dimanche 10 novembre 2013

Eviter la manipulation: exercer son sens critique

Quand l’info devient de l’intox

Il suffirait de lire pendant six minutes pour ralentir le rythme cardiaque, diminuer les tensions musculaires de 68%, ce qui classe la lecture au premier rang des outils de gestion d’un stress existant, contre 61% pour écouter de la musique, 54% pour boire un thé ou un café, 42% pour une promenade et 21% pour jouer à des jeux vidéos.

Le docteur en neuropsychologie cognitive David Lewis, qui a mené la recherche, précise que le type de lecture n’a pas d’importance, se perdre dans un livre suffit à nous distancier de nos soucis en nous plongant dans un état de conscience légèrement différent, dû à la sollicitation de l’imagination et la créativité, à mesure que nous formons mentalement les images décrites. Un beau tableau pour une saine activité. Seulement…

  David Lewis travaille pour Neuroco, une société spécialisée dans le neuro marketing, c’est à dire l’application des recherches en neurosciences au marketing. Ou comment mieux nous exploiter? Car l’étude a été menée pour le compte de Galaxy Chocolate, qui sponsorise… les British Book Awards, en vue du lancement d’une campagne publicitaire de distribution de livres… les résultats ont d’ailleurs été publiés quinze jours avant ces deux événements.

Cela ne remet pas nécessairement en question le résultat de l’étude. Mais elle soulève des questions sur sa fiabilité, étant donné sa finalité. Si après ça les ventes de livres n’explosent pas en cupide perfide Albion… Du coup, je suis allée chercher un peu plus loin, et ça ne s’arrange pas.


Exercer notre jugement et notre sens critique

David Lewis n’en est pas à son coup d’essai: en 2007, il a mené une étude qui aurait “scientifiquement prouvé” que de faire fondre un morceau de chocolat sur sa langue procure une euphorie supérieure au fait de s’embrasser. Étonnant résultat, qui prend un éclairage différent quand on sait que l’étude avait été financée par… Cadbury.

De même, en 2002, il avait une fois de plus “scientifiquement prouvé” que la Xbox était la console de jeu la plus excitante, sur commande des magasins Dixons, supermarché de l’électronique, qui devait avoir des stocks à écouler.

Dernier point, les articles ayant repris ces merveilleux résultats mentionnent que l’étude avait été menée par The MindLab à l’Université du Sussex. En fait, The MindLab est une société de consultants pour laquelle David Lewis sert de garantie scientifique et qui aurait, pour cette étude, fait des séries de tests sur des étudiants de l’Université du Sussex. La légitimité universitaire en prend un coup! L’annonce sur la réduction du stress par la lecture a été reprise à l’identique un peu partout (voir ici,  ou ), apparemment sans aucune vérification des sources et des conditions dans lesquelles l’étude a été faite.

Peut-être que tout cela ne signifie rien quant à l’honnêteté intellectuelle de David Lewis, mais cela mérite tout de même de prendre ces résultats avec un peu de recul plutôt que comme une vérité scientifiquement prouvée, dans la mesure ou les intérêts de M. Lewis ne sont pas de contredire les sociétés privées qui finances ses recherches à des fins marketing. Ca ressemblerait à un achat de caution scientifique gentiment bidouillée que ça ne m’étonnerait pas.

Sur Internet comme à la télévision, on trouve de nombreuses informations tronquées, déformées, sorties de leur contexte qui servent le propos de celui qui écrit, et qui nous manipulent très facilement. Dans le même genre que les études sus-mentionnées, souvenez-vous des massacres de Timisoara ou PPDA réalisant une interview truquée de Fidel Castro
De mensonge délibéré en inexactitude involontaire, tout cela fait de nous des victimes consentantes qui accordent le pouvoir de forger nos opinions à des entités extérieures plus ou moins bien intentionnées, avec tous les risques que cela comprend.
Un exemple frappant de manipulation télévisuelle a été repris récemment chez Vincentdidier allez y jeter un coup d’oeil, c’est édifiant!

Comment exercer son jugement et son sens critique?

A l’évidence, nous ne pouvons pas tout questionner et nous méfiez des toutes les informations que nous recevons. Cependant, autant dans nos vies personnelles que professionnelles, accordons un minimum de temps aux informations un poil trop belles, un poil trop grosses, un poil trop spectaculaires, de façon à nous assurer de leur véracité et de ne pas finir en crédules dindons de la farce. Des médisances de Dupont-Durand sur Duschmoll aux rumeurs sur les prochaines réductions d’effectifs, méfions-nous des affirmations péremptoires et vérifions nos sources!

  • Eviter d’être trop crédule, sans pour autant tomber dans la paranoïa.
  • Faire preuve de curiosité: explorer l’information, vérifier ses sources.
  • Faire plusieurs recherches, comparer les résultats.
  • Remettre en question l’objectivité de l’auteur, son intérêt à transmettre l’info, sa fiabilité.
  • Remettre en question les images, les discours péremptoires.
  • Décider de ce que nous souhaitons croire par nous-même, après analyse, sans prendre pour argent comptant ce qu’affirme une personne que nous plaçons nous-même en position de supériorité.

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