dimanche 17 février 2013

Lettre au père

La Lettre au père est une lettre écrite par Franz Kafka à l'attention de son père.


Christine Angot - Lecture de  La lettre au père... par laregledujeu

L'auteur y relate les problèmes relationnels entre son père et lui. Cette lettre fut écrite en 1919 mais ne fut jamais remise à son destinataire. Elle parut seulement en 1952.



Kafka l'écrivit à la suite du refus de son père concernant son mariage avec Julie Wohryzeck, une secrétaire de Prague. Il y décrit l'attitude de cette figure paternelle qui l'effraie et qui le domine. Ils entretiennent une relation conflictuelle; en effet son père lui reproche un manque d'amour filial tandis que Kafka désapprouve son autorité.

Tout au long de cette lettre, Kafka, s'adressant à son père, lui dit qu'il reconnaît l'entière responsabilité de leurs rapports; c'est totalement de sa faute à lui s'ils ne s'entendent pas. Son père n'y est pour rien. Mais au fur et à mesure de la lecture, on se rend compte que Kafka critique son père ainsi que son éducation stricte de façon de plus en plus explicite.

Kafka travaillait le jour en tant que juriste dans une compagnie d'assurance et il écrivait la nuit. Pour lui, être écrivain n'est pas un métier. Il se considérait d'ailleurs comme un parasite; quelqu'un d'inutile, ne pouvant rien apporter à la société et vivant à ses crochets. Ce complexe est très bien exprimé dans son récit métaphorique La Métamorphose (1913), où un voyageur de commerce se transforme subitement en un énorme insecte répugnant et est de ce fait exclu de la société et rejeté par sa famille. Kafka n'avait donc pas une haute opinion de lui-même; il n'avait pas la force de répondre à son père, ni même de lui désobéir. Dans sa lettre il lui reproche son éducation trop stricte ainsi que son autorité. Par exemple, lorsqu'ils étaient à table, le père disait toujours qu'il ne fallait pas parler la bouche pleine, ne pas trop manger, ne pas faire de miette, ne pas manger trop vite etc. Kafka s'efforçait donc de satisfaire son père en respectant ses règles. Ce qui était paradoxal, c'est que son père faisait lui-même ce qu'il interdisait à ses enfants: il parlait la bouche pleine, il mangeait beaucoup et vite... Il y avait donc une incohérence, une injonction paradoxale, entre ce qui était dit et ce qui était fait. Kafka reproche également à son père son attitude vis-à-vis de lui. Il ne respectait jamais son jugement. À chaque fois qu'il disait apprécier quelqu'un, son père s'empressait de rabaisser cette personne. Il disait toujours le contraire de son fils. En voici un autre exemple; il voulait que Kafka s'intéresse au Judaïsme et du jour où Kafka s'y est intéressé, « le Judaïsme lui devint odieux, il jugea les écrits juifs illisibles, ils le dégoûtèrent. »
Le père de Kafka était un pervers narcissique, en bonne santé, un destructeur sûr de lui et qui pensait qu'il était de loin supérieur aux autres. Lorsqu'il parlait à ses enfants il avait des paroles dures, blessantes, comme le jour où il dit à Kafka qu'il le « déchirerait comme un poisson ». Il disait également de Kafka que c'était quelqu'un d'inapte à la vie, qu'il n'était pas fort, pas solide. Kafka émit l'hypothèse que son père lui disait tout cela dans le but qu'il réagisse, qu'il se rebelle et qu'il s'affirme. Mais ce ne fut pas le cas. Dans sa lettre, il explique à son père qu'il parle de lui dans tous ses romans, il y raconte tout ce qu'il ne peut pas lui dire en face.
À la fin de cette lettre, on peut découvrir un message d'espoir; en effet, Kafka écrit qu'il espère que cette lettre va les apaiser et leur « rendre à tous deux la vie et la mort plus faciles. »
La "Lettre au père" de Franz Kafka est considérée comme la clef de ses œuvres. Le complexe relatif au père y est clairement exprimé.




