18 juillet, 2013
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« L’avenir est souvent fait des
idées "folles" ou "absurdes" d’aujourd’hui. L’intelligence ne consiste
pas à savoir, mais à comprendre » S. MARCHAND, La ruée vers
l’intelligence, Paris, Fayard, 2012.
Pouvez-vous revenir sur votre
parcours et votre ambition de mettre en avant des stratégies et des
vecteurs de communication d'influence auprès des organisations publiques
et privées au sein de Comes communication?
L'idée de combiner les outils du hard et du soft power
s'est imposée à moi lors d'une opération extérieure particulièrement
meurtrière en octobre 1983, alors que je servais comme officier
parachutiste à Beyrouth dans le cadre de Force multinationale de
sécurité (voir ici). Vous avez beau avoir à votre disposition d'énormes ressources de hard power, si vous ne maîtrisez pas l'image, la perception et les vecteurs du soft power,
vous perdez la guerre communicationnelle et informationnelle, donc la
guerre tout court. C'est ce qui s'est alors passé. J'ai ensuite évolué
de la guerre à la guerre économique. A cette expérience de combat de
terrain s'est en effet ajouté un DEA de Relations internationales et
Défense de Paris-Sorbonne, un passage par le journalisme à Valeurs
actuelles, puis un séjour au Parlement européen qui m'a permis de
constater à quel point nous étions en retard par rapport aux puissances
anglo-saxonnes ou aux émergents en matière d'influence et de soft power.
Ce constat établi, avec ma directrice
associée Sophie Vieillard - DEA d'économie européenne, qui avait été
administrateur au Parlement européen - nous avons décidé de créer Comes
communication en 1999. Nous étions donc très en pointe car peu de gens
s'intéressaient alors à l'influence. Mon ami Alain Juillet - qui
deviendra par la suite le Haut responsable à l'intelligence économique
auprès du Premier ministre - nous a soutenus d'emblée, comme le feront
plus tard le préfet Pautrat, Christian Harbulot, Eric Delbecque, Claude
Revel et bien d'autres figures de l'intelligence économique. Pourquoi ce
nom de Comes ? Parce qu'en latin, « comes » signifie le compagnon de
voyage, l'escorte. D'où l'importance de travailler sur le long terme et
sur un mode très pragmatique. Notre volonté était d'aller bien au-delà
du conseil, et de fournir concrètement clé en main, aux structures
publiques ou privées, des vecteurs d'influence récurrents, solides, bien
sourcés, leur permettant de sortir de leur seul savoir-faire technique
pour rayonner en direction de leur écosystème, tout particulièrement en
direction des opinion makers et autres relais d'opinion.
Aujourd'hui installée à Paris, Toronto (Canada), São Paulo (Brésil) et
très prochainement à Rabat (Maroc), la société Comes développe une
méthode de communication d'influence reposant sur la valorisation des
identités. Elle travaille en outre en étroite collaboration avec des
spécialistes nord et sud-américains de la planification stratégique, du
management et du branding. Notre positionnement influence se situe donc à la confluence de l'intelligence économique (competitive intelligence pour être plus précis) et de la communication sur le monde du high end branding qu'affectionnent tout particulièrement les stratèges d'outre-Atlantique.
Quelle serait votre définition de l'E-réputation et du rôle des e-influenceurs dans cette communication globale?
Vous posez ici la question de la
technique, alors que l'influence, étymologiquement (il faut insister sur
les racines néoplatoniciennes de la Renaissance du terme influence),
est un flux. Qu'il se répande via le Net comme c'est le cas le plus
souvent est en l'occurrence secondaire. C'est poser là la question des
moyens. Bien sûr, la e-réputation est capitale et les e-influenceurs
constituent des rouages essentiels de la communication d'influence sur
le web. Mais au-delà du factuel et du technique, souvenons-nous que
l'influence, avant tout, c'est un contenu, non un contenant.
Accompagnant et confortant la stratégie (sans stratégie, pas
d'influence), l'influence est d'abord une logique à l'œuvre et une
pensée en action, qui se déploient au travers de vecteurs divers,
intégrant des messages récurrents à forte valeur ajoutée. Comme le dit
Alain Juillet, l'influence, c'est amener sans coercition, celui que l'on
veut influencer à changer son paradigme de pensée, à modifier ses
fondamentaux, à faire évoluer sa perception des réalités, en usant aussi
bien de la raison que de la séduction – parfois des deux – pour
atteindre l'effet final recherché.
