LE CERCLE. C'est une réalité qui échappe le plus souvent aux rapports sur papier glacé, mais qu'il est impossible de ne pas voir, surtout quand on se promène dans les laboratoires : personne n'aime les innovateurs.
Explorer l'inconnu renforce le jugement
L'innovateur est, au sens étymologique le plus juste, cet individu qui porte le renouveau. Ce découvreur ou cet inventeur qui explore l'inconnu et part au-devant, dans le noir. Quelqu'un qui n'a pour lui qu'une seule lumière : la sienne.
Tel l'explorateur qui, d'antan, se lançait à l'assaut des océans ou s'enfonçait dans les épaisses forêts, sans savoir s'il ne trouverait jamais la voie tant espérée, il n'a pour lui, du moment qu'il se lance dans l'aventure, que ses propres capacités. Ces capacités qu'il partage avec l'humanité depuis qu'il est né et qui redeviennent, dans cette aventure, son plus précieux trésor.
Mobilisant ses capacités physiques et intellectuelles au plus fort et, aussitôt exposé au dur principe de réalité, il n'a d'autre choix que de penser juste. Et ainsi aiguise-t-il jour après jour son jugement, en rejetant sans état d'âme tous les mauvais enseignements, tous les faux raisonnements, toutes les idées qui ne supportent pas l'expérience de la réalité.
Partout où il passe, l'innovateur fait perdre la face
Endurant, exigeant, clairvoyant, l'innovateur avance dans sa quête lentement, silencieusement, obligé d'être intransigeant. D'abord envers lui-même, et par voie de conséquence, envers les autres. Qu'on vienne à sa rencontre avec quelques idées mal ficelées ou le dernier consensus du moment et, aussitôt, l'on s'expose à un revers violent. Non parce que l'innovateur est méchant. Mais parce qu'en un instant, il repère l'erreur de jugement. Et, en un éclair, il pilonne le croyant, qui perd la face. Rapidement, le véritable innovateur sème la terreur. Tout autour de lui, il fait exploser les faux consensus et fait imploser les paresseux orgueilleux.
Nul n'a mieux exprimé l'impression qu'un tel esprit peut avoir sur son entourage que James Watson à propos de son Prix Nobel de compère Francis Crick, au moment où ce dernier était absorbé par la recherche de la structure de l'ADN : "L'attitude de Crick engendrait une terreur inexprimée, mais réelle surtout parmi ceux de ses contemporains qui avaient encore besoin d'affermir leur réputation. La rapidité avec laquelle Francis s'emparait des faits exposés et essayait d'en extraire des idées cohérentes donnait le vertige à ses amis, qui mourraient de peur que, dans un proche futur, il ne réussisse à dévoiler à la terre entière combien vagues et brumeux étaient leurs esprits à l'abri derrière les bonnes manières des collègues". (WATSON, James, La double hélice, Paris, Robert Laffon, 2003)
Farouche adversaire de la paresse intellectuelle, l'innovateur est d'abord craint avant d'être rapidement isolé, marginalisé. Ceux qui, réveillés dans leur sommeil, n'ont aucune envie de quitter l'atmosphère feutrée des vérités partagées ou n'ont tout simplement plus l'énergie de s'en extirper, l'évitent. On déplace le centre de gravité de sa petite société, pour s'en écarter. Et, au passage, on se réapproprie ses idées, qui s'imposent de fait. On fait discrètement son marché en critiquant le comportement vraiment infâme et scandaleux de cet aventurier dont on se convainc par de multiples arguments, dont le moins important n'est pas l'argent, qu'il n'est vraiment pas à la hauteur de notre société.
Et puis, un jour, peut-être, l'innovateur découvre la voie qu'il cherchait, met à jour l'explication, la solution. C'est la découverte, l'invention. Épuisé, mais joyeux, l'innovateur se tourne alors vers le monde entier, dans un élan généreux. Pansant une dernière fois son orgueil, la petite société fait alors volte-face pour chanter à l'unisson "il est des nôtres". En essayant ainsi de s'attribuer une part de cet exploit qui acte, de fait, sa supériorité.
Pour une culture de l'exigence intellectuelle
De telles aventures, il s'en produit tous les jours dans les laboratoires, mais aussi à l'extérieur, dans les incubateurs et, même, au fond des garages, sous les mansardes. En somme, partout où quelqu'un s'est engagé dans l'inconnu. Elles nous rappellent qu'avant même de résister aux nouvelles idées, la société rejette souvent l'innovation en marginalisant l'innovateur, et en dénigrant toute velléité d'exigence intellectuelle. Avec vigueur, l'orgueil nourri de paresse intellectuelle pilonne toute tentative de penser juste. Toute tentative de remettre la pensée sur ses pieds. Toute tentative de penser.
L'exigence intellectuelle n'est jamais acquise et aucune société n'est à l'abri de s'endormir sur ses lauriers, surtout si les siècles lui ont décerné quelques lauriers. Mais lorsqu'elle prône l'excellence pour mieux encourager une compétition autour d'exercices normés et bien souvent dépassés, elle prend un risque considérable. Celui de faire triompher les plus conservateurs et de réduire à la misère ses innovateurs. Avec tous les effets que cela peut avoir sur la possibilité pour la société de se renouveler.
Si encourager l'innovation, c'est d'abord respecter les innovateurs, peut-être est-il aujourd'hui plus que jamais nécessaire de s'interroger sur la façon dont on encourage chez chacun le goût pour l'exploration de l'inconnu, pour le développement d'un jugement aiguisé au seul principe de réalité, pour l'affirmation d'une véritable exigence intellectuelle.
