Venu des Etats-Unis, le concept de whistleblower – "lanceur d'alerte" en français – fait des émules en France. Depuis les révélations de WikiLeaks et les divulgations sur l'espionnage de la National Security Agency (NSA), respectivement rendues possibles par Bradley Manning et Edward Snowden, les "cas" de lanceurs d'alertes se multiplient en France.
Traîtres pour les uns, héros pour les autres, les lanceurs d'alertes ont pour point commun de justifier leurs actes par les mêmes arguments. Civisme, action citoyenne, éthique : voilà pour les ressemblances. Car leur statut, très peu défini et encadré par la loi française, recouvre un concept fourre-tout et des situations multiples. L'actualité récente en donne quelques exemples.- Révélations financières : Pierre Condamin-Gerbier (Cahuzac) et Hervé Falciani (évasion fiscale)
En marge de cette affaire, les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire instruisent une information judiciaire pour "blanchiment de fraude fiscale" à l'encontre de la banque Reyl & Cie. Instruction dans laquelle cet ancien employé est également mis en cause. Lors de son audition, Pierre Condamin-Gerbier a affirmé qu'il était en possession d'une liste de quinze personnalités politiques détentrices d'un compte en Suisse. Des documents qu'il souhaite rendre publics, et qui incrimineraient plusieurs ministres actuels ou anciens.
Côté Suisse, la banque Reyl & Cie n'a pas vraiment apprécié les fracassantes déclarations de son ancien associé. Le 17 juin, l'établissement a donc porté plainte contre Pierre Condamin-Gerbier. Motif : "vol, falsification de document et violation du secret professionnel et commercial", selon le communiqué de presse de la banque.
Même histoire ou presque pour Hervé Falciani, ancien informaticien de la succursale suisse de la HSBC, promu "lanceur d'alerte" pour avoir dérobé les données bancaires de milliers d'évadés fiscaux présumés. En 2008, il s'était emparé des fichiers contenant les noms de quelque 130 000 clients. Transmis à la justice française un an plus tard, ces fichiers avaient permis d'identifier 8 993 évadés fiscaux français et de rapatrier 1,2 milliard d'euros.
Depuis ces révélations, Hervé Falciani vit un enfer. Traqué par les autorités suisses (il risque jusqu'à sept ans et demi de prison), il fuit de pays en pays. Jusqu'à atterrir en Espagne, où il bénéficie du statut de témoin protégé. La Suisse l'accuse d'espionnage économique, de soustraction d'information et de violation de secret commercial et bancaire. Mais la justice helvétique se heurte au refus de Madrid d'extrader le Franco-Italien. Depuis ses révélations, Hervé Falciani serait menacé de mort et placé sous la protection de la police.
- Scandales sanitaires : Irène Frachon (Mediator)
A la suite de ses révélations, Irène Frachon déclarait, en mai 2013, qu'elle se sentait isolée au sein de la communauté médicale. Sur son statut de lanceuse d'alerte dans le milieu de la santé, elle déclarait : "Ce que je fais depuis quelques années, ça ne se fait pas." Pour éviter ce sentiment de solitude et la discrimination professionnelle, une loi a été adoptée en avril pour protéger les lanceurs d'alerte "sanitaire". Les scientifiques ne pourront plus être sanctionnés ou isolés "pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi", à leur employeur ou aux autorités, "des faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l'environnement".
- Critiques politiques : Delphine Batho ("mauvais budget" de l'écologie)
Le 2 juillet, après son éviction du gouvernement, l'ancienne ministre de l'écologie déclarait : "C'est sur l'écologie que se concentre l'affrontement avec le monde de la finance. Les forces opposées au changement sont puissantes. Le moment est venu de se mobiliser pour y faire face." Avant de lancer, après avoir dénoncé la faiblesse du budget de l'écologie et accusé le gouvernement de céder à "certaines forces économiques" : "J'assume ma responsabilité d'être une lanceuse d'alerte."
- Risques écologiques : Greenpeace (centrales nucléaires)
Barbara Pompili, coprésidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, réfute toute qualification de "délinquance" dans l'"action citoyenne" de l'organisation écologiste au Tricastin. Au contraire, l'élue a salué mardi 16 juillet le "rôle de lanceur d'alerte" de Greenpeace, rappelant que les vingt-neuf militants n'étaient pas armés. Avant d'ajouter : "Mais vous imaginez par contre des gens qui viennent avec des explosifs sur eux et qui rentrent comme Greenpeace a pu le faire, là ce serait dangereux."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.