« Les hommes nés sous le joug, puis nourris et élevés dans la
servitude, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils
sont nés et ne pensent point avoir d’autres biens ni d’autres droits que
ceux qu’ils ont trouvés ; ils prennent pour leur état de nature l’état
de leur naissance. » Ce qui n’était, chez Étienne de La Boétie,
qu’une intuition est devenue, pour les archéologues du XXe siècle, une
conviction : l’existence de riches et de pauvres, de gouvernants et de
gouvernés n’est pas un fait de nature. Pendant des dizaines de milliers
d’années, les sociétés humaines ont pratiqué l’égalité et refusé toute
gouvernance autre que celles de l’âge et du sexe. Certains peuples,
aujourd’hui encore, ont conservé cet état de choses. Pourquoi et comment
la préhistoire puis l’histoire ont-elles permis qu’ailleurs émergent
des personnages plus riches et puissants que les autres ? Pendant un
demi-siècle, on a pensé que la roue du progrès, portant dans ses valises
l’agriculture et la propriété, suffisait à justifier cela. Aujourd’hui,
d’autres facteurs sont invoqués. Les uns mobilisent les contraintes de
la démographie et de l’environnement. Les autres, les dynamiques propres
des sociétés, où ont pu jouer l’intérêt économique et la dépendance, la
force brute, les croyances et les idéologies. Ou bien tout cela à la
fois… Pas loin de trente mille ans séparent les premiers signes
d’inégalités parmi nos lointains ancêtres des cités-États du
Proche-Orient. C’est en comparant les vestiges de cette histoire avec la
large palette des sociétés plus ou moins égalitaires encore observables
qu’archéologues et anthropologues peuvent espérer débrouiller cette
question.
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