Recherché par des millions de chômeurs, subi par certains salariés,
apprécié par d’autres, le travail est en crise. « Comment le réinventer ?
» s’interrogent Les Semaines sociales de France qui, du 22 au 24
novembre et en partenariat avec Pèlerin, se tiennent à Paris, Lyon et
Strasbourg.
À propos de l'article
- Créé le 22/11/2013
Le travail, soit ils nous fait défaut, soit nous en avons trop !
D’un côté, le chômage paraît impossible à résorber, les plans sociaux se
multiplient et on voit mal comment le président François Hollande
pourrait inverser, comme promis, la courbe des demandeurs d’emploi d’ici
à la fin de l’année. De l’autre, la nature même du travail change. De
nouvelles formes d’organisation augmentent la pression sur les salariés,
qui peuvent être victimes de surmenage et de diverses formes de
souffrance psychologique.
Ces deux crises – de la quantité et de la qualité du travail – sont en partie liées, relève Patricia Vendramin (1), professeur de sociologie à l’université de Louvain, en Belgique. « Un chômage de masse durable pèse sur le rapport de force entre employeurs et demandeurs d’emploi, observe-t-elle. Même des salariés en CDI (contrat à durée indéterminée) craignent d’être identifiés comme des maillons faibles à éliminer. Trop de cadres se ruinent la santé en tentant d’atteindre des objectifs insoutenables. »
« Outre le chômage, la pression sur les salariés vient de la “financiarisation” de l’économie, avec des exigences de rentabilité élevées à court terme imposées par les actionnaires, ajoute Laurent Giraud, maître de conférence à l’université Toulouse 1 Capitole. Souvent, la crise a bon dos pour justifier un gel des salaires ou un durcissement des conditions de travail. »
Et pourtant… « Le travail demeure une valeur fondamentale pour les Français, le principal moyen de trouver sa place dans la société », assure Denis Pennel (2), directeur général de la Confédération internationale des entreprises de travail temporaire (Ciett). Loin d’être « brouillés avec le travail », comme on l’entend parfois, les Français comptent même parmi ceux qui lui accordent le plus d’importance !
Selon une étude de la Commission européenne qui date de 2007, 92 % des Français jugeaient le travail « important » dans leur vie, pour une moyenne européenne de 84 %. Près de la moitié pense que le travail permet de « développer pleinement leurs capacités », score le plus élevé d’Europe. « Avec de telles attentes, la déception est parfois terrible quand le salarié découvre la réalité du monde du travail », constate Patricia Vendramin.
Un désamour accompagné d’une prise de distance très visible chez les jeunes. Ils entrent sur le marché du travail plus tard, après des études plus longues et une succession de stages ou de contrats courts et précaires. Ils ne s’inscrivent pas dans le long terme et exigent tout de suite – s’ils sont en position de force grâce à leurs diplômes – de bons salaires et un maximum de jours de congés. « Les jeunes qui disposent d’une expertise font la loi car les employeurs se battent pour les recruter », observe Jean-Michel Laborie, directeur des ressources humaines chez le fabricant d’encre Sun Chemical.
Protéger non pas le salarié, mais la personne
Les moins qualifiés, au contraire, doivent accepter des conditions de travail parfois dégradées et des contrats précaires, avec de longues périodes d’inactivité forcée. Comme si un mur se dressait entre les chanceux ultraprotégés ayant un contrat à durée indéterminée (CDI) et des « sans-statuts » fragilisés.
Selon Caroline Haquet, de la société de conseils aux entreprises Mazars, « les jeunes veulent s’investir autant que leurs aînés, mais ils reprochent à leurs dirigeants de ne pas leur faire confiance, en les laissant travailler à domicile par exemple et de leur imposer une organisation trop hiérarchisée qu’ils jugent obsolète. Bref, ils voudraient travailler plus intelligemment. »
Par choix ou par résignation, les jeunes accordent moins de place au travail et plus à leur vie privée. Certains délaissent, sans regret, un travail rémunérateur au profit d’un emploi qui a du sens (lire le portrait de Julien Maury). « On vit moins une crise de l’emploi qu’une révolution du monde du travail, analyse Denis Pennel. Principale mutation : l’emploi à vie dans une grande entreprise, c’est fini ! Le parcours type, désormais, se dessine en zigzag. On passe d’un métier à un autre, d’une formation à une reconversion, d’un statut de salarié à celui d’entrepreneur. » C’est le défi de la “flexicurité”, qui combine flexibilité et sécurité.
