dimanche 28 juillet 2013

Politique culturelle extérieure

Tribune du ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius et de la ministre de la culture, Mme Aurélie Filippetti, avec « Le Figaro » (Paris, 15 juillet 2013)

Notre ambition pour une diplomatie culturelle au XXIe siècle
Rien de grand ne s’est accompli en France sans culture. La diplomatie et l’action extérieure n’échappent pas à cette règle. La France est forte et respectée quand elle porte ses valeurs, son patrimoine, sa créativité. La culture représente un de nos principaux atouts, notre héritage et une part de notre avenir.
Il est donc essentiel de défendre l’exception culturelle, notamment dans les négociations commerciales avec les États-Unis. Il s’agit de protéger la diversité culturelle et d’assurer à notre culture les moyens de rayonner. Nous voulons la faire dialoguer et résonner avec d’autres, conjuguer sa promotion et l’hospitalité aux autres, car une culture est d’autant plus forte qu’elle sait se nourrir des apports extérieurs.
La culture doit imprégner toute l’action publique et contribuer à soutenir nos politiques dans d’autres domaines. Pour la diplomatie économique, le rayonnement culturel constitue un avantage décisif. Pour notre politique de développement, la culture représente un soutien en matière de transition démocratique et de progrès social. Parce qu’elle valorise notre patrimoine et nos savoir-faire et promeut la création et l’innovation, notre politique culturelle est l’un des piliers de l’attractivité et de l’influence de la France. Pour toutes ces raisons, nous entendons donner une nouvelle impulsion à notre action culturelle extérieure.
La diffusion du français constitue une de nos premières priorités. Notre belle langue est aujourd’hui parlée par 220 millions de personnes, elle le sera bientôt, avec le développement de l’Afrique, par plus de 700 millions. Voilà un extraordinaire socle d’influence pour la France. À cette fin, sera développé notre réseau d’enseignement à l’étranger - qui scolarise 300 000 élèves dont deux tiers d’étrangers. Quant à l’apprentissage du français, nous souhaitons le muscler particulièrement là où l’avenir s’écrit, notamment dans les pays émergents et néo-émergents. La francophonie constitue un enjeu culturel ; c’est aussi un enjeu économique - partager une même langue stimule les échanges économiques.
Parce que le secteur culturel est créateur d’emplois et de richesses en France, le soutien à nos industries culturelles et créatives est lui aussi décisif. Elles représentent déjà 5 % de nos exportations, nous pouvons faire mieux. Il nous faut renforcer la part des contenus et des créations français sur le marché mondial. Nous y possédons de grands atouts, notamment le livre, première industrie culturelle en France, la musique, le cinéma, la télévision, mais aussi des secteurs comme le jeu vidéo, l’architecture, le design ou les arts visuels contemporains. Nous avons demandé à notre réseau culturel à l’étranger de travailler désormais plus étroitement avec les principaux acteurs français de l’export afin de les faire bénéficier de leur expertise.
Ce doit être le cas notamment en matière audiovisuelle. Avec Unifrance et TV France international, nous disposons d’acteurs performants pour appuyer la présence internationale de nos industries audiovisuelles. Nous allons améliorer la coordination avec notre réseau diplomatique dans le contexte notamment de la « diplomatie économique ». Après des années de crise, le cadre de notre dispositif extérieur est désormais stabilisé. France Médias Monde (qui regroupe RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya) et TV5 Monde, aux côtés de l’Agence France Presse, jouent et joueront un rôle moteur pour la francophonie, l’image de la France et la diffusion de nos contenus audiovisuels.
Depuis longtemps, la France a compris l’importance de former sur son territoire de nombreux étudiants étrangers et d’attirer des chercheurs, qui peuvent devenir, de retour chez eux, des ambassadeurs de notre culture, de nos valeurs, de notre économie. Nous voulons renouer avec cette tradition. Une circulaire inopportune avait écorné l’image de la France à laquelle nous sommes attachés et son abolition fut à juste titre un des premiers gestes du nouveau gouvernement. La France est ouverte aux étudiants étrangers pour apprendre et pour travailler professionnellement. Nos ambassades porteront ce message et veilleront à tisser des liens durables avec ces étudiants, notamment en développant les réseaux d’anciens étudiants ou alumni.
Notre culture et notre patrimoine constituent aussi des atouts pour le tourisme. Nous voulons accompagner nos musées à l’étranger, afin de leur permettre d’exposer largement leurs collections et de les faire mieux connaître. Il convient aussi de mettre en avant notre patrimoine immatériel qui participe à l’attractivité de notre pays, en offrant une image positive. Notre gastronomie, nos arts de vivre, nos savoir-faire, nos marques notamment dans le domaine du luxe sont pleinement représentatifs de notre pays. Les uns et les autres permettent de toucher un public varié qui associe la France à une certaine identité fondée sur l’excellence.
Nous entendons porter également nos efforts dans le domaine numérique. Grâce à cet outil et à sa force de pénétration, nous pouvons atteindre de nouveaux publics. Nous allons donc développer l’offre française de formation en ligne et, dans le domaine audiovisuel, proposer des chaînes thématiques sur Internet.
Bref, nous ne pouvons ni ne voulons passer à côté de ce formidable gisement de rayonnement et de croissance que constitue la culture. Nous devons être en mesure de mettre à profit et d’accompagner le développement rapide de nombreux pays en Asie, en Amérique latine et en Afrique, où les nouvelles classes moyennes s’ouvrent aux produits culturels. La concurrence est rude - les pays émergents, notamment la Chine, investissent massivement dans le rayonnement culturel -, nous en tirons la leçon qu’il faut être offensifs.
Prochainement, sera réuni à Lille, ville exemplaire en matière d’attractivité et de culture, notre réseau de coopération et d’action culturelle afin que lui soit présentée notre feuille de route. Il joue un rôle essentiel pour assurer à long terme notre présence et notre rayonnement sur les cinq continents. Nous lui donnons une mission claire et nous lui faisons confiance pour la remplir. C’est cela aussi investir dans l’avenir.

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