Ils sont désormais plus d'un tiers à avoir vécu une réorganisation de
leur entreprise en 2012. Si l'enquête du groupe Malakoff Médéric
témoigne de la capacité d'adaptation des salariés, elle indique aussi
que plus de la moitié d'entre eux ont désormais du mal à avoir confiance
en leur avenir au sein de leur entreprise. Et disent avoir perdu en
autonomie et se sentir fatigués psychiquement.
Les réorganisations en entreprise se suivent et vont se
ressembler...Chercher à améliorer le fonctionnement interne, gagner en
productivité, réorganiser les fonctions supports, réduire les coûts,
bref « serrer les boulons » est la priorité court terme imposée par le
faible niveau d'activité, l'étroitesse des marges, la pression
concurrentielle... en un mot la crise. La rigueur budgétaire des Etats
fait écho à celle des entreprises. Dans ce maelström, les salariés se
sentent ballottés et anxieux.
L'enquête Malakoff Médéric menée depuis 2009 avec la société d'étude
Sociovision sur la qualité de vie et la santé des salariés Français
témoigne d'une augmentation de ces restructurations : 31% des salariés
ont vécu une réorganisation dans leur entreprise en 2012. C'est 11
points de plus qu'en 2009. 16 % ont dû changer de poste ou de métier
(soit 4 points de plus qu'en 2009). "Les salariés ont fait preuve de
capacités d'adaptation, en particulier ceux qui travaillent dans les
grandes entreprises où ces changements sont beaucoup plus fréquents.
Ainsi, 40 % des salariés des entreprises de plus de 500 personnes ont
connu une restructuration ou une réorganisation (pour 25 % des salariés
des entreprises de 20 à 49 personnes)", note Anne-Sophie Godon,
directrice de la prévention et des nouveaux services chez Malakoff
Médéric.
Quand les réorganisations tuent la confiance
Mais plus le nombre de restructurations est élevé, plus les salariés
ont du mal à se projeter dans l'avenir. Ainsi, les personnes ayant connu
au moins deux réorganisations en 2012 ne sont que 45 % à être
confiantes en leur avenir au sein de leur entreprise (contre 71 % pour
les personnes qui n'en ont connu aucune). Ce contexte de mutation se
traduit par une crainte croissante d'être "dépassé" et crée un besoin
d'accompagnement. Ainsi, 28 % des salariés pensent qu'avoir plus de 45
ans dans leur entreprise est un handicap (soit 7 points de plus par
rapport à 2010). Et près d'un quart d'entre eux a peur d'être dépassé
par les nouveaux outils et les changements technologiques, 44% s'avouant
incapables de travailler au même rythme dans dix ans. Des évolutions
qui pourraient devenir à court et moyen terme de nouveaux éléments de
déstabilisation.
"Ce n'est pas tant les restructurations ou les réorganisations qu'ils
contestent mais c'est la manière dont elles sont menées. Près de deux
tiers des salariés ont l'impression que leur travail est de plus en plus
haché (64% contre 58% en 2010). Ils ont par ailleurs de plus en plus de
difficultés à gérer leurs priorités (35% contre 30% en 2010), et ont le
sentiment de perdre en autonomie et en pouvoir de décision", relève
Anne-Sophie Godon. Les petites structures tirent mieux leur épingle du
jeu. Les salariés y ont le sentiment de mieux savoir ce que l'on attend
d'eux et d'avoir davantage le temps de faire un travail de qualité.
Une conciliation vie privée/vie pro de plus en plus difficile
Un salarié sur trois (32%) a du mal à concilier sa vie
professionnelle avec sa vie personnelle. C'est 5 points de plus qu'en
2009. Ces difficultés touchent plus particulièrement les cadres (37%) et
les trentenaires (36%). En cause : des horaires de travail peu
compatibles avec une vie familiale, la charge de travail, une distance
importante entre travail et domicile... Un salarié sur trois passe ainsi
une heure ou plus dans les transports pour faire l'aller-retour
domicile/travail. A noter aussi : ils sont toujours plus nombreux à
rapporter du travail à la maison.
L'enquête Malakoff Médéric souligne par ailleurs que de plus en plus
d'hommes et de femmes doivent désormais s'occuper d'un proche dépendant.
En l'espace de deux ans, leur
part est passée de 9 à 14 % des salariés. Ils représentent même 18 % des
salariés chez les quadras et les quinquagénaires. Sans compter la part
croissante de familles monoparentales (25% en 2012 contre 17% en 2010).
Autant d'éléments qui dressent un tableau dans lequel l'entreprise est
confrontée à des mutations sociétales sensibles, quand les salariés
vivent une tension croissante entre les enjeux liés à leur vie privée et
ceux de leur vie professionnelle. Ces derniers se retrouvent donc
écartelés entre des situations complexes aussi bien au travail que dans
leur famille. Ceci expliquant en partie que le sommeil soit durement
touché.
