Le documentaire s'ouvre sur une tombe, celle d'un homme de 42 ans mort dans la rue, faute d'avoir trouvé un lieu où vivre sa schizophrénie. Une entrée violente pour parler de la folie et des failles de la prise en charge. Comment en est-on arrivé là? Quelles politiques médicale, sociale, judiciaire et économique sont à l'œuvre dans cette exclusion? La psychiatrie est-elle une discipline normative ou humaniste? A l'heure du tout sécuritaire et du tout mesurable, c'est à ces questions que répondent les témoignages et les entretiens de ce documentaire.
Au départ, il y a cet élan humaniste apparu au sortir de la seconde guerre mondiale, qui vise à ouvrir les asiles. Ainsi, pendant plus de 40 ans se développe une psychiatrie « désaliéniste » : on permet aux fous d’aller et venir hors des hôpitaux, ils vivent dans la société, peuvent l’enrichir ou au moins y trouver leur place. Ensuite, il y a ces fermetures de lits en psychiatrie publique, 50 000 depuis les années 1970, et une institution débordée pour accueillir ceux qui, faute de soins, se retrouvent à la rue ou parfois même en prison.
Alors, juchée sur ce constat et dans un glissement sémantique bien senti, la folie, dans la bouche de nos dirigeants, est devenue une vraie maladie, une maladie qu’on soigne, qu’on éradique comme un virus grippal trop dangereux. Vous comprenez, la folie ça ne sert à rien et les belles idées, ça coûte des sous, aujourd’hui le temps presse, bienvenue dans l’ère de la « Santé mentale » !
Philippe Borrel dans son film va à la rencontre de ceux qui vivent cette folie : les patients, le personnel soignant mais aussi les spécialistes qui pensent la folie et pas toujours selon les mêmes critères, nous le verrons. On découvre, effrayé, les nouvelles technologies de la neuropsychiatrie, un pendant du courant comportementaliste qui nous contraint à ne plus délirer du tout, ça fait un tabac outre-Atlantique et ça arrive chez nous. Philippe Borrel s’en va filmer les élèves d’une école italienne que l’on teste avec un logiciel qui permet (à coup sûr…) de dépister la folie chez l’enfant. Ça ressemble de très près au test qui détecte les répliquants dans Blade Runner sauf que là ce n’est pas une fiction et qu’il s’agit de gamins de CE2. On parle même d’un pacemaker cérébral qui rectifie les émotions, plus moyen d’être dépressif, paraît même qu’avec ça on a accès à la 3D sans lunettes… Un bonheur insoutenable…
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