La collecte de dons lancée par l'UMP auprès de ses sympathisants rencontre un succès certain : plus de 2 millions d'euros auraient été collectés durant le weekend pour renflouer les finances du parti, plombées par la décision du Conseil constitutionnel de rejeter les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, ce qui prive l'UMP de 11 millions d'euros de remboursement.
Pourtant, le parti n'a pas attendu cette mésaventure pour souffrir de problèmes financiers. En réalité, depuis sa création, l'UMP est endettée, comme on peut le constater sur son bilan comptable annuel, que publie la Commission nationale des comptes de campagne et pour le financement de la vie politique (CNCCFP). Le dernier disponible est celui de 2011, mais ces chiffres permettent de se faire une idée de la situation financière du parti.- Une dette qui date de 2002 et n'a fait que se creuser
"L'UMP rembourse ses prêts et en contracte d'autres au fur et à mesure des échéances", confirme au Monde.fr Jean-Christophe Ménard, maître de conférence en droit public à l'IEP de Paris, avocat spécialiste du droit des partis politiques et rapporteur de 2008 à 2012 auprès de la CNCCFP. Si la pratique est classique, il souligne que "l'approche d'élections est toujours décisive car elles déterminent la stratégie financière d'un parti, qui va emprunter en fonction de ses prévisions de résultats et en anticipant sur l'aide publique versée". Effet pervers de ce principe : "Plus les échéances sont rapprochées, plus le parti emprunte et se retrouve sur la corde raide."
- Cinq exercices bénéficiaires en dix ans
C'est particulièrement vrai pour l'UMP entre 2002 et 2007, période où le parti fut dirigé par Alain Juppé (jusqu'à fin 2004), puis par Nicolas Sarkozy, jusqu'à son élection à la tête de l'Etat. Comme on le voit sur ce second graphique, ces cinq années furent synonymes de comptes en déficit, à l'exception de 2003. En 2007, année présidentielle, le déficit courant atteint son niveau le plus élevé depuis 2002, à 9,9 millions d'euros de dettes. Dès 2008, en revanche, l'exercice redevient bénéficiaire, et il le reste jusqu'en 2011, avec toutefois des bénéfices en diminution.
- Des frais parfois élevés
- Une manne qui bénéficie à d'autres partis
Les partis peuvent en effet se faire des dons les uns aux autres. Ce qui, particulièrement à droite, a donné lieu à une dérive légale avec la multiplication des "micropartis", de petites formations qui permettent deux choses : financer les activités propres d'un ténor doté de sa formation et esquiver les plafonds de dons prévus par la loi, car on ne peut donner que 7 500 euros, mais par parti. Rien n'empêche donc de donner 7 500 euros à l'UMP, et à nouveau 7 500 euros à un microparti d'un cadre de l'UMP. Ce dernier peut alors reverser au parti, également sous forme de dons, de l'argent.
Comme on le voit sur cet ultime graphique, l'UMP a largement financé micropartis et associations de financement ("autres organismes") jusqu'en 2007, où les chiffres diminuent, et où quelques autres formations donnent à l'UMP. Le montant total de l'activité de financement de la vie militante par l'UMP atteint un pic en 2007, avec 9,3 millions d'euros environ consacrés à ce poste.
- Quelles conséquences pour l'UMP ?
L'UMP avait, avant la décision du Conseil, un total de 55 millions d'euros de dette (dont 44 bancaires), pour un budget d'environ 53 millions. Mais le parti dispose de marges de manœuvre importantes : outre les dons, il peut choisir de taxer plus fortement ses élus, voire d'augmenter ses cotisations – dont le montant stagne depuis 2008, alors même que le parti affiche un nombre de militants à la hausse, comme on l'a vu.
Pour Jean-François Ménard, le principal problème est que cette perte de 11 millions "tombe au plus mauvais moment" pour le parti, qui avait promis à ses créanciers de rembourser les dettes avant 2015, et qui va devoir rééchelonner sa dette jusqu'en 2017, et resserrer fortement ses coûts. "La décision du Conseil constitutionnel risque d'avoir un impact en matière salariale, de frais, etc. Les universités d'été, par exemple, pourraient bien ne plus avoir lieu dans les prochaines années !"
Samuel Laurent
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