Si elle souffre dans la mondialisation, c’est non pas pour avoir fait trop de concessions au libéralisme, à l’Europe et à cette mondialisation, mais pour n’avoir pas su préserver son modèle en l’adaptant au monde neuf, ouvert, technologique et individualiste.
Le chômage sédimenté depuis trente ans, les déficits budgétaires depuis 38 ans et commerciaux depuis dix ans sont la preuve de cette impuissance et des refus de changements.
La France est nue!
Immobile, le modèle français n’a pu survivre, il a été payé à crédit et, année après année, il s’est abîmé. La modèle français est devenu un mensonge: économiquement chétif et socialement injuste.La crise a été «la mer qui se retire et qui montre les baigneurs sans maillot», selon l’expression d’Alan Greenspan. La France est nue! Le système est au bout: voilà fondamentalement pourquoi le rôle de François Hollande est considérable et difficile.
La «production», la dette, l’Europe sont les trois chapitres économiques principaux du quinquennat. Commençons par la production et non par la dette car les faiblesses du «produire en France» sont à la racine du mal français.
Le premier problème est ce que les économistes nomment «l’offre». Les plans de licenciements à venir et les grosses et spectaculaires fermetures d’usines en préparation (automobile, télécommunications, commerce) vont vite mettre le problème de la compétitivité au devant de l’actualité. C’est le défi n°1 de François Hollande. Il l’a reconnu à Tulle. Bon signe.
Mais le drame est qu’il ne porte pas le bon diagnostic. Les deux candidats se sont opposés à ce sujet, Nicolas Sarkozy accusant le coût du travail, François Hollande les éléments hors-coûts, le manque de recherche développement, de formation, et le positionnement moyen de gamme.
Les deux ont raison. Mais il faudrait ajouter qu’en conséquence les marges des entreprises sont trop faibles. Dans leur relèvement réside le point de départ du redémarrage de «la production». En clair, il faut réviser la protection sociale pour que son financement ne pèse plus sur le travail.
Existe-t-il une autre manière que de la TVA sociale? Peut-on en limiter l’impact sur le pouvoir d’achat en limitant les bénéfices de cette mesure à l’industrie?
En tout état de cause, voilà un défi n°2 difficile à «vendre» pour un Président de gauche: opter pour une économie de l’offre qui augmente les profits! Le parti socialiste le comprendra-t-il?
La jeunesse
Le défi n°3 est l’éducation. François Hollande l’a dit: la jeunesse sera au centre de son action. Encore faudra-t-il qu’il obtienne l’aval du corps enseignant pour bouger. Est-ce possible? Fallait-il en échange lui accorder 60.000 postes?Nous entrons ensuite dans le chapitre de la dette. Les marchés financiers ne laisseront rien passer: ni dérapage, ni délai, ni imprécision. Pour éviter de tomber entre leurs mains (défi n°4) et pour empêcher que les taux d’intérêt français se «latinisent» en montant à 6% et pour que cette dépendance n’annule pas les dernières petites marges budgétaires, le futur gouvernement devra faire ce que le candidat Hollande s’est bien gardé de faire: être décidé et précis sur les réductions de dépenses (défi n°5).
Cette rigueur s’imposera aux dépenses de santé (défi n°6) comme aux collectivités territoriales (défi n°7).
Autant de sujets de prévisibles et délicates tractations au sein de la gauche… S’il n’y arrive pas, le président devra utiliser l’autre moyen budgétaire: augmenter les impôts. Mais le pays a déjà le taux de prélèvements parmi les plus hauts de l’OCDE, il risque de faire fuir les acteurs les plus dynamiques du pays.
Défi n°8: ne pas pénaliser les investissements privés par les impôts et ne pas se leurrer sur le financement des PME par l’Etat. Là encore, rien n’est gagné.
Sur le troisième et dernier chapitre, l’Europe, François Hollande a en revanche déjà marqué des points: d’autres pays se sont ralliés à son idée de «Pacte de croissance» (défi n°9). N’en doutons pas, un accord sera trouvé y compris avec l’Allemagne, comme le montrent les déclarations venues de Berlin dimanche soir.
Mais là non plus, il convient de ne pas s’illusionner: l’impact de ce futur pacte européen n’interviendra que dans deux ou trois ans et il restera mineur. L’essentiel de la croissance viendra de France, des réformes de «l’offre» et du choix des mesures d’austérité les moins pénalisantes pour l’expansion.
Dit autrement, voilà la politique macro-économique française sur un fil du rasoir: l’austérité obligatoire va peser sur la demande et restreindre le PIB. Le risque est de tomber dans une trappe de l’austérité comme la Grèce et déjà l’Espagne.
L’Europe n’aura pas la force d’éloigner seule ce danger. Ne pas assécher la demande tout en dynamisant l’offre: la conduite de cette politique est tendue. Plus François Hollande saura imposer des réformes structurelles fortes à ses amis (défi n°10), plus il augmentera la croissance potentielle et plus il pourra procéder à un resserrement de la demande par les baisses des dépenses: tel serait l’enchaînement positif.
En clair, François Hollande pourra remplir ses défis qu’en étant un réformateur radical et déterminé. C’est son destin, s’il veut devenir un bon président. Pourra-t-il le faire comprendre à ses électeurs, son parti et ses alliés? C’est son défi politique.
Eric Le Boucher
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