mercredi 10 juillet 2013

UMP : dix ans de mauvais comptes

Le président de l'UMP Jean-François Copé et l'ex-président de la République Nicolas Sarkozy étaient réunis lundi 8 juillet au siège de l'UMP à Paris pour évoquer la situation financière délicate du parti.

La collecte de dons lancée par l'UMP auprès de ses sympathisants rencontre un succès certain : plus de 2 millions d'euros auraient été collectés durant le weekend pour renflouer les finances du parti, plombées par la décision du Conseil constitutionnel de rejeter les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, ce qui prive l'UMP de 11 millions d'euros de remboursement.

Pourtant, le parti n'a pas attendu cette mésaventure pour souffrir de problèmes financiers. En réalité, depuis sa création, l'UMP est endettée, comme on peut le constater sur son bilan comptable annuel, que publie la Commission nationale des comptes de campagne et pour le financement de la vie politique (CNCCFP). Le dernier disponible est celui de 2011, mais ces chiffres permettent de se faire une idée de la situation financière du parti.
  • Une dette qui date de 2002 et n'a fait que se creuser
L'UMP était en fait endettée dès sa naissance. Elle a en effet hérité de la dette bancaire que possédait le RPR, son précecesseur, qui s'est dissous dans l'Union pour une majorité présidentielle, rapidement devenue Union pour un mouvement populaire. Ce premier graphique présente l'évolution de la dette bancaire de l'UMP depuis sa création. Une évolution simple : si la dette bancaire tend à se réduire hors périodes électorales, celles-ci, et particulièrement la présidentielle, la font exploser. De 31 millions d'euros à sa création en 2002, la dette de l'UMP est passée à près de 44 millions en 2011, une hausse de 38 % en neuf ans.
"L'UMP rembourse ses prêts et en contracte d'autres au fur et à mesure des échéances", confirme au Monde.fr Jean-Christophe Ménard, maître de conférence en droit public à l'IEP de Paris, avocat spécialiste du droit des partis politiques et rapporteur de 2008 à 2012 auprès de la CNCCFP. Si la pratique est classique, il souligne que "l'approche d'élections est toujours décisive car elles déterminent la stratégie financière d'un parti, qui va emprunter en fonction de ses prévisions de résultats et en anticipant sur l'aide publique versée". Effet pervers de ce principe : "Plus les échéances sont rapprochées, plus le parti emprunte et se retrouve sur la corde raide." 
En outre, et même si rien ne permet d'affirmer que c'est le cas de l'UMP, les prêts, surtout personnels, posent un problème juridique. "La CNCCFP n'a pas les moyens de vérifier que les emprunts sont remboursés", confirme Me Ménard.
  • Cinq exercices bénéficiaires en dix ans
"D'un point de vue général, ajoute Me Ménard, le fait de s'endetter et de se réendetter est courant parmi les partis. Le Nouveau centre a une dette d'un million d'euros, le Front national cumule plusieurs dettes sur trois entités..." Selon ce spécialiste, les grands partis, qui savent pouvoir compter sur le financement public, n'ont que rarement en tête un impératif d'équilibre financier.
C'est particulièrement vrai pour l'UMP entre 2002 et 2007, période où le parti fut dirigé par Alain Juppé (jusqu'à fin 2004), puis par Nicolas Sarkozy, jusqu'à son élection à la tête de l'Etat. Comme on le voit sur ce second graphique, ces cinq années furent synonymes de comptes en déficit, à l'exception de 2003. En 2007, année présidentielle, le déficit courant atteint son niveau le plus élevé depuis 2002, à 9,9 millions d'euros de dettes. Dès 2008, en revanche, l'exercice redevient bénéficiaire, et il le reste jusqu'en 2011, avec toutefois des bénéfices en diminution.
