Publié le 14/11/2013
La stratégie précède l’entreprise. Si bien que l’on en oublie parfois facilement qu’elle se construit au gré des efforts de l’ensemble des collaborateurs et qu’elle en est l’un des principaux vecteurs de motivation.
Une entreprise n’est pas qu’une structure froide et
désincarnée, poursuivant des objectifs abstraits. C’est une organisation
faite d’hommes et de femmes poursuivant, en principe, un but commun
très clairement formulé à l’aide d’une stratégie. Dans le cadre d’une
entreprise, cette stratégie est et a toujours été l’un des ciments
nécessaires à l’effort collectif : chaque personne est garante d’un rôle
et contribue à atteindre les objectifs. À l’heure où la segmentation
des tâches, des qualifications et des marchés s’est imposée en règle,
matérialiser ce trait d’union entre tous les collaborateurs de
l’entreprise s’avère parfois difficile ou contre-intuitif. Pourtant la
capacité d’une entreprise à proposer une stratégie claire est une
condition nécessaire et non négociable de sa réussite aux niveaux
corporate et opérationnel.
De la Ford T à la Ford Focus
« Deux choses capitales n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise, déclarait Henry Ford, sa réputation et ses hommes. »
Ces deux choses ne sont autres que les moyens stratégiques de
l’entreprise. À l’époque de la Ford T, il ne fait aucun doute que les
ouvriers employés par Ford avaient le sentiment de participer à une
aventure entrepreneuriale et industrielle qui allait révolutionner leur
société. Cette stratégie a depuis été révisée et adaptée, mais elle a
conservé toute son ambition : produire une voiture universelle.
Aujourd’hui, Ford continue d’être couronnée de succès. Précurseur de la
stratégie de la voiture mondiale avec sa « One Ford Strategy », le constructeur américain est parvenu à imposer sa Ford Focus sur tous les continents. « One Ford vise à proposer aux clients du monde entier des produits exceptionnels intégrant la quintessence de Ford Motor Company », expliquait Allan Mulally, l’artisan de cette stratégie en 2010.
Un cap, une direction
Une stratégie solide est une composante majeure du
succès. A contrario, des difficultés à la formuler résultent presque
toujours en de sérieuses complications. L’effondrement du marché du PC a
par exemple jeté le trouble sur les affaires de Dell, subitement
contraint de se réinventer. « [Le rêve] de Michael Dell était de
concurrencer IBM », pouvait-on lire dans Le Monde en septembre 2013, mais les bouleversements du marché ont forcé l’entrepreneur à « faire
en sorte que son entreprise, à l’instar de son aînée, se transforme de
constructeur-vendeurs d’ordinateurs en fournisseurs de services ». Mais opérer de tels revirements stratégiques est une tâche ardue : « on ne change pas en une nuit, et les concurrents sont nombreux, beaucoup plus qu’avant », observe Craig Slice, analyste chez IHS cité par Le Monde.
Et d’ailleurs, le chiffre d’affaires de Dell stagne depuis 2007 malgré
un doublement de sa masse salariale. Le groupe dispose désormais des
ressources pour opérer sa mue, mais il semble lui manquer un cap, une
direction pour mobiliser ses équipes.
Justifier son existence
Pour une entreprise, déterminer sa stratégie revient à
justifier son existence, notamment en termes d’utilité sociale. Par
conséquent, rien ne la destine à réussir si ses plans ne sont pas
limpides et pertinents. Parfois, l’égarement conduit les entreprises à
perdre de vue leur raison d’être. En diversifiant ses activités, et s’en
adaptant à des marchés lointains, une entreprise évolue tellement qu’il
en devient parfois difficile pour ses collaborateurs de mettre des mots
sur le projet qui l’anime et les moyens d’y arriver. Les symptômes de
l’absence d’un projet collectif fort sont fréquemment l’émergence d’un
management trop directif ou la faiblesse du leadership. Ces symptômes
charrient bien souvent un même risque : la perte de sens. Un mal dont
les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à prendre
conscience et qu’ils s’efforcent d’anticiper pour préserver la qualité
de leur fonctionnement interne.
