Le savoir est si vaste et les chercheurs des puits de science.
C’est lors d’un cours sur les méthodes quantitatives donné par David Abonneau, Maître de Conférences à l’Université Paris-Dauphine que j’ai entendu parler du concept de perspective du temps. Ce concept vaguement illustré n’avait pour but que celui de présenter la référence du papier de Zimbardo et Boyd écrit en 1999 [1], utilisant un paradigme de recherche pertinent.
Mais quand on entend parler de perspective du temps, peut-on s’en tenir là ?
Philip George Zimbardo est ce Professeur de Stanford qui a lancé des expérimentations pour le moins controversées mettant des étudiants dans la posture de prisonniers et gardiens. Il en a résulté des transformations spectaculaires des caractères par ce qu’il appellera « The Lucifer Effect » [2]. Autre sujet de psychologie sociale passionnant, mais tenons-nous en modestement à sa perspective du temps.
Zimbardo et Boyd reprennent des éléments déjà énoncés par Lewin [3] qui expliquait que l’état d’esprit, les émotions et les actes de tout individu sont influencés par sa perspective du temps.
C’est ainsi que le mode de pensée de chacun, le codage de la réalité, la détermination du sens et des buts à atteindre seraient fonction d’un rapport au temps selon trois registres : le passé, le présent, le futur. Le rappel des expériences passées, l’attente des évènements futurs ou l’appréciation du présent conditionneraient donc tout comportement. Somme toute assez cohérent. Mais l'intérêt réside dans ce fait que la prédominance de tel ou tel registre de temps dans leur processus de cognition permettait d’anticiper leurs conduites, de favoriser les réussites :
‘’Zimbardo et Boyd postulent que c’est
entre la construction psychologique du passé et l’anticipation des
évènements futurs que réside la représentation concrète et pratique du
présent. Selon eux un individu va décider de se comporter de telle ou
telle manière face à une situation donnée soit en se remémorant ses
expériences passées, positives ou négatives, soit en élaborant des
anticipations et des attentes concernant le futur, soit en se centrant
sur les caractéristiques de la situation présente dans une attitude de
résignation ou de recherche des sensations.’’ [4]
Dans leurs travaux, les chercheurs ont construit un outil
psychométrique qui intègre les déterminants émotionnels, cognitifs et
sociaux influencés par cette perspective du temps, colorée positivement
ou négativement; c’est-à-dire, les trois perspectives temporelles mais
aussi l’attitude de l’individu face à ces dernières.Il y aura donc :
- le passé positif : ‘’Le fait de penser au passé me donne du plaisir’’,
- le passé négatif : ‘’Je pense souvent à ce que j’aurais dû faire autrement’’,
- le présent fataliste : ‘’Le destin détermine beaucoup de choses dans ma vie’’, décrivant une absence de contrôle sur l’avenir,
- le présent hédoniste : ‘’Mon idéal est de vivre chaque jour comme si j’étais le dernier’’,
- le futur impliquant une position tournée vers l’avenir et les buts, avec une déclinaison qui peut inclure la perspective d’une vie après la mort.
Très bien, mais concrètement ?
Concrètement, on peut revenir sur l’expérience de Walter Mischel, également chercheur à Stanford, qui avait étudié la capacité d’enfants à pouvoir résister à manger de la guimauve posée devant eux sur une table. S’ils réussissaient à attendre, ils gagnaient deux guimauves. [5]
2/3 des enfants avaient cédé à la tentation.
Quelques années plus tard, Walter Mischel a recontacté ces enfants et les différences étaient perceptibles quant à leurs évolutions. Meilleurs tests d’intelligence, meilleures réussites scolaires, plus grande détermination, plus grande confiance en soi… Et pour Zimbardo, cela tient principalement au fait que ces enfants ont une perspective du temps orientée vers le futur plus que le présent.
Plus concrètement, quel serait, selon Zimbardo, le profil idéal incluant une parfaite influence des registres du temps sur le comportement ?
Selon lui, le tiercé gagnant est composé :
- d’un très fort ancrage dans le passé positif,
- d'un fort élan vers le futur,
- et d'une attache modérée vers le présent hédoniste qui permet à chacun de se ressourcer.
Tout ancrage passé négatif/présent fataliste doit rester faible.
A l’échelle de tout individu, identifier son propre comportement et celui de ceux que nous côtoyons indexés aux perspectives du temps respectives devraient pouvoir en éclairer quelques-uns. Et à l'échelle de l'ère numérique ou l'instantanéité dicte sa loi, Zimbardo y verra certainement des perspectives de recherches passionnantes.
Références
[2] http://www.lucifereffect.com/lucifer.htm
[3] Lewin, K., 1942. Time perspective and morale. In: Watson, G. (Ed.), Civilian Morale. Houghton Mifflin, New York, pp. 48–70.
[4] http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/47/40/45/PDF/Validation_Francaise_de_la_ZTPI.pdf, p.209
[5] http://www.newyorker.com/reporting/2009/05/18/090518fa_fact_lehrer?currentPage=all[3] Lewin, K., 1942. Time perspective and morale. In: Watson, G. (Ed.), Civilian Morale. Houghton Mifflin, New York, pp. 48–70.
[4] http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/47/40/45/PDF/Validation_Francaise_de_la_ZTPI.pdf, p.209
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