L'innovateur est, au sens étymologique le plus juste, cet individu qui porte le renouveau. Ce découvreur ou cet inventeur qui explore l'inconnu et part au-devant, dans le noir. Quelqu'un qui n'a pour lui qu'une seule lumière : la sienne.
Tel l'explorateur qui, d'antan, se lançait à l'assaut des océans ou s'enfonçait dans les épaisses forêts, sans savoir s'il ne trouverait jamais la voie tant espérée, il n'a pour lui, du moment qu'il se lance dans l'aventure, que ses propres capacités. Ces capacités qu'il partage avec l'humanité depuis qu'il est né et qui redeviennent, dans cette aventure, son plus précieux trésor.
Mobilisant ses capacités physiques et intellectuelles au plus fort et, aussitôt exposé au dur principe de réalité, il n'a d'autre choix que de penser juste. Et ainsi aiguise-t-il jour après jour son jugement, en rejetant sans état d'âme tous les mauvais enseignements, tous les faux raisonnements, toutes les idées qui ne supportent pas l'expérience de la réalité.
Partout où il passe, l'innovateur fait perdre la face
Endurant, exigeant, clairvoyant, l'innovateur avance dans sa quête lentement, silencieusement, obligé d'être intransigeant. D'abord envers lui-même, et par voie de conséquence, envers les autres. Qu'on vienne à sa rencontre avec quelques idées mal ficelées ou le dernier consensus du moment et, aussitôt, l'on s'expose à un revers violent. Non parce que l'innovateur est méchant. Mais parce qu'en un instant, il repère l'erreur de jugement. Et, en un éclair, il pilonne le croyant, qui perd la face. Rapidement, le véritable innovateur sème la terreur. Tout autour de lui, il fait exploser les faux consensus et fait imploser les paresseux orgueilleux.
Nul n'a mieux exprimé l'impression qu'un tel esprit peut avoir sur son entourage que James Watson à propos de son Prix Nobel de compère Francis Crick, au moment où ce dernier était absorbé par la recherche de la structure de l'ADN : "L'attitude de Crick engendrait une terreur inexprimée, mais réelle surtout parmi ceux de ses contemporains qui avaient encore besoin d'affermir leur réputation. La rapidité avec laquelle Francis s'emparait des faits exposés et essayait d'en extraire des idées cohérentes donnait le vertige à ses amis, qui mourraient de peur que, dans un proche futur, il ne réussisse à dévoiler à la terre entière combien vagues et brumeux étaient leurs esprits à l'abri derrière les bonnes manières des collègues". (WATSON, James, La double hélice, Paris, Robert Laffon, 2003)
Farouche adversaire de la paresse intellectuelle, l'innovateur est d'abord craint avant d'être rapidement isolé, marginalisé. Ceux qui, réveillés dans leur sommeil, n'ont aucune envie de quitter l'atmosphère feutrée des vérités partagées ou n'ont tout simplement plus l'énergie de s'en extirper, l'évitent. On déplace le centre de gravité de sa petite société, pour s'en écarter. Et, au passage, on se réapproprie ses idées, qui s'imposent de fait. On fait discrètement son marché en critiquant le comportement vraiment infâme et scandaleux de cet aventurier dont on se convainc par de multiples arguments, dont le moins important n'est pas l'argent, qu'il n'est vraiment pas à la hauteur de notre société.
Et puis, un jour, peut-être, l'innovateur découvre la voie qu'il cherchait, met à jour l'explication, la solution. C'est la découverte, l'invention. Épuisé, mais joyeux, l'innovateur se tourne alors vers le monde entier, dans un élan généreux. Pansant une dernière fois son orgueil, la petite société fait alors volte-face pour chanter à l'unisson "il est des nôtres". En essayant ainsi de s'attribuer une part de cet exploit qui acte, de fait, sa supériorité.
Pour une culture de l'exigence intellectuelle
De telles aventures, il s'en produit tous les jours dans les laboratoires, mais aussi à l'extérieur, dans les incubateurs et, même, au fond des garages, sous les mansardes. En somme, partout où quelqu'un s'est engagé dans l'inconnu. Elles nous rappellent qu'avant même de résister aux nouvelles idées, la société rejette souvent l'innovation en marginalisant l'innovateur, et en dénigrant toute velléité d'exigence intellectuelle. Avec vigueur, l'orgueil nourri de paresse intellectuelle pilonne toute tentative de penser juste. Toute tentative de remettre la pensée sur ses pieds. Toute tentative de penser.
L'exigence intellectuelle n'est jamais acquise et aucune société n'est à l'abri de s'endormir sur ses lauriers, surtout si les siècles lui ont décerné quelques lauriers. Mais lorsqu'elle prône l'excellence pour mieux encourager une compétition autour d'exercices normés et bien souvent dépassés, elle prend un risque considérable. Celui de faire triompher les plus conservateurs et de réduire à la misère ses innovateurs. Avec tous les effets que cela peut avoir sur la possibilité pour la société de se renouveler.
Si encourager l'innovation, c'est d'abord respecter les innovateurs, peut-être est-il aujourd'hui plus que jamais nécessaire de s'interroger sur la façon dont on encourage chez chacun le goût pour l'exploration de l'inconnu, pour le développement d'un jugement aiguisé au seul principe de réalité, pour l'affirmation d'une véritable exigence intellectuelle.
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