Franz KafkaN 1 est un écrivain pragois de langue allemande et de religion juive, né le 3 juillet 1883 à Prague et mort le 3 juin 1924 à Kierling. Il est considéré comme l'un des écrivains majeurs du XXe siècle.
Surtout connu pour ses romans Le Procès (Der Proceß) et Le Château (Das Schloß) ainsi que pour la nouvelle La Métamorphose (Die Verwandlung), Franz Kafka laisse cependant une œuvre plus vaste, caractérisée par une atmosphère cauchemardesque, sinistre, où la bureaucratie et la société impersonnelle ont de plus en plus de prise sur l'individu. Hendrik Marsman1 décrit cette atmosphère comme une « objectivité extrêmement étrange ».
L'œuvre de Kafka est vue comme symbole de l'homme déraciné des temps modernes2. D'aucuns pensent cependant que l'œuvre de Kafka est uniquement une tentative, dans un combat apparent avec les « forces supérieures », de rendre l'initiative à l'individu, qui fait ses choix lui-même et en est responsable3.

Biographie

Famille et jeunesse

Franz Kafka est né à Prague, alors capitale de la Bohême, qui faisait partie de l'empire austro-hongrois. Son grand-père, Jacob Kafka, venait d'une ville de province tchèque, Osek, et installa à Prague un petit commerce. Il est le fils de Hermann Kafka (1852-1931) et de Julie Kafka, née Löwy (1856-1934), issue d'une riche famille de Poděbrady. Il avait deux frères, Georg et Heinrich, morts en bas âge, en 1885 et 1887, et trois sœurs plus jeunes : Gabrielle (Elli) (1889-1941), Valérie (Valli) (1890-1942) et Ottilie (Ottla) (1892-1943), qui, lors de la Seconde Guerre mondiale, furent déportées au ghetto de Łódź et y moururent. Kafka a eu une enfance solitaire. Sa langue maternelle était l'allemand comme pour près de 10 % de la population de Prague à l'époqueN 2.
Les Kafka étaient juifs. Kafka lui-même et ses biographes décrivent son père, qui eut des relations difficiles avec son fils, comme dominant et prétentieux. Bien qu'il n'ait pas eu un rapport intense avec sa mère, il s'identifia fortement avec la famille de celle-ci, réputée intellectuelle et spirituelle, contrairement à celle de son père (son grand-père avait fondé une « grande surface »).
Entre 1889 et 1893, il suivit l'école primaire au Fleischmarket (« Marché aux viandes », maintenant sur la rue Masná) à Prague. Son éducation juive se limita à la célébration de sa Bar Mitsva à l'âge de treize ans et à sa participation quatre fois par an aux services de la synagogue.
Après l'enseignement primaire, il fut admis au collège d'État à Prague, le Altstädter Deutsches Gymnasium germanophone. Il finit son éducation en 1901. Très tôt, il s'intéresse à la littérature (ses premiers écrits ont disparu, sans doute détruits par Kafka lui-même) et aux idées socialistes. Ses amis sont alors Rudolf Illowy, Hugo Bergmann, Ewald Felix Pribram, ou encore Oskar Pollak. Il passe ses vacances à la campagne, chez son oncle Siegfried, un médecin de Triesch.

Carrière

Après son baccalauréat (1901), Kafka voyage à Norderney et Helgoland. En automne, il commence ses études à l'université Charles de PragueN 3. Après deux semaines de cours en chimie, Kafka décide d'étudier le droit. Il suit cependant aussi des cours de germanistique et d'histoire de l'art. Il voyage un peu. Il se joint au Lese- und Redehalle der Deutschen Studenten, une association étudiante qui, parmi d'autres choses, organise des événements et des présentations littéraires.
En 1902, il fait la connaissance du poète Max Brod, qui sera son ami le plus influent et publiera la plus grande partie de son œuvre après sa mort. En 1906, il est reçu docteur en droit chez le professeur Alfred Weber et fait un stage d'un an, comme service civil, au tribunal de Prague. En 1909, il publie ses premiers essais de prose dans le magazine munichois Hyperion.
Le 1er novembre 1907, il entre au service de Assicurazioni Generali, une compagnie d'assurance commerciale italienne. Après n'y avoir travaillé que neuf mois, il en démissionna le 15 juillet 1908, d'après ses dires, parce que les longues heures de travail l'empêchaient par trop d'exercer sa grande passion : l'écriture. Deux semaines plus tard, il entra au service de l’Arbeiter-Unfall-Versicherungs-Anstalt für das Königreich Böhmen (Institution d'assurance pour les accidents des travailleurs du royaume de Bohême), où il travailla jusqu'à sa retraite prématurée en 1922. Bien qu'il qualifiât péjorativement son travail de « gagne-pain », ses prestations étaient évaluées très positivement par son employeur, ainsi qu'en témoignent ses promotions dans sa carrière. Il avait pour tâche la limitation des risques de sécurité encourus par les ouvriers qui devaient travailler sur des machines souvent encore dangereuses à l'époque ; c'est dans ce but qu'il se rendait dans beaucoup d'usines et qu'il écrivit des manuels d'information. Il était, de plus, responsable de la classification des usines dans des groupes de risques. Le fait qu'il devait aussi contester des demandes d'indemnisation lui donna parfois mauvaise conscience, mais l'entreprise lui laissait souvent la possibilité d'être large pour les victimes, qui avaient parfois subi des blessures permanentes.
À côté de son travail pour la société d'assurance, Kafka continuait d'écrire, et il suivait pour ce faire un programme journalier particulier : le matin, il travaillait au bureau; à midi, il allait dormir quelques heures ; ensuite, il allait se promener, manger avec des amis ou la famille, pour se mettre à écrire le soir, une activité qu'il continuait jusque tard dans la nuit. C'est pendant l'une de ces nuits que, « comme ivre », il mit sur le papier le récit Das Urteil (Le Verdict).