Les subventions et cotisations du parti sont pourtant plutôt en hausse constante. Alors au pouvoir, l'UMP a bénéficié de subventions publiques importantes, et a toujours pu compter sur les dons et les cotisations de ses élus. Et de fait, avec environ 33 millions d'euros par an, le parti est confortablement doté. D'ailleurs, prenant acte de cette manne, le parti diminue le montant des cotisations de ses adhérents à partir de 2006, ce qui a pour effet de les rendre inférieures au montant des dons reçus par l'UMP. Incidemment, on peut s'étonner de ce différentiel entre cotisations d'adhérents qui stagnent, voire baissent, et les chiffres de hausse du nombre d'adhérents alors annoncés par l'UMP. Enfin, la cotisation demandée aux élus, minimale, n'évolue quasiment pas au fil des ans – quand certains partis de gauche prélèvent 10 % des revenus de leurs élus.
  • Des frais parfois élevés
Peu économe malgré des financements abondants, l'UMP a des postes de coûts parfois élevés. Notamment en matière de communication. Sur ce graphique, nous avons fait figurer quelques-uns des postes les plus importants : communication, déplacements, salaires, loyers. Comme on le voit, la communication a atteint des sommets, notamment en 2007, année présidentielle, mais les salaires ont aussi connu une progression régulière.
  • Une manne qui bénéficie à d'autres partis
Un autre poste mérite l'attention : le financement d'activités politiques, raison d'être de l'UMP. Il repose sur différents éléments : d'une part, le financement des campagnes des candidats UMP aux diverses élections. Un poste de coût finalement modeste, comparativement à d'autres. A part un pic en 2007, année de législatives, ces montants ne dépassent jamais ceux de l'aide apportée par l'UMP aux autres formations politiques.
Les partis peuvent en effet se faire des dons les uns aux autres. Ce qui, particulièrement à droite, a donné lieu à une dérive légale avec la multiplication des "micropartis", de petites formations qui permettent deux choses : financer les activités propres d'un ténor doté de sa formation et esquiver les plafonds de dons prévus par la loi, car on ne peut donner que 7 500 euros, mais par parti. Rien n'empêche donc de donner 7 500 euros à l'UMP, et à nouveau 7 500 euros à un microparti d'un cadre de l'UMP. Ce dernier peut alors reverser au parti, également sous forme de dons, de l'argent.
Comme on le voit sur cet ultime graphique, l'UMP a largement financé micropartis et associations de financement ("autres organismes") jusqu'en 2007, où les chiffres diminuent, et où quelques autres formations donnent à l'UMP. Le montant total de l'activité de financement de la vie militante par l'UMP atteint un pic en 2007, avec 9,3 millions d'euros environ consacrés à ce poste.
  • Quelles conséquences pour l'UMP ? 
Pour Me Ménard, l'endettement des partis est "quelque chose de fréquent et de nécessaire. Un parti doit financer les campagnes de ses candidats, plus les primaires, et le fonctionnement interne, mais aussi d'autres partis", comme le fait l'UMP, on l'a vu. Dès lors, le parti se trouve-t-il en "danger de mort", comme le clament les responsables de l'UMP ? Au-delà d'une question de trésorerie qui les oblige à trouver rapidement de l'argent pour rembourser un emprunt, on peut en douter.
L'UMP avait, avant la décision du Conseil, un total de 55 millions d'euros de dette (dont 44 bancaires), pour un budget d'environ 53 millions. Mais le parti dispose de marges de manœuvre importantes : outre les dons, il peut choisir de taxer plus fortement ses élus, voire d'augmenter ses cotisations – dont le montant stagne depuis 2008, alors même que le parti affiche un nombre de militants à la hausse, comme on l'a vu.
Pour Jean-François Ménard, le principal problème est que cette perte de 11 millions "tombe au plus mauvais moment" pour le parti, qui avait promis à ses créanciers de rembourser les dettes avant 2015, et qui va devoir rééchelonner sa dette jusqu'en 2017, et resserrer fortement ses coûts. "La décision du Conseil constitutionnel risque d'avoir un impact en matière salariale, de frais, etc. Les universités d'été, par exemple, pourraient bien ne plus avoir lieu dans les prochaines années !"

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