Une question de finalité
Sans projet commun, point de vigueur dans la
mobilisation collective. Désormais, le besoin des collaborateurs
d’adhérer à une stratégie fait donc évoluer le métier de chef
d’entreprise. « Le rôle de l’entrepreneur, face à une
compétition intense, mais surmontable […], n’est plus seulement celui de
gestionnaire, de décideur ou de porte-parole, affirme Jean-Pierre Savare. S’y
ajoute désormais celle du cultivateur de talents, à même de traduire
une ambition partagée en vision stratégique de l’avenir. » Le
président d’Oberthur Fiduciaire, l’une des rares sociétés au monde à
maîtriser l’impression de sécurité et de billets de banque, peut en dire
quelque chose. Après l’avoir redressée, Jean-Pierre Savare a en effet
passé près de trois décennies à faire fructifier l’héritage de cette
imprimerie fondée à Rennes en 1842. Le métier d’Oberthur Fiduciaire a
considérablement évolué, mais sa finalité est restée la même au gré des
années, fédérant des générations de salariés autour de la noblesse d’un
métier ancestral : l’imprimerie.
Compréhension et appropriation
Au niveau opérationnel, la stratégie d’entreprise
conditionne l’engagement des collaborateurs. De plus en plus
d’entreprises françaises mettent donc en place des processus qui
permettent aux salariés d’en prendre connaissance et de se l’approprier
dès leur arrivée dans les locaux. Chez le fameux site d’annonces
Leboncoin.fr, « chaque nouvel arrivant déjeune au cours de sa première semaine avec chacun des membres du comité de direction, explique-t-on chez chefdentreprise.com. Il rencontre également tous les responsables de service dans les 15 jours, afin d’avoir une vision complète de l’entreprise. »
Outre l’humanisation des rapports de travail, l’intérêt de ce type de
démarche est évident : elle permet à chaque participant de la vie de
l’entreprise de savoir ce que l’organisation fait, et en quoi il y
contribue individuellement.
Donner du sens aux actes
Ce type de démarche n’est pas cantonné aux fonctions de
production. Du côté des fonctions de support, la nécessité de réaffirmer
la stratégie auprès des collaborateurs est parfois forte en effet. « Les
différentes directeurs exécutifs de l’entreprise orientent
principalement leur carrière, dans une filière technique particulière
(finance, RH, marketing) », commente Matthieu Poirot, coach pour Midori Consulting. « Aucun objectif commun n’en ressort pour l’organisation », conclut-il.
Lorsque l’on n’est qu’un maillon d’une longue chaîne, il
peut être difficile de situer la finalité de ses gestes. Il n’y a que
le chef d’entreprise qui peut permettre aux collaborateurs de resituer
leur travail dans le contexte de l’organisation en portant leur
stratégie avec volontarisme. Le faire donne du sens à la vie de
l’entreprise et aux efforts des individus qui travaillent pour elle.
C’est une source d’inspiration indispensable, sans quoi le travail ne
devient qu’une succession de tâches abstraites et sans grand intérêt
moral. Bien sûr, la responsabilité de chef d’entreprise à cet égard
n’est pas évidente pour tout le monde. Mais la prise en compte des
attentes des salariés va croissante car, rappelle Muriel Humbertjean, directrice générale adjointe de TNS Sofres, « le travail n’est plus vécu comme un devoir, mais comme une manière de s’accomplir soi-même ».
A propos de l’auteur : Après plusieurs années d’expérience au sein de directions RH en administration territoriale dans le Nord de la France, Claire Delisles s’est installée sur Paris comme consultante indépendante en gestion des Ressources Humaines, formation et coaching en développement personnel et professionnel.
Pour la contacter : claire.delisles@yahoo.fr
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