Relations

Ses amis intimes étaient Max Brod, le philosophe Felix Weltsch, le sioniste Hugo Bergman et le pianiste Oskar Baum.
Kafka entretenait des relations problématiques avec les femmes. En 1912, dans la maison de Max Brod, il rencontre la Berlinoise Felice Bauer, représentante d'une firme de commercialisation de dictaphones. Dans les cinq années qui suivirent, une correspondance intense se développa entre Kafka et Felice. Ils se rencontrèrent de temps à autre, ce qui aboutit deux fois à des fiançailles. Du côté de Kafka, il s'agissait surtout d'un amour platonique, qu'il entretenait principalement par ses lettres. Petit à petit, il se rendit compte à quel point une vie maritale traditionnelle serait impossible avec Felice, beaucoup plus terre à terre, surtout avec sa tendance à s'enfermer dans son bureau : cela conduisit à la fin de leur relation en 1917.
En 1919, Kafka se fiança avec Julie Wohryzeck, une secrétaire de Prague, mais son père s'opposa fortement à cette relation. Elle se termina encore la même année - d'après ce que l'on en sait, à l'initiative de Julie -, mais le conflit fit que Kafka adopta une position encore plus antagonique à l'égard de son père, qui aurait bien vu son fils comme successeur dans son entreprise commerciale.
Au début des années 1920, une relation de courte durée, mais très intense, se développa entre Kafka et la journaliste et écrivaine anarchiste tchèque Milena Jesenská. De toutes les femmes de sa vie - il y eut encore diverses liaisons -, Milena a peut-être le mieux compris un écrivain aussi hypersensible, et, au moins lors de leurs rares rencontres, elle put l'aider à surmonter ses craintes. Mais finalement il se sentit mal à l'aise avec cette artiste flamboyante.
En 1923, il partit pour quelque temps à Berlin, espérant pouvoir mieux se concentrer sur l'écriture, loin de l'ingérence de la famille. C'est à cette époque qu'il rencontra Dora Diamant, une institutrice maternelle de 25 ans, originaire d'une famille orthodoxe juive polonaise. Dora devint la compagne de Kafka à Berlin et exerça une influence sur son intérêt croissant pour le Talmud. C'est auprès d'elle qu'il goûta finalement un peu de bonheur conjugal, alors qu'il ne le croyait plus possible. Ensemble, ils envisagèrent d'émigrer en Palestine. Sioniste convaincu aussi, il avait vu la haine grandir entre Allemands et Juifs (« Juifs et Allemands sont des exclus »). C'est à cette époque que Kafka « se fait le défenseur d'un humanisme libéral »4,5.

