Comment
peut-on dire qu’une entreprise est innovante ou qu’une autre ne l’est
pas ? Est-il possible mesurer la « capacité d’innovation » d’une
entreprise ?
L’innovation est-elle une question de
nouveauté, de buzz, de rendement ou de profitabilité ? Pour comprendre
qui sont ces entreprises innovantes et en tirer une méthode
d’identification, faites une simple recherche sur Google. Que vous
meniez cette recherche en français ou en anglais (Most Innovative
Companies) vous obtiendrez les mêmes listes d’entreprises : Quatre
classements d’entreprises innovantes qui utilisent quatre modes de
sélection différents avec quatre podiums différents !
Alors, comment peut-on mesurer objectivement qu’une entreprise est innovante…ou pas…?
Des modes de classement différents
Thomson Reuters
Le Thomson Reuters Derwent World Patents Index (DWPISM) ne crée pas de classement mais une liste. Vous en êtes, ou pas. Un peu comme le classement de Top employeur des meilleurs employeurs ou de Worldblu pour la démocratie en entreprise (Le seul classement dans lequel Apple n’apparaît pas*).
Pour Thomson Reuters c’est la quantité
de brevets déposés, le ratio brevet déposé/brevet accepté, la
reconnaissance d’un droit à la propriété intellectuelle internationale
(dites « quadrilatérale », c’est à dire acceptée en Chine, Europe, Japon
et USA) et le succès commerciale des innovations développées. Vous
trouverez dans la liste 2013 des entreprises françaises comme Valéo,
Thales, Alcatel-Lucent, CEA, CNRS ou EADS.
Boston Consulting Group
Le « World’s 50 Most Innovative Companies« est
une enquête menée auprès de 1 500 dirigeants qui est pondérée par
l’étude de trois indicateurs mesurés sur 3 ans : le taux de rentabilité
de l’action, la croissance de la marge opérationnelle et la croissance
du chiffre d’affaires.
Certains de ces indicateurs sont d’ailleurs utilisés par The Harvard Business Review pour son classement des CEO les plus performants du monde (Apple, Samsung et Amazon).
Le classement du BCG place sur les 3 premières marches du podium…Devinez… Apple, Google et Samsung
Fast Company
« The world’s Most innovative Companies« .
Si le titre est le même que pour le BCG, ce classement s’en différentie
totallement puisqu’il est déterminé de façon complètement objective par
la rédaction du site.
Comme cette liste n’est pas motivée par
le moindre chiffre, elle est bien plus intéressante et surprenante que
les autres. Le top des entreprises retenues cette année pour
leurs produits ou services originaux : Nike, Amazon et Square (Le nouveau projet de Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, qui permet d’utiliser sa carte de crédit avec son iphone).
Forbes
« The world’s Most Innovative Companies » est basé sur la mesure de « l’Innovation Premium« ,
un calcul alambiqué qui relie la valeur du cours de l’action, la
confiance des investisseurs dans l’entreprise et la prévision
d’innovations futures (en terme de produits, services et marchés.
Ce classement ne prend en compte que les
entreprises disposant d’une capitalisation boursière de 10 milliards de
dollars et qui ont dépensées au moins 2,5% de leur résultat en R&D
avec 7 ans de d’historique financière. Leur classement positionne aux 3
premières places Salesforce, Alexion Pharmaceuticals et Amazon.
MIT Technology Review
« The 50 disruptive Companies » propose une liste d’entreprises comme le fait Thomson Reuters. Le parti pris choisi de ce classement est en contre-pied du classement de Forbes.
Ils ont sélectionné des entreprises qui
ont renforcé leur position sur un marché existant, challengé le leader
de leur marché ou créé un nouveau marché. Dans cette liste : Pinterest,
qu’ils reconnaissent ne pas avoir de Business model. Ambri, dont
l’innovation semble plus prometteuse que réelle, et des dinosaures comme
Xerox et Microsoft (pour avoir changé leur image auprès de leur
public) qui se retrouvent aussi dans d’autres classements.
* ce qui pourrait prouver qu’il n’y a pas de corrélation entre démocratie et innovation…
Comment mesurer l’innovation ?
Si l’on se base sur les classements
précédents, on comprend que mesurer l’innovation d’une entreprise est un
calcul aussi flou que décider qui est un employeur de choix ou qui fera
la vaisselle ce soir. Si on retrouve peu ou prou environ 40% des
entreprises d’un classement à l’autre (Apple, Google, Samsung, Amazon,…)
on comprend qu’il n’y a pas de consensus sur ce qui permet d’identifier
une entreprise innovante à coup sur si jamais vous en croisiez une dans
la rue.