Un travail nerveusement fatigant
Conséquence : 48 % des salariés disent ressentir une fatigue physique
au travail, surtout les femmes, où la pénibilité perçue a fortement
augmenté en 2012 (44 %, soit cinq points de plus qu'en 2011). La nature
de certains emplois occupés par les femmes (horaires décalés plus
fréquents, travail répétitif avec des postures contraignantes...) peut
expliquer cette dégradation.
Côté pénibilité psychologique, les chiffres évoluent peu et restent à un
niveau élevé : 69 % des salariés estiment que leur travail est
nerveusement fatigant. Cette fatigue touche
particulièrement les cadres (74 %, soit 5 points de plus que la moyenne
des salariés). Autre cause de fatigue : le manque de sommeil. Seule la
moitié des salariés pense dormir suffisamment. Près d'un salarié sur
trois (28 %) dit souffrir de troubles du sommeil. Ces troubles touchent
plus particulièrement les femmes (34 %) et les quinquagénaires (32 %).
Et parmi ceux dont les nuits sont en partie blanches, 81% jugent que ce
manque de sommeil a des répercussions dans leur travail (vigilance,
concentration, irritablitié...)
L'engagement vis-à-vis de l'entreprise fléchit malgré une ambiance de travail appréciée
Signe d'un désengagement préoccupant, les salariés sont plus nombreux
à déclarer vouloir prendre un arrêt maladie même s'ils ne sont pas
malades (21 %, soit 4 points de plus qu'en 2010) et à confier faire de
la présence pour la présence au travail (13 %, soit 5 points de plus
qu'en 2010). "Cette année encore le travail apparaît comme le premier
facteur de risque pour la santé", souligne Anne-Sophie Godon.
Malgré ces tensions, les salariés français s'estiment satisfaits de leur
travail où il règne, pour 79 % d'entre eux, une bonne entente. 71%
d'entre eux se disent ainsi contents de venir travailler le matin. Si ce
sentiment est massivement celui des cadres (80 %), il est moins partagé
par les ouvriers (63 %). Et alors que beaucoup de psychologues du
travail s'attachent à souligner que le travail de qualité fait défaut
aux salariés, l'enquête Malakoff Médéric vient semer le doute : deux
tiers disent avoir encore le sentiment de pouvoir effectuer un travail
de qualité. Que faut-il en déduire ? "Sans doute le fait que les
salariés ont le sentiment de devoir dépenser plus d'énergie pour
effectuer un travail de qualité, qu'il faut lutter plus fortement et
qu'on leur demande plus sans leur témoigner plus de reconnaissance",
analyse Anne-Sophie Godon.
Des salariés en attente de reconnaisance et ...d'informations
De fait, parmi les éléments à améliorer en priorité d'après les
salariés, la reconnaissance au travail arrive en première position,
devant les perspectives d'évolution professionnelle, et les
services apportés par l'entreprise (crèche, conciergerie, salle de
sport...). "Faute de pouvoir désormais s'appuyer sur les rémunérations,
il faut inventer de nouvelles formes de reconnaissances. Des occasions
se perdent comme par exemple celle de l'entretien d'évaluation",
poursuit la directrice de la prévention et des nouveaux services chez
Malakoff Médéric. Parmi les services attendus, les salariés seraient
preneurs si l'entreprise les accompagnait en cas d'arrêt maladie pour
faciliter leur retour au travail, leur proposait de faire davantage
d'exercice, leur donnait des conseils pour mieux dormir ou maîtriser
leur alimentation, et leur permettait d'être mieux dépistés sur les
maladies graves. Mais surtout ils souhaitent y voir plus clair sur la
stratégie de leur entreprise. Car dans les sources d'insatisfactions,
après le manque de reconnaissance et la pauvreté des perspectives
d'évolutions, apparaît en troisième position l'organisation du travail
et la communication sur la stratégie de l'entreprise. "Cela montre que
les salariés seraient prêts à se battre sous réserve de comprendre la
marche de leur entreprise et de se sentir mieux considérés, en conclut
Anne-Sophie Godon. Marquée encore par la crise et son lot de
restructurations et réorganisations, l'année 2012 a été, pour beaucoup
de salariés, difficile. Le niveau de leur fatigue nerveuse en témoigne.
C'est autant un choc de compétitivité qu'il nous faut qu'un choc
culturel. Les politiques de santé et de bien être au travail vont devoir
être liées aux politiques de l'emploi et à la performance des
entreprises".L'autonomie des salariés et toutes les questions liées à
l'organisation seront à n'en pas douter le grand chantier de 2013 dans
les entreprises.
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