Santé

La tombe de Franz Kafka, à Prague, au nouveau cimetière juif (Nový židovský hřbitov)
En 1917, il commence à cracher régulièrement du sang et on pose le diagnostic de tuberculose. Cela conduisit à une plainte de nature presque obsessionnelle dans ses lettres à Felice, et l'utilisation de sa maladie comme raison pour rompre ses fiançailles. Mais il voyait aussi son statut d'écrivain comme un handicap pour une vie de famille « normale », ce qui serait devenu un énorme problème avec une Felice moins intellectuelle et plus débordante de vie.
Kafka, qui montrait des signes d'hypocondrie, souffrait, ainsi qu'on le pense maintenant, de dépression clinique et de phobie sociale, mais présentait aussi des phénomènes vraisemblablement liés au stress : migraines, insomnies, constipations et furoncles. Il se méfiait de la médecine régulière6 et essayait de combattre ses plaintes avec des cures naturopathes, un régime végétarien et en buvant du lait non pasteurisé. Il utilisait ses vacances pour suivre des cures de repos dans des sanatoriums, pour lesquels son employeur lui octroyait souvent des congés exceptionnels. En 1922, l'écrivain devient pré-retraité, par suite de son état général de santé déficient.
Bien que la situation personnelle de Kafka se soit fortement améliorée après son déménagement à Berlin, et qu'il écrivît à nouveau beaucoup, l'hiver caractérisé par l'inflation de 1923-1924 à Berlin fut à nouveau funeste pour sa santé déjà chancelante. Les biens de consommation essentiels se faisaient rares et il devait en faire venir de Prague; de plus le froid dans le logement mal chauffé n'était pas favorable à sa guérison. Lorsqu'en mars 1924, Brod vint lui rendre visite, son état s'était à ce point aggravé qu'il l'emmena avec lui à Prague; en avril, l'on diagnostiqua une tuberculose du larynx.
Il était clair que Kafka n'en avait plus pour longtemps : on ne disposait pas à cette époque de médicaments efficaces contre la tuberculose, si bien que Kafka s'alimentait de plus en plus difficilement - un état qui présentait des traits du personnage de Gregor dans La Métamorphose et du personnage principal de sa nouvelle Un artiste de la faim (Hungerkünstler). Dans les derniers mois, il fut soutenu par son médecin et ami Robert Klopstock, qui dirigeait de manière critique les soins médicaux de Kafka, mais le patient ne pouvait plus recevoir de l'aide que d'analgésiques.
Kafka intégra le sanatorium de Kierling près de Vienne, où il mourut à l'âge de 40 ans le 3 juin 1924, vraisemblablement de malnutrition ainsi que de la tuberculose, Dora Diamant à ses côtés. Son corps fut ramené à Prague, où il fut enterré le 11 juin 1924 dans le nouveau cimetière juif Žižkov (Prague-Strachnitz).

Le métier d’écrivain

Kafka considérait l'écriture comme une nécessité profondément intime, comme s'il s'agissait pour lui d'« une activité atroce », qui impliquait « une ouverture totale du corps et de l'âme ».
Selon une formule restée célèbre, Kafka, dans une lettre à son ami Oskar Pollak (en janvier 1904) explique : « Un livre doit être la hache qui fend la mer gelée en nous ; voilà ce que je crois ». Et quelques lignes plus haut il annonçait : « Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? ».
Pour Kafka, on devait écrire comme si l'on se trouvait dans un tunnel sombre, sans savoir encore comment les personnages allaient se développer ultérieurement.

