dimanche 28 juillet 2013

Métadonnées: voilà à quoi ressemble ce que la DGSE peut savoir de vous

Par Cécile Dehesdin | publié le 09/07/2013 à 10h57, mis à jour le 09/07/2013 à 11h02

Capture d'écran d'immersion

Quand a éclaté le scandale Prism, le système de la NSA permettant d'extraire des données à partir de Google, Facebook et consorts, on vous a dit que le programme secret le plus effrayant révélé par les récentes fuites concernait en fait la collecte et le stockage de millions de relevés et de géolocalisations téléphoniques et mails des citoyens américains –et étrangers.
Des métadonnées, les services de renseignement en collectent aussi sur des citoyens français, affirmait quelques jours plus tard Le Monde, expliquant:

«Ces métadonnées permettent de dessiner d'immenses graphes de liaisons entre personnes à partir de leur activité numérique, et ce depuis des années. De dessiner une sorte de journal intime de l'activité de chacun, tant sur son téléphone que sur son ordinateur. A charge ensuite pour les services de renseignement, lorsqu'un groupe intéressant a été identifié, d'utiliser des techniques plus intrusives, comme les écoutes ou les filatures.»
Le député PS Jean-Jacques Urvoas a ensuite publié un communiqué affirmant que les citoyens français ne sont pas «soumis à un espionnage massif et permanent en dehors de tout contrôle», notamment parce que les données collectées –sous autorisation de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité– doivent être détruites après utilisation.

Quoi qu'il en soit, les métadonnées, et les immenses graphes de liaisons entre personnes qu'elles permettent de dessiner, sont au coeur de ces dernières affaires. Mais à quoi peuvent donc ressembler ces graphes? Trois membres du Massachusetts Institute of Technology ont mis au point une application permettant de voir ce que révèlent les métadonnées de votre compte Gmail.
Il suffit pour cela de vous connecter –et donc d'accepter que le site ait accès à vos métadonnées–, et au bout de quelques minutes, voilà le résultat:

Capture d'écran du réseau des métadonnées d'un exemple fictif, donné par Immersion
L'outil permet de visualiser ce que vous savez sans doute déjà: que votre chef / votre mère / votre mec est le centre de votre vie «courriellienne», mais aussi de vous rappeler à quel point certains groupes de votre vie ne se croisent jamais –en tout cas dans vos mails–, et comme certains de vos contacts n'ont de liens qu'avec vous.

Appliqué aux recherches gouvernementales, Techcrunch note deux conclusions évidentes qui ressortent de cette expérience:
«1. La NSA [ou la DGSE chez nous] pourrait identifier des équipes et leur leader [...]
2. De gros cercles sans liens vers les autres points révèlent des relations qu'on pourrait vouloir cacher. Le fait que ces points n'interagissent avec personne d'autre est suspicieux. Ils sont précieux pour faire du chantage, ils peuvent représenter une maîtresse, un médecin, un dealer de drogue...»
En quelques minutes, et beaucoup moins de métadonnées puisque les services de renseignement ne s'intéressent pas qu'au seul Gmail, vous venez de passer la première étape de ce qui peut être exploré si vous recherchez un terroriste.

César Hidalgo, l'un des fondateurs d'Immersion, n'a pas créé l'application pour parler espionnage et terrorisme, mais parce qu'il s'intéresse aux métadonnées depuis des années, et que, selon lui, elles ont un impact émotionnel nos vies. Interrogé par le Boston Globe sur ce qu'il a ressenti lorsqu'il a vu ses propres métadonnées transformées en schéma, il répond ainsi:
«Quand vous voyez tout ça d'un coup, c'est, d'une certaine manière, une expérience hors du corps. Vous voyez tout votre réseau et vous vous voyez vous-même hors du réseau, et vous le voyez de loin, et en une seule image.
Vous vous mettez à vous rendre compte que, finalement, vous n'intéragissez pas avec des gens mais avec des toiles de gens. Parce que toutes les personnes avec qui vous avez intéragi sont connectées via des dizaines ou des centaines de chemins indirects. Elles existent en votre absence. C'est cette expérience hors du corps que je trouve très puissante.»
C.D.

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