Cette communication d'influence est bien spécifique. Elle n'a pas pour
but de vanter les mérites de tel ou tel produit ou service. L'influence
requiert de la subtilité. L'objectif n'est pas de saturer la cible par
des messages directs, mais plutôt d'interpeller, de manière transverse
et indirecte, ses sens et sa raison, de façon à ce que, librement, par
le seul jeu des idées et des représentations, la cible en vienne à faire
évoluer son jugement. L'influence n'a donc rien à voir avec la
manipulation ou la désinformation. Il n'y a pas coercition, mais
redistribution d'une donne informationnelle. L'influence implique donc
que l'on sorte du strict cadre d'une communication centrée sur le
savoir-faire technique du client, pour user en revanche des ressources
d'autres champs cognitifs, en particulier ceux des sciences humaines.
Pratiquer l'influence à l'égard des cibles visées exige donc de
parfaitement appréhender la nature des mécanismes psychologiques et
cognitifs à l'œuvre, sans oublier l'articulation des rouages de nos
sociétés, des cultures et des environnements.
Pouvez-vous revenir sur votre
parcours et votre ambition de mettre en avant des stratégies et des
vecteurs de communication d’influence auprès des organisations publiques
et privées au sein de Comes communication?
L’idée de combiner les outils du hard et du soft power
s’est imposée à moi lors d’une opération extérieure particulièrement
meurtrière en octobre 1983, alors que je servais comme officier
parachutiste à Beyrouth dans le cadre de Force multinationale de
sécurité (voir ici). Vous avez beau avoir à votre disposition d’énormes ressources de hard power, si vous ne maîtrisez pas l’image, la perception et les vecteurs du soft power,
vous perdez la guerre communicationnelle et informationnelle, donc la
guerre tout court. C’est ce qui s’est alors passé. J’ai ensuite évolué
de la guerre à la guerre économique. A cette expérience de combat de
terrain s’est en effet ajouté un DEA de Relations internationales et
Défense de Paris-Sorbonne, un passage par le journalisme à Valeurs
actuelles, puis un séjour au Parlement européen qui m’a permis de
constater à quel point nous étions en retard par rapport aux puissances
anglo-saxonnes ou aux émergents en matière d’influence et de soft power.
Ce constat établi, avec ma directrice
associée Sophie Vieillard – DEA d’économie européenne, qui avait été
administrateur au Parlement européen – nous avons décidé de créer Comes
communication en 1999. Nous étions donc très en pointe car peu de gens
s’intéressaient alors à l’influence. Mon ami Alain Juillet – qui
deviendra par la suite le Haut responsable à l’intelligence économique
auprès du Premier ministre – nous a soutenus d’emblée, comme le feront
plus tard le préfet Pautrat, Christian Harbulot, Eric Delbecque, Claude
Revel et bien d’autres figures de l’intelligence économique. Pourquoi ce
nom de Comes ? Parce qu’en latin, « comes » signifie le compagnon de
voyage, l’escorte. D’où l’importance de travailler sur le long terme et
sur un mode très pragmatique. Notre volonté était d’aller bien au-delà
du conseil, et de fournir concrètement clé en main, aux structures
publiques ou privées, des vecteurs d’influence récurrents, solides, bien
sourcés, leur permettant de sortir de leur seul savoir-faire technique
pour rayonner en direction de leur écosystème, tout particulièrement en
direction des opinion makers et autres relais d’opinion.
Aujourd’hui installée à Paris, Toronto (Canada), São Paulo (Brésil) et
très prochainement à Rabat (Maroc), la société Comes développe une
méthode de communication d’influence reposant sur la valorisation des
identités. Elle travaille en outre en étroite collaboration avec des
spécialistes nord et sud-américains de la planification stratégique, du
management et du branding. Notre positionnement influence se situe donc à la confluence de l’intelligence économique (competitive intelligence pour être plus précis) et de la communication sur le monde du high end branding qu’affectionnent tout particulièrement les stratèges d’outre-Atlantique.
Quelle serait votre définition de l’E-réputation et du rôle des e-influenceurs dans cette communication globale?