(1) Coauteure, avec Dominique Méda, de Réinventer le travail, éd. Puf, 260 p. ; 19,50 €.
(2) Auteur de Travailler pour soi, éd. Seuil, 236 p. ; 17 €.
Ces deux crises – de la quantité et de la qualité du travail – sont en partie liées, relève Patricia Vendramin (1), professeur de sociologie à l’université de Louvain, en Belgique. « Un chômage de masse durable pèse sur le rapport de force entre employeurs et demandeurs d’emploi, observe-t-elle. Même des salariés en CDI (contrat à durée indéterminée) craignent d’être identifiés comme des maillons faibles à éliminer. Trop de cadres se ruinent la santé en tentant d’atteindre des objectifs insoutenables. »
« Outre le chômage, la pression sur les salariés vient de la “financiarisation” de l’économie, avec des exigences de rentabilité élevées à court terme imposées par les actionnaires, ajoute Laurent Giraud, maître de conférence à l’université Toulouse 1 Capitole. Souvent, la crise a bon dos pour justifier un gel des salaires ou un durcissement des conditions de travail. »
Et pourtant… « Le travail demeure une valeur fondamentale pour les Français, le principal moyen de trouver sa place dans la société », assure Denis Pennel (2), directeur général de la Confédération internationale des entreprises de travail temporaire (Ciett). Loin d’être « brouillés avec le travail », comme on l’entend parfois, les Français comptent même parmi ceux qui lui accordent le plus d’importance !
Selon une étude de la Commission européenne qui date de 2007, 92 % des Français jugeaient le travail « important » dans leur vie, pour une moyenne européenne de 84 %. Près de la moitié pense que le travail permet de « développer pleinement leurs capacités », score le plus élevé d’Europe. « Avec de telles attentes, la déception est parfois terrible quand le salarié découvre la réalité du monde du travail », constate Patricia Vendramin.
Un désamour accompagné d’une prise de distance très visible chez les jeunes. Ils entrent sur le marché du travail plus tard, après des études plus longues et une succession de stages ou de contrats courts et précaires. Ils ne s’inscrivent pas dans le long terme et exigent tout de suite – s’ils sont en position de force grâce à leurs diplômes – de bons salaires et un maximum de jours de congés. « Les jeunes qui disposent d’une expertise font la loi car les employeurs se battent pour les recruter », observe Jean-Michel Laborie, directeur des ressources humaines chez le fabricant d’encre Sun Chemical.
Protéger non pas le salarié, mais la personne
Les moins qualifiés, au contraire, doivent accepter des conditions de travail parfois dégradées et des contrats précaires, avec de longues périodes d’inactivité forcée. Comme si un mur se dressait entre les chanceux ultraprotégés ayant un contrat à durée indéterminée (CDI) et des « sans-statuts » fragilisés.
Selon Caroline Haquet, de la société de conseils aux entreprises Mazars, « les jeunes veulent s’investir autant que leurs aînés, mais ils reprochent à leurs dirigeants de ne pas leur faire confiance, en les laissant travailler à domicile par exemple et de leur imposer une organisation trop hiérarchisée qu’ils jugent obsolète. Bref, ils voudraient travailler plus intelligemment. »
Par choix ou par résignation, les jeunes accordent moins de place au travail et plus à leur vie privée. Certains délaissent, sans regret, un travail rémunérateur au profit d’un emploi qui a du sens (lire le portrait de Julien Maury). « On vit moins une crise de l’emploi qu’une révolution du monde du travail, analyse Denis Pennel. Principale mutation : l’emploi à vie dans une grande entreprise, c’est fini ! Le parcours type, désormais, se dessine en zigzag. On passe d’un métier à un autre, d’une formation à une reconversion, d’un statut de salarié à celui d’entrepreneur. » C’est le défi de la “flexicurité”, qui combine flexibilité et sécurité.
(1) Coauteure, avec Dominique Méda, de Réinventer le travail, éd. Puf, 260 p. ; 19,50 €.
(2) Auteur de Travailler pour soi, éd. Seuil, 236 p. ; 17 €.
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