D'avril à juin, Apple a vendu 31 millions d'iPhones, ce qui n'a pas empêché sa
part de marché de stagner. Même si le smartphone reste la bouée de
sauvetage de la marque, l'innovation est plus que jamais un objectif
central pour assurer la pérennité de son modèle économique.
Bouée de sauvetage
Publié le 25 juillet 2013
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Apple vient d'annoncer un nouveau recul de ses bénéfices de près de 22%
sur un an.
Apple vient d'annoncer un nouveau recul de ses bénéfices de près de 22%
sur un an. Crédit Reuters
Atlantico : Apple vient d'annoncer un nouveau recul de ses bénéfices de
près de 22% sur un an, même si la marque a pu compter sur des ventes
importantes d'iPhones, 31,2 millions d'exemplaires sur le trimestre.
Arrive-t-on à la fin d'un cycle pour la marque ? Pendant combien de
temps encore l'effet "iPhone" va-t-il pouvoir durer ?
Frédéric Fréry : Il y a effectivement une baisse significative de leurs
bénéfices, mais il est important de nuancer ce constat, puisqu'Apple
maintient son chiffre d'affaires. Autrement dit, la marque a vendu
autant, mais en gagnant moins d'argent. Cela peut s'expliquer de deux
manières : par la hausse du coût de certains composants, mais aussi et
surtout par la baisse du prix moyen des appareils vendus. Dans la
répartition des ventes d'Apple, on constate une part croissante des
modèles les moins chers, comme les iPhones 4 et 4S ou l'iPad Mini. Les
clients sont moins convaincus par les modèles les plus chers, comme
l'iPhone 5 et le dernier iPad.
D'une certaine manière, la fragilité du modèle d'Apple est intrinsèque à
son succès : pour maintenir les taux de profit face à la concurrence,
mais aussi pour convaincre les utilisateurs déjà équipés, il faut
proposer des produits toujours plus attractifs, pour lesquels les
clients sont prêts à payer un différentiel de prix important. Or, ce que
l'on appelle "l'innovativité" (c'est-à-dire la capacité d'innovation à
répétition) est une des compétences les plus difficiles à acquérir et
surtout à maintenir dans une entreprise. N'ayant pas renouvelé sa gamme
depuis un certain temps, Apple se fait rattraper par la concurrence et
doit se battre sur les prix, ce qui fait baisser ses profits. Les
produits prévus pour cet automne et le début de l'année 2014 seront donc
essentiel au rétablissement de sa rentabilité.
Ces chiffres sont-ils révélateurs d'une faille au sein de la stratégie
de la marque ? Est-elle réellement en danger et peut-elle vraiment être
dépassée par ses concurrents ?
On ne peut pas vraiment parler de "faille". Ces dernières années, la
marque a dégagé une rentabilité hors-norme, qui lui a permis de devenir
l'entreprise la plus riche du monde. Arriver éternellement à maintenir
la plus forte rentabilité du monde, c'est tout simplement impossible.
Exiger une telle rentabilité de manière durable, c'est tout à fait
irréaliste. L'histoire des entreprises nous rappelle que la position de
leader est la plus éphémère.
Le principal danger pour Apple est donc de revenir dans la norme de
rentabilité de son industrie. Penser que l'on peut concevoir en
permanence des produits toujours plus performants que ceux de la
concurrence relève au mieux de la naïveté et au pire de l'arrogance.
Apple a été capable de le faire pendant des années et c'est déjà
incroyable. Revenir dans la norme de l'industrie n'a rien d'insultant.
Même si les cycles de croissance/décroissance sont classiques, le
décrochage que connaît la marque semble plus net cette année. Le marché
n'est-il pas en train de se déplacer vers le milieu de gamme, segment
qu'Apple n'a jamais vraiment ciblé ?
Oui, le haut de gamme semble à la peine, comme l'ont récemment montré
les chiffres de vente décevants du Samsung Galaxy S4. Cependant, à sa
manière, Apple s'est aussi repositionné sur le milieu de gamme. L'iPad
Mini était déjà en quelque sorte un iPad low-cost, et on entend en ce
moment des rumeurs insistantes concernant la prochaine sortie d'un
iPhone low-cost. La rentabilité d'Apple est donc appelée à baisser,
puisque ses produits seront moins chers, alors que ses économies de
coûts sont limitées. Ils vont certainement arriver à maintenir leur
chiffre d'affaires, mais leur taux de rentabilité actuel paraît
impossible à maintenir à l'avenir. A cet égard, le lancement de l'iPad
Mini était dicté par la volonté de maintenir le chiffre d'affaires : si
celui-ci baissait, cela signifierait que la marque serait moins
attractive, et c'est ce qu'Apple veut éviter, quitte à élargir sa gamme
de produits vers le bas. N'oublions pas que chaque iPad ou iPhone vendu,
ce sont des ventes ultérieures assurées sur iTunes. Maintenir les
volumes de vente est donc crucial.
Cela dit, le modèle économique tel qu'il a été développé à l'époque de
Steve Jobs, avec des niveaux de prix très élevés pour des coûts
relativement faibles, n'est plus tenable sur les volumes actuels : Apple
n'est plus une marque de niche pour une clientèle aisée qui voulait de
l'exclusivité. Maintenant, avec la clientèle de masse, le différentiel
de prix devient difficilement justifiable. En devenant leader, Apple a
dû accepter une banalisation de son offre, et donc une baisse de ses
marges. En stratégie, on enseigne que les taux de rentabilité les plus
élevés proviennent soit des produits de niche très élitistes, soit des
produits de masse très répandus. Entre les deux, on court le risque
d'être "coincé au milieu" : le prix trop élevé rebute la plupart des
clients, et les investissements consentis pour croître ne sont pas
couverts par les ventes.
Quelle peut être la stratégie d'Apple pour redresser son cycle de vente ?
Viser une autre opportunité de croissance ou bien continuer sur le haut
de gamme en lançant par exemple une nouvelle gamme de produits après
l'iPhone en 2007 et l'iPad en 2010 ?
Il faudrait arriver à trouver un nouveau produit providentiel, sans
équivalent chez les concurrents, de manière à déplacer à nouveau le jeu
concurrentiel sur un marché encore vierge : Apple semble vouloir tenter
l'expérience avec la montre iWatch après avoir hésité de le faire avec
la télévision (le boitier Apple TV restant confidentiel). Cependant, le
succès n'est pas garanti. On peut se souvenir que dans les années 1990,
Apple s'est lancé dans l'appareil photo numérique (le QuickTake), puis
dans la console de jeux (la Pippin), mais tous les deux ont été des
échecs. Les entreprises qui ont réussi à inventer une catégorie de
produits sont très peu nombreuses, et il n'y a même qu'Apple qui a
réussi à en établir successivement trois (le lecteur MP3, le smartphone,
la tablette), voire quatre en comptant le micro-ordinateur. Il parait
peu probable qu'ils puissent renouveler plusieurs fois un tel coup de
maître. Pour autant, rentrer dans le rang n'est pas une insulte.
Quoiqu'il arrive maintenant, ils resteront de toutes façons dans
l'Histoire.
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