Vous posez ici la question de la
technique, alors que l’influence, étymologiquement (il faut insister sur
les racines néoplatoniciennes de la Renaissance du terme influence),
est un flux. Qu’il se répande via le Net comme c’est le cas le plus
souvent est en l’occurrence secondaire. C’est poser là la question des
moyens. Bien sûr, la e-réputation est capitale et les e-influenceurs
constituent des rouages essentiels de la communication d’influence sur
le web. Mais au-delà du factuel et du technique, souvenons-nous que
l’influence, avant tout, c’est un contenu, non un contenant.
Accompagnant et confortant la stratégie (sans stratégie, pas
d’influence), l’influence est d’abord une logique à l’œuvre et une
pensée en action, qui se déploient au travers de vecteurs divers,
intégrant des messages récurrents à forte valeur ajoutée. Comme le dit
Alain Juillet, l’influence, c’est amener sans coercition, celui que l’on
veut influencer à changer son paradigme de pensée, à modifier ses
fondamentaux, à faire évoluer sa perception des réalités, en usant aussi
bien de la raison que de la séduction – parfois des deux – pour
atteindre l’effet final recherché.
Cette communication d’influence est bien spécifique. Elle n’a pas
pour but de vanter les mérites de tel ou tel produit ou service.
L’influence requiert de la subtilité. L’objectif n’est pas de saturer la
cible par des messages directs, mais plutôt d’interpeller, de manière
transverse et indirecte, ses sens et sa raison, de façon à ce que,
librement, par le seul jeu des idées et des représentations, la cible en
vienne à faire évoluer son jugement. L’influence n’a donc rien à voir
avec la manipulation ou la désinformation. Il n’y a pas coercition, mais
redistribution d’une donne informationnelle. L’influence implique donc
que l’on sorte du strict cadre d’une communication centrée sur le
savoir-faire technique du client, pour user en revanche des ressources
d’autres champs cognitifs, en particulier ceux des sciences humaines.
Pratiquer l’influence à l’égard des cibles visées exige donc de
parfaitement appréhender la nature des mécanismes psychologiques et
cognitifs à l’œuvre, sans oublier l’articulation des rouages de nos
sociétés, des cultures et des environnements.
Pourquoi la question de
l’identité de l’individu, des entreprises, de la marque est aujourd’hui
centrale dans l’analyse communicationnelle? Vous pouvez nous éclairer
sur la notion de l’influence via le high end branding?
Dans le cadre d’une approche
quantitative et grand public, la communication commerciale,
l’événementiel, le marketing, la publicité restent indispensables. Mais
l’on doit aussi explorer d’autres pistes, suivre d’autres logiques à
même de répondre aux défis d’une guerre économique polymorphe.
Et c’est bien là que l’influence peut jouer pleinement son rôle et permettre à la communication de tisser de nouveaux liens avec l’intelligence économique. Trop longtemps, on s’est contenté de messages lisses et passe-partout, accompagnés de belles images, sur un ton consensuel. Mais cet angélisme peut-il être encore de mise aujourd’hui ? Il semble que le temps des bisounours soit en passe de s’estomper… La crise a engendré un retour au réel. De fait, que ce soit pour un individu, une entreprise, une organisation, une collectivité ou un Etat, engager une stratégie d’influence requiert a minima deux conditions préalables : d’une part, qu’il existe une stratégie ; d’autre part, qu’il y ait une identité assumée.
Si l’on veut avoir une solide identité et rayonner dans son
écosystème, il faut accepter d’être différent des autres. Pour exister,
toute structure ou toute entité vivante doit se différencier, ce qui
implique de présenter des caractéristiques visant à la distinguer de son
environnement. Cette identité va générer attraction ou répulsion. Les
spécialistes anglo-saxons du branding maîtrisent parfaitement les
ressorts de cette logique. Ils s’efforcent ainsi de formater
minutieusement l’identité de leurs clients, bien au-delà des
savoir-faire techniques. Le cas le plus connu outre-Atlantique est celui
d’Harley-Davidson. La marque ne se résume pas à un logo, à une baseline
ou à une égérie. Le client n’achète pas un produit – une moto en
l’occurrence – mais affirme son désir d’appartenir à un club, d’en
revendiquer les valeurs. De la sorte, la volonté d’appartenance et de
partage de l’identité comporte une part essentielle de rêve et
d’imaginaire (voir par exemple le Living by it de Harley Davidson):Et c’est bien là que l’influence peut jouer pleinement son rôle et permettre à la communication de tisser de nouveaux liens avec l’intelligence économique. Trop longtemps, on s’est contenté de messages lisses et passe-partout, accompagnés de belles images, sur un ton consensuel. Mais cet angélisme peut-il être encore de mise aujourd’hui ? Il semble que le temps des bisounours soit en passe de s’estomper… La crise a engendré un retour au réel. De fait, que ce soit pour un individu, une entreprise, une organisation, une collectivité ou un Etat, engager une stratégie d’influence requiert a minima deux conditions préalables : d’une part, qu’il existe une stratégie ; d’autre part, qu’il y ait une identité assumée.