À propos de son œuvre

Kafka rédigea toutes ses œuvres en allemand, si ce n'est quelques lettres rédigées en tchèque qu'il adressa à sa maîtresse Milena Jesenská.
Durant sa vie, Kafka n'a publié que quelques courts récits, ainsi que les nouvelles La Métamorphose (Die Verwandlung) et Le Verdict (Das Urteil), donc une toute petite partie de son œuvre. Certains des textes qu'il a publiés étaient un fragment d'une œuvre plus longue qui demeurera inachevée et inédite à sa mort comme Le Soutier, fragment de son premier roman L'Amérique, ou Devant la loi (Vor dem Gesetz), fragment de son second, Le Procès (Der Prozeß). Autre roman inachevé et demeuré inédit de son vivant, son troisième et dernier, Le Château (Das Schloß).
Avant sa mort, Kafka chargea par écrit son ami et exécuteur testamentaire Max Brod de détruire tous ses manuscrits.
« Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (c'est-à-dire, dans ma bibliothèque, dans mon armoire, dans mon secrétaire, à la maison et au bureau ou en quelque endroit que ce soit), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu, et aussi tous les écrits ou notes que tu possèdes de moi ; d'autres en ont, tu les leur réclameras. S'il y a des lettres qu'on ne veuille pas te rendre, il faudra qu'on s'engage du moins à les brûler. À toi de tout cœur7. »
— Franz Kafka
Cependant, Max Brod décida de ne pas procéder aux dernières volontés de Kafka. Brod connaissait et appréciait l'œuvre de Kafka comme nul autre et avait en fait averti son ami à plusieurs reprises qu'il ferait de son mieux afin de conserver son œuvre pour la postérité. Peu après, une discussion se déclencha au sujet de ce double sens supposé par Brod du « testament » de Kafka (rien d'autre qu'une courte missive). On ne saura jamais avec certitude si Kafka était sérieux lorsqu'il souhaitait que toute son œuvre non publiée soit détruite. Par contre, c'est l'écrivain lui-même qui a détruit ou a fait brûler par son amie Dora divers manuscrits, parmi lesquels un grand nombre de récits et au moins une pièce de théâtre.
En ce qui concerne les manuscrits de Kafka que Brod n'eut pas en mains avant la guerre, la Gestapo se chargea de satisfaire ses dernières volontés, début 1933, après la prise de pouvoir par Hitler, en saisissant environ 20 journaux et 35 lettres dans l'appartement berlinois de Dora. Malgré les interventions actives de l'ambassade tchèque à Berlin, ces manuscrits ainsi que d'autres pièces qui tombèrent dans les mains des nazis ne furent pas retrouvés et sont considérés comme perdus à tout jamais.
Brod, en contradiction avec les instructions de son ami, se chargea de la publication posthume de la plus grande partie de son œuvre. Il publia les grands romans de Kafka dès les années 1920. Il ne put collationner et publier le reste de ses œuvres, principalement les nombreux journaux et lettres, avant le début de la Seconde Guerre mondiale. La nuit où les nazis occupèrent Prague en mars 1939, Brod réussit à s'enfuir en Palestine avec les manuscrits de Kafka qu'il possédait. L'œuvre de son ami put y être publiée progressivement.
Un mémorial à Kafka,
à l'emplacement de sa maison natale
Place Franz Kafka
Max Brod va faire connaître cet auteur qui, de son vivant, n'avait pas attiré l'attention des critiques. Les éditions de Brod sont plutôt contestées : Kafka était décédé avant d'avoir peaufiné ses manuscrits pour la publication. Quelques-unes de ses œuvres sont inachevées, dont Le Château qui se termine en plein milieu d'une phrase, et Le Procès, dont les chapitres ne sont pas numérotés et est incomplet. Quant à son dernier roman, Le Château, dont le contenu est assez ambigu, il semble que Brod ait pris des libertés pour adapter l'œuvre de Kafka à son goût : il déplaça quelques chapitres, modifia des phrases et des mots et modifia la ponctuation dans certains passages. Les éditions par Brod de l'œuvre de Kafka ne sauraient être considérées comme des éditions définitives.
C'est l'écrivain Alexandre Vialatte qui revèle le génie de Kafka au public français. Après avoir découvert Le Château en 1925, il entreprend de traduire en français Le Procès, La Métamorphose ainsi que les Lettres à Milena. Il publie quelques articles importants sur l'écrivain praguois, réunis en volume sous le titre : Mon Kafka (10/18, puis les Belles lettres, 2010). Ce sont ses traductions qui, avec celles de Claude David, font autorité dans l'édition de la pléiade de ses œuvres.
Suivant l'éditeur8 de l'édition anglaise du Château (The Castle, Schocken Books, 1998), Malcolm Pasley a réussi en 1961 à rassembler la plus grande partie des manuscrits de Kafka à la Bodleian Library de l'université d'Oxford. Le texte original du Procès a été acheté dans une vente plus tard et se trouve maintenant conservé dans les archives de littérature allemande9 à Marbach.
Pasley, après qu'il eut rassemblé les manuscrits de Kafka, mit sur pied une société (avec entre autres Gerhard Neumann, Jost Schillemeit et Jürgen Born) qui devait rétablir les romans dans leur état original. Les éditions S. Fischer Verlag publièrent les romans reconstruits10. Pasley fut le rédacteur final de Das Schloß (Le Château) de 1982 et Der Prozeß (Le Procès) de 1990. Jost Schillemeit fut le rédacteur final de Der Verschollene (le titre de Kafka, Max Brod l'appela Amerika) de 1983. Ces éditions critiques sont consultables sur l'internet sous Le Projet Kafka11. Après sa mort, son œuvre sera analysée, critiquée, louée. Kafka est désormais considéré comme un écrivain majeur d'avant-garde.[réf. nécessaire]
Les écrits de Kafka reflètent les sentiments de la société du début du XXe siècle. Ses personnages évoluent dans un monde où les rapports et les relations qui les régissent leur sont incompréhensibles; où ils sont livrés, impuissants, à des forces inconnues, comme dans un cauchemar. La vie est un mystère irrésolu, un labyrinthe dont on ne connaît pas la sortie et ce qui nous y attend. Kafka étudie la psychologie de ses personnages face à des situations extraordinaires, dont ils ne connaissent pas les tenants et les aboutissants, et leur relation avec leur entourage.
Kafka aborde les thèmes de la solitude, des rêves, des peurs et des complexes. Le personnage est perdu, déboussolé, il ne saisit pas tout ce qui l'entoure, le lecteur est dans la même situation. L'atmosphère particulière des romans et nouvelles de Kafka a donné naissance à un adjectif, « kafkaïen », qui renvoie à quelque chose d'absurde et d'illogique, de confus et d'incompréhensible.
Mais de l’ensemble de l’œuvre de Kafka, il ressort aussi une réflexion à la fois critique et éclairante sur la famille, la société et la lutte que l’individu mène contre lui-même s’il veut y trouver sa place.