En étudiant les différentes
méthodologies utilisées pas les classement précédents, de la formule
scientifique de Forbes au classement plus « Fashion » de Fast Company,
il y a 5 méthodes d’identification d’une entreprise innovante.
La culture
La culture – ou « Philosophie » pour
Forbes – qui permet de répondre à la question : « Est-ce que votre
culture d’entreprise favorise l’innovation ? «
Sans rentrer dans la polémique et les
clichés de l’entreprise qui a peur de l’innovation comme de son ombre,
les règles d’organisation de l’entreprise, ses valeurs, sa structure
hiérarchique, ses méthodes de travail, sa capacité à faciliter la
collaboration, etc. sont les premiers accélérateurs ou freins à
l’innovation / création / invention.
Ce qu’il faut mesurer :
- La tolérance au risque.
- La capacité de changement et la tolérance de l’entreprise à l’erreur.
- L’engagement de la direction à encourager les collaborateurs à innover.
- La rapidité d’évaluation des idées des collaborateurs.
- La transparence dans la mise en place d’idées issues de l’interne.
- La capacité de co-responsabilisation direction/collaborateurs.
Les collaborateurs
Par différentes enquête anonymes ou non
que les RH peuvent vous aider à mettre en place pour répondre à la
question « Mes collaborateurs se sentent-ils écoutés, responsabilisés et
suffisamment en confiance pour proposer des idées et les mener à leur
terme ?* «
Ce qu’il faut mesurer :
- la capacité de créativité des salariés (en terme de temps disponible, de satisfaction, d’engagement…).
- leur intérêt pour l’innovation (nombre d’idées soumises, ouverture à la nouveauté, …).
- le niveau de prévisibilité et de flexibilité auquel les collaborateurs sont prêts à renoncer (risque encouru,…).
- la capacité à changer sa façon de travailler au nom de l’innovation (organisation personnelle, apprentissage professionnnelle, adaptation,…).
Cette mesure permet à obtenir une image
claire de la capacité d’innovation individuelle de vos équipes, voir
même d’identifier les « tueurs d’innovation » !
Les processus
La métrologie du processus mesure le
cycle d’innovation depuis la découverte d’une idée – ou tendance –
jusqu’à sa réalisation génératrice de valeur. C’est aussi ce que l’on
appelle l’induction.
Ce qu’il faut mesurer :
- Le bon fonctionnement (efficacité et efficience) des 4 processus d’innovation : Inspiration (Veille et captation), Inception (Pratiques de changement impliquées et d’adaptation), Idéation (Création d’idée concrètes et réalisables) et Intégration (Exécution de l’idée jusqu’à son adoption par l’organisation, les collaborateurs et les clients, oui surtout).
- La productivité de l’équipe engagée dans le processus.
- L’audit de la compréhension des rôles de chacun (façon ISO 9004)
- Les données quantitatives brutes telles que le nombre d’idées captées/réalisées, le temps nécessaire pour qu’elles arrivent en fin de processus, le nombre d’idées prises en compte et le nombre d’innovations qui en ont résulté (taux de conversion).
Les dépôts de brevets
Sans doute le mode de mesure le plus
quantitatif et brutal. Ces dépôts de brevets sont particulièrement
étudiés dans plusieurs des classements présentés.
Ce qu’il faut mesurer :
- Le succès du dépôt : Déposer un brevet, en fonction du pays et du nombre de pays dans lequel on souhaite se protéger est extrêmement cher. De plus toutes les demandes de dépôt ne sont pas acceptées. Ce métrique mesure le ratio de demandes publiées sur le nombre total des demandes sur un an.
- Le volume : Nombre de brevets déposés. Notion sans doute dépassée et incomplète car elle ne comprend pas les notions d’innovation sociale, d’innovation managériale ou d’innovation de services. Pour son classement, Reuters n’étudie que les entreprises ayant déposé au moins 100 brevets par an. Pour exemple IBM a déposé 6 180 brevets en 2011 pour Samsung 4894 et Microsoft 2311.
- L’influence : L’impact d’une invention commercialisée peut être déterminée en regardant le nombre de citations dont elle fait l’objet dans le dépôt de brevet innovant d’autres entreprises. A cet effet Thomson Reuters utilise un logiciel de recherche de citation « Derwent Patents citation IndexTM database » en mettant une pondération de 50% sur cet indicateur.
Les résultats
Evidemment, on innove pour développer
son résultat, améliorer la performance de son entprrise, gagner des
parts de marcher ou réduire celle de ses concurrents, pas uniquement
pour le challenge d’innover. Demandez à Polaroid :
Dans la mesure du possible, mesurez la qualité autant que la quantité des résultats obtenus par vos innovations:
- Nombre d’innovations réussies par an ou après trois ans.