Cette quête de sens et de repères prouve
que le socle d’une marque réside en son identité, une identité qui doit
être clairement affichée et même revendiquée, ce que les théoriciens et
managers anglo-saxons désignent comme étant du ressort du high end
branding, autrement dit la réflexion sur la marque sur un mode haut de
gamme.
Philippe Baumard souligne la notion suivante : « La
stratégie est la capacité de définir une raison d’être – un dessein –
qui assure la pérennité et l’épanouissement de ce qui est, et de ce qui
sera » dans son livre Le vide stratégique, Paris, CNRS éditions,
2012. Vous pouvez nous en expliquez les mécanismes et ce que cela
implique?
Professeur des universités (Stanford,
Polytechnique), Philippe Baumard a signé avec « Le vide stratégique » un
constat remarquable, sur lequel nous avons beaucoup échangé. Oui, nous
sommes par trop obnubilés par le court terme, et par le fétichisme
technologique ! Oui, nous sommes sous le joug de la performance
immédiate, réduits à un perpétuel pilotage à vue ! Oui, nous nous
refusons à penser sur le mode stratégique. Nous nous leurrons en pensant
maîtriser le présent. En réalité, par ce culte de l’urgence, nous
évinçons les questions de fond, tout particulièrement celle qui nous
conduit à nous interroger sur notre devenir. Dès lors, la réflexion
stratégique se trouve évacuée. Ce qui signifie concrètement que nous
nous refusons à ouvrir les yeux sur le monde et à nous efforcer de le
penser sur un mode synoptique.
Or – et c’est en cela que je rejoins
complètement Philippe Baumard – on ne peut comprendre et mettre en
œuvre une communication d’influence si l’on n’a pas au préalable posé la
question de la stratégie, elle-même consubstantielle à la prise de
conscience de son identité et à sa propre volonté de devenir. La phrase
de Baumard que vous rapportez prouve que l’on ne peut pas agir si l’on
n’a pas su au préalable définir ce que l’on est. De fait,
reconnaissons-le, la capacité stratégique nous apparaît comme
indissociable du questionnement ontologique. En l’occurrence, il s’agit
moins là de méthode que d’affirmation d’une volonté, affirmation qui se
traduit dans les faits par la capacité à donner du sens. Venant
conforter la stratégie choisie, l’influence relève logiquement des
directions générales des structures publiques ou privées qui y ont
recours pour stimuler leur réflexion, définir leurs valeurs puis guider
leur action. N’oublions jamais que l’influence, c’est d’abord l’aptitude
à donner du sens et des repères. Ce qui implique de faire des choix et
d’accepter les risques de son positionnement, de sa perception, donc de
son identité. L’influence est ainsi tout à la fois l’une des causes et
l’une des conséquences de la réflexion stratégique. Elle est en germe
dans le questionnement et se déploie ensuite dans une longue chaîne, qui
aboutit notamment à l’engagement d’une communication d’influence,
entrant alors dans la sphère opérative, puis tactique, qui permet
d’engranger les résultats attendus. Dans le monde dangereux qui est le
nôtre, l’un des mérites de l’influence est sans nul doute de réhabiliter
le travail de la pensée, et par là même, de nous conduire à des
questionnements et à des actions d’un genre nouveau. C’est en ce sens
qu’influence et stratégies apparaissent comme complémentaires pour
remporter les combats de demain.
Pour consulter le dernier article coécrit par Alain Juillet et Bruno Racouchot sur le thème « L’influence, le noble art de l’intelligence économique » (Communication & Organisation n° 42, Presses universitaires de Bordeaux).
Pour en savoir plus et s’abonner à la Lettre mensuelle Communication & Influence
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