Style

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Kafka utilise la langue avec beaucoup de précision, s'inspirant du réalisme de Flaubert, dont L’Éducation sentimentale était une de ses lectures favorites. Cette inspiration contraste avec l'aspect étrange du monde, tenant pour partie du rêve, qu'il décrit, mais qu'il rend très vraisemblable avec des descriptions réalistes et imagées. On le considère par là comme un précurseur du surréalisme. On trouve dans le recours à une langue de puriste, parfois étrangement rigide, une influence de l'allemand de Prague qui, en raison du statut de minorité des germanophones à Prague, était une langue écrite plus ou moins artificielle, mais aussi de sa formation de juriste. Il est aussi influencé par la langue yiddisch. Dans les textes de Kafka, on trouve peu d'adjectifs. Quelques conjonctions reviennent assez souvent : « si ..., alors... », « malgré » et surtout « mais », par lesquelles différentes possibilités sont mises en balance. Souvent, la langue du personnage fictif ne se distingue pas de celle du narrateur, ce qui contribue à l'impression de rêve des récits. Cette impression naît de l'interpénétration de faits réels et irréels, ainsi que de faits et de jugements, d'interprétations, de réflexions sur les faits. Le lecteur est comme enfermé dans le cerveau du personnage principal, mais ressent en même temps que les choses sont « autres » que l'expérience de celui-ci.