- Part de marché avant et après la commercialisation de l’innovation.
- Taux de satisfaction des clients avant et après.
- Mesure des avantages financiers de l’innovation, tels que le retour sur investissement de l’investissement ou Crédit Impôt Recherche.
- La part des produits de moins de 5 ans dans le CA. Plus qualitative, elle reste orientée produit mais prend en compte les améliorations de produits existants et pas seulement les nouveautés. Elle permet aussi de mieux prendre encompte les effets de l’innovation sur la demande.
- Le Retour sur l’Investissement en Innovation (ROII) L’objectif principal de l’innovation étant de développer le résultat d’une entreprise il paraît légitime de s’y pencher en premier. Le ROII se calcule en divisant le a résultat (cash flow) d’une innovation par l’investissement qui a été nécessaire à obtenir ce résultat. Ce ratio peut mesurer une performance passée (en mesurant le résultat d’un investissement réalisé) ou être utilisé comme outil prédictif (en calculant le ROI attendu d’un investissement en innovation). Si le ROII est un indicateur de base, il ne mesure pas précisément comment l’entreprise a obtenu ce résultat.
- La Rentabilité des capitaux ou Retour sur Equité (ROE). Ce ratio – développé par la société DUPONT dans les années 20 et décrié depuis – détaille le rapport entre le résultat net et les capitaux propres en 3 parties : 1 - Profitabilité (Marge nette), 2 – Efficacité opérationnelle (taux de marge par le ratio de rotation de l’actif) et 3 – Bilan (Actif sur rentabilité des capitaux).
Avec ce modèle à l’esprit, Scott
Anthony, auteur de « The little black book of innovation » propose de
détailler le ROII aussi en 3 parties :
1 – La magnitude de l’innovation, soit la contribution financière divisée par le résultat d’une idée développée.
2 – Le taux de succès d’une innovation, soit le résultat obtenu par une idée par le nombre d’idées explorées.
3 – Le taux d’efficacité de l’innovation, soit le résultat engendré par les idées commercialisées sur le capital investit.
1 – La magnitude de l’innovation, soit la contribution financière divisée par le résultat d’une idée développée.
2 – Le taux de succès d’une innovation, soit le résultat obtenu par une idée par le nombre d’idées explorées.
3 – Le taux d’efficacité de l’innovation, soit le résultat engendré par les idées commercialisées sur le capital investit.
Nike et le Nike Fuel Band – Innovation #1 pour Fast company
Des entreprises révolutionnaires, exploitantes ou « réinventives »
En fonction des résultats obtenus nous pourrions distinguer trois types d’entreprises innovantes :
○ Les entreprises « Révolutionnaires »,
qui se sont identifiée par une innovation principale qui a créé un
nouveau marché ou lancé un Business Model complètement nouveau. Elle
n’ont pas seulement inventé un nouveau concept mais commencé à gagner de
l’argent spécifiquement grâce à cette innovation : Au moins 80% de leur
CA provient de leur innovation.
○ Les entreprises « Exploitantes », qui
semblent vivre sur leurs lauriers. Ces entreprises exploitent au mieux
leur concept de départ en continuant à le faire évoluer pour ne pas être
rattapé par la concurrence. Même si elles sont inventives et lancent de
nouveaux produits régulièrement, 80% de leur C.A provient de leur coeur
de métier (97% pour Google).
○Les entreprise »Réinventives », qui
savent se réinventer en se remettant en question régulièrement. Ces
entreprises ont une approche de l’innovation qui est systémique et
implique des innovations de produits, services, solutions, Business
Model, Management, etc. Nous pourrions citer Nike avec leur marketing
communataire basée sur le Fuel Nike Band qui leur a permis de rattraper
leur retard sur Jawbone. C’est aussi Amazon qui a prouvé qu’elle
pouvait maintenir son coeur de métier tout en s’aventurant sur de
nouveaux marchés (Amazon prime, Kindle,…). C’est donc de compléter sa
capacité d’innover avec une capacité de se réinventer comme Apple (pour
l’instant), IBM, Procter & Gamble, 3M, Disney, etc.
En résumé, il y a donc des
entreprises qui savent transformer ce qui existe déjà, celles qui créent
ce qui n’existe pas et celles qui font les deux.
Mais les véritables entreprises innovantes ne feront la preuve
de leur esprit d’innovation que lorsqu’elles auront démontré leur
capacité à se réinventer malgré le poids de leur bureaucratie, malgré
les habitudes de leur client et surtout malgré la progression de leur
chiffre d’affaires. Pas parce qu’elles eurent une bonne idée…il fut un
temps !
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