On pourrait assister fin 2013 à une embellie; et même à un retour durable de la croissance mondiale. Mais cela serait trompeur pour l’Europe et pour la France, car sans garantie pour le long terme.
- REUTERS/Danish Siddiqui -
Il
est un scénario très à la mode à Paris en ce moment: pourquoi reformer? La crise
financière planétaire est presque finie; le monde est à la fin d’un cycle
économique; la croissance va bientôt revenir partout et en particulier en
Occident; d’abord aux États-Unis puis en Europe. Le chômage diminuera alors en
France et l’eurozone ira doucement vers un avenir fédéral que tous les pays
membres accepteront sans secousse particulière, au fil de réformes
institutionnelles et homéopathiques.
Il existe quelques indices en faveur de cette thèse: l’immobilier repart dans certaines régions des États-Unis; la consommation et l’emploi y redémarrent, et cela ira encore mieux, disent certains, après les élections, grâce à de formidables progrès techniques. L’Asie et l’Afrique sont en pleine explosion, avec des taux de croissance dépassant 10% par an dans de nombreux pays. Et la mise en place d’une nouvelle équipe a la tête de la Chine mettra fin aux dernières incertitudes. L’eurozone, désormais unie dans le désir de conserver son unité, sera emportée par cette vague de croissance, comme une barque poussée par le courant vers le grand large.
D’autres faits, tout aussi établis, vont pourtant en sens exactement contraire: aux Etats-Unis, la nécessité de maîtriser la dette interne et externe devrait entraîner, à partir de janvier 2013 des augmentations d’impôt entrainant une nouvelle récession, et une baisse de la valeur du dollar qui sera catastrophique pour l’Europe. De plus, rien n’est réglé dans l’eurozone: la situation économique sociale et politique grecque s’aggrave, la dette publique y va vers les 200%; tous les plans de rigueur y échouent; de même, bientôt, au Portugal, en Espagne, en Italie.
Les Français et les Allemands ne sont pas encore d’accord sur les mécanismes à mettre en place pour financer les banques et les Etats. Et aucun dirigeant, en Allemagne ou en France, n’ose avouer à ses électeurs que sauver l’euro coûtera à chacun des deux pays plus de 100 milliards d’euros; et que le laisser exploser nous coûtera plus encore. Rien n’est prêt pour mettre en place un véritable budgétaire fédéral, capables d’émettre des eurobonds, seuls capables de financer ces besoins immenses.
De plus, même si la croissance mondiale revient, nous ne sommes pas dans une crise cyclique, avec un retour au point de départ. Mais, comme après 1929, dans une longue mutation vers un monde nouveau; une crise de laquelle certains pays sortiront dans une situation bien pire qu’ils n’y sont rentrés, comme des barques rejetés vers la rive par une vague trop forte.
Autrement dit, on pourrait assister fin 2013 à une embellie; et même à un retour durable de la croissance mondiale. Mais cela serait trompeur pour l’Europe et pour la France, car sans garantie pour le long terme.
On ne peut donc comprendre ce qu’il convient de faire aujourd’hui qu’en ayant une vision de l’Histoire beaucoup plus longue que celle qu’impliquent les échéances électorales. Et là, il devient clair que l’Europe ne sortira pas de la crise sans la mise en place volontariste et urgente d’un fédéralisme budgétaire, dans laquelle la France ne pourra conserver son niveau de vie qu’en osant des réformes majeures, énumérées depuis longtemps.
Parier sur la reprise économique mondiale comme un substitut aux réformes est très tentant. Et politiquement confortable. Mais, à mon sens, c’est un pari qui n’a qu’une chance sur cinq d’être gagnant à court terme, une chance sur dix de l’être à moyen terme et aucune à long terme. Qui peut s’en contenter?
Jacques Attali
Il existe quelques indices en faveur de cette thèse: l’immobilier repart dans certaines régions des États-Unis; la consommation et l’emploi y redémarrent, et cela ira encore mieux, disent certains, après les élections, grâce à de formidables progrès techniques. L’Asie et l’Afrique sont en pleine explosion, avec des taux de croissance dépassant 10% par an dans de nombreux pays. Et la mise en place d’une nouvelle équipe a la tête de la Chine mettra fin aux dernières incertitudes. L’eurozone, désormais unie dans le désir de conserver son unité, sera emportée par cette vague de croissance, comme une barque poussée par le courant vers le grand large.
D’autres faits, tout aussi établis, vont pourtant en sens exactement contraire: aux Etats-Unis, la nécessité de maîtriser la dette interne et externe devrait entraîner, à partir de janvier 2013 des augmentations d’impôt entrainant une nouvelle récession, et une baisse de la valeur du dollar qui sera catastrophique pour l’Europe. De plus, rien n’est réglé dans l’eurozone: la situation économique sociale et politique grecque s’aggrave, la dette publique y va vers les 200%; tous les plans de rigueur y échouent; de même, bientôt, au Portugal, en Espagne, en Italie.
Les Français et les Allemands ne sont pas encore d’accord sur les mécanismes à mettre en place pour financer les banques et les Etats. Et aucun dirigeant, en Allemagne ou en France, n’ose avouer à ses électeurs que sauver l’euro coûtera à chacun des deux pays plus de 100 milliards d’euros; et que le laisser exploser nous coûtera plus encore. Rien n’est prêt pour mettre en place un véritable budgétaire fédéral, capables d’émettre des eurobonds, seuls capables de financer ces besoins immenses.
De plus, même si la croissance mondiale revient, nous ne sommes pas dans une crise cyclique, avec un retour au point de départ. Mais, comme après 1929, dans une longue mutation vers un monde nouveau; une crise de laquelle certains pays sortiront dans une situation bien pire qu’ils n’y sont rentrés, comme des barques rejetés vers la rive par une vague trop forte.
Autrement dit, on pourrait assister fin 2013 à une embellie; et même à un retour durable de la croissance mondiale. Mais cela serait trompeur pour l’Europe et pour la France, car sans garantie pour le long terme.
On ne peut donc comprendre ce qu’il convient de faire aujourd’hui qu’en ayant une vision de l’Histoire beaucoup plus longue que celle qu’impliquent les échéances électorales. Et là, il devient clair que l’Europe ne sortira pas de la crise sans la mise en place volontariste et urgente d’un fédéralisme budgétaire, dans laquelle la France ne pourra conserver son niveau de vie qu’en osant des réformes majeures, énumérées depuis longtemps.
Parier sur la reprise économique mondiale comme un substitut aux réformes est très tentant. Et politiquement confortable. Mais, à mon sens, c’est un pari qui n’a qu’une chance sur cinq d’être gagnant à court terme, une chance sur dix de l’être à moyen terme et aucune à long terme. Qui peut s’en contenter?
Jacques Attali
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.