Interprétation critique littéraire

Les critiques ont essayé de placer l'œuvre de Kafka dans divers courants littéraires tels que le modernisme et le réalisme magique. Le manque d'espoir et l'absurdité que l'on retrouve dans toute son œuvre, sont des traits typiques de l'existentialisme, de même que d'ailleurs la responsabilité de l'individu. Quelques critiques pensent trouver dans son œuvre une influence du marxisme, surtout de par ses prises de position critiques vis-à-vis de la bureaucratie. D'autres encore, comme Michael Löwy, voient dans cette position anti-bureaucratique une influence anarchiste12. De même, il est aussi fait appel au judaïsme et à l'influence de Freud. Thomas Mann et Max Brod voyaient dans l'œuvre de Kafka une recherche métaphysique de Dieu.
Dans Le Procès, on retrouve explicitement le thème de la faute. La faute chez Kafka ne doit cependant pas être comprise dans l'acception commune - bien que cela paraisse en être le cas. Lorsque les gardiens du personnage principal Joseph K disent que « les autorités sont attirées par la faute, telle qu'elle se retrouve dans la loi », la faute doit plutôt être comprise dans le sens juif, c'est-à-dire dans l'imperfection matérielle de l'humain. Le fait que les personnages de Kafka sont continuellement dérangés dans leur 'vie habituelle' est lié à cela : car la 'faute' de l'homme a pour but de le faire bouger, de le pousser à être activement à la recherche du sens de son existence. « La loi que tous recherchent » de la parabole bien connue "Pour la loi" dans Le Procès représente, en revanche, vraisemblablement la perfection dont l'homme qui la cherche peut voir un reflet : « mais maintenant il voit bien un reflet dans le noir, qui transparaît inextinguible par la porte de la loi ».
Les thèmes de l'aliénation et de la persécution sont fondamentaux dans l'œuvre de Kafka et ce, de façon si intense, qu'un mouvement d'opposition en est né. Beaucoup de critiques pensent que l'œuvre de Kafka n'est pas seulement le produit d'un écrivain tourmenté et solitaire, mais bien plus réfléchi et rebelle, et qu'elle ne peut être ramenée à des 'complexes' psychologiques de l'auteur.
Actuellement on met plus l'accent sur le fait que Kafka et ses amis – ainsi qu'on peut le voir par des notes des amis de Kafka – riaient bien de ses histoires absurdes. Vestdijk13 décrit comment lui et Marsman se tordaient de rire à la lecture du premier chapitre du Procès. On dit aussi que l'écrivain riait à gorge déployée quand il lisait ce chapitre à ses amis. À travers tout le tragique transparaît beaucoup d'humour juif, que l'on retrouve aussi dans les histoires du rabbin Baalschem, telles qu'elles ont été rassemblées par Martin Buber; des récits que Kafka aimait lire. D'aucuns pensent que Kafka ne s'est jamais rendu compte à quel point ses histoires étaient une sorte de prévision de la réalité, et à quel point nous ne pourrions plus en rire2.
Dans les Discussions avec Kafka de Gustav Janouch apparaît l'image d'un homme qui était terriblement conscient des suites possibles de chaque mot, et qui donc était très prudent et très précis dans leur usage. Ce faisant, les signes avant-coureurs du futur proche ne lui sont pas étrangers: dans ce livre Kafka prédit la destruction de l'Allemagne, près de vingt années avant la Seconde Guerre mondiale.
Milan Kundera cite l'humour surréaliste de Kafka comme la source d'inspiration principale d'écrivains et de réalisateurs tels que Federico Fellini, Gabriel García Márquez, Carlos Fuentes et Salman Rushdie.
Márquez a dit qu'à la lecture de La Métamorphose il avait réalisé "qu'il était possible d'écrire d'une autre façon". Dans la littérature néerlandaise il a influencé entre autres, Ferdinand Bordewijk, Willem Brakman et Willem Frederik Hermans.

La question de la nationalité

La nationalité de Franz Kafka est sujette à controverse. Le fait que Prague était incluse au moment de sa naissance dans l'Autriche-Hongrie devrait faire de lui un écrivain autrichien. D'une manière générale, les habitants germanophones de la Bohême se considéraient en ce temps-là, soit comme des Autrichiens, soit comme des Allemands (Allemands des Sudètes). L'appellation consacrée d'« écrivain tchèque de langue allemande », même si elle n'est pas tout à fait exacte, constitue un compromis dans les ouvrages de référence de langue française.

Œuvres

(Les dates mentionnées sont les dates de publication. N'ont pas été relevés les textes publiés isolément dans des revues, les premiers en 1909)
  • 1912 : Regard (Betrachtung), daté de 1913 mais paru fin 1912, Leipzig, Ernst Rowohlt, 99 p. (réédité en 1915).
  • 1913 : Le Soutier (Der Heizer. Ein Fragment), Leipzig, Kurt Wolff, 47 p. (réédité en 1916 et 1917-1918).
  • 1913 : Le Verdict (Das Urteil), Kurt Wolff, 29 p. (réédité en 1916 et 1920).
  • 1915 : La Métamorphose (Die Verwandlung), Kurt Wolff, 73 p. (réédité en 1915 et 1918).
  • 1919 : La Colonie pénitentiaire (In der Strafkolonie), Kurt Wolff, 71 p.
  • 1919 : Un médecin de campagne (Ein Landarzt. Kleine Erzählungen), Kurt Wolff, 189 p.
  • 1922 : Un champion de jeûne (Ein Hungerkünstler. Vier Geschichten), Berlin, Die Schmiede, 86 p.
Œuvres publiées après sa mort :
  • 1925 : Le Procès (Der Prozeß)
  • 1926 : Le Château (Das Schloß)
  • 1927 : L'Amérique (Amerika) (bien que publié plus tard, il a été écrit avant Le Procès et Le Château)
  • 1931 : Le Terrier (Der Bau)
  • 1937 : Journal intime (première publication française : 1945)14
  • 1945 : Paraboles (recueil de plusieurs textes courts traduit par Jean Carrive, dont Des Paraboles)
  • 2009 : Cahiers in octavo (1916-1918)
  • 2010 : Les aphorismes de Zürau

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