Où que l’on regarde, les feux avant-coureurs d’une prochaine crise financière s’allument. Elle commencera sur l’Atlantique, mais cette fois, elle devrait être contagieuse dans le Pacifique. Elle pourrait être pire que celle de 2007-2008.
Je ne pose pas cette question à la légère. L’Occident a vécu au-dessus de ses moyens et le tsunami commence à prendre de l’ampleur aux Etats-Unis et en Europe. Cette fois, il touchera au cœur les finances publiques.
Tandis que les étudiants britanniques manifestent pour leur minerval, les Français manifestent pour leur retraite, et les Irlandais et les Portugais sont dans la rue contre l’austérité, ce n’est pas moins qu’une course contre la montre qui est engagée. Il n’y aura pas moyen d’éviter une crise : il faut à tout prix cependant mettre sous contrôle le risque d’emballement et tenter de la maitriser. Le drame est que des deux côtés de l’Atlantique, la crise fait apparaitre une réalité difficile à maitriser : le dysfonctionnement politique.
Les Etats-Unis ont un système politique qui est enrayé depuis des années, et les élections de novembre mettent autant les démocrates que les républicains au pied du mur. Il n’y a plus moyen de prendre quelque mesure que ce soit sans qu’elle fasse l’objet d’un bras de fer où les républicains forcent leur chemin à la Chambre et les démocrates verrouillent le Sénat. Dans ce contexte le Président Obama et la Maison Blanche ont peu de marges de manœuvre. Les rapports qui viennent de sortir et qui émanent d’autorités indiscutables des deux partis politiques nous rappellent à la réalité. Ils pointent vers des mesures spécifiques, mais la réalité est sinistre : le budget fédéral est à 80% affecté à l’éducation, la sante et aux dépenses militaires. Ces postes, considérés comme incompressibles, vont devoir être réduits. Inutile de dire que les démocrates ne veulent pas toucher à la sante et à l’éducation et les républicains ne veulent pas toucher aux dépenses militaires.
Le déficit budgétaire américain est insoutenable, et à la moindre hausse des taux d’intérêt, l’effet boule de neige risque de provoquer une croissance insoutenable de l’endettement. Avec une Federal Reserve dépassée par les évènements, il ne faut pas compter sur la discipline américaine. La hausse des taux ne pourra être contrôlée par la banque centrale : elle proviendra de la prime de risque exigée par les investisseurs pour souscrire à des obligations de l’Etat américain. Elle a déjà augmenté.
Tous les groupes d’intérêt tentent d’empêcher que ce soit dans leur domaine que les coupes sombres soient effectuées. Le résultat est ni plus ni moins qu’un blocage du processus de décision politique à un moment où nous sommes les plus en danger et où l’action devrait être décisive et rapide.
En Europe, le risque de contagion se heurte à une Eurozone qui, ayant sous-estimé la gravité des endettements nationaux, n’a pas les moyens de soutenir les déficits budgétaires de certains de ses Etats Membres. D’ores et déjà, il est évident que la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Irlande ne seront pas en mesure de contribuer au fonds de 750 milliards d’euros mis en place au plus chaud de la crise grecque. Si l’Europe ne crée pas son Fonds Monétaire propre ayant l’autorité nécessaire pour contrôler les finances publiques de ses membres nous allons a la catastrophe. Or l’utilisation d’interventions musclées et conditionnelles à des mesures de correction ont été spécifiquement refusées par Paris et Berlin. Ce qui inquiète les marchés c’est une Europe qui semble est vouée à un processus d’intervention et de décision qui est toujours trop peu et trop tard.
L’Europe doit se doter d’un état-major de crise qui siège en permanence dès maintenant. Je sais...je nage dans l’utopie. Finis les sommets européens et les colères présidentielles. Oubliez la Commission qui n’a aucune connaissance de ces problèmes. Mettons-y des spécialistes des marchés, des finances publiques et des banques centrales, et pas trop d’économistes ou de juristes. La décision sera politique en fin de compte, mais les mesures devront être conçues sur base d’une analyse rigoureuse des faits.
En cas de crise de cette dette publique, le fonds Européen ne suffira pas et toute l’Europe sera entrainée dans un scenario que manifestement les fameux « stress tests » européens n’ont pas envisagé: l’équivalent d’une faillite de certains Etats, à savoir une restructuration de la dette qui atteindra au premier chef les grandes banques européennes. Pour votre information, ces 750 milliards d’euros n’existent que sur papier. Le maximum mobilisable est de 310 milliards, après quoi de nouvelles décisions politiques sont nécessaires. Les 85 milliards de l’Irlande seront prélevés sur cette tranche. On a bien évidemment passé ces aspects « techniques » sous silence.
La perception d’un risque de contagion s’installe : le Moyen-Orient, les Etats-Unis et l’Asie vont être tentés de limiter leur détention d’obligations publiques européennes des pays considérés comme menacés. En dehors des « quatre » en difficultés, la liste des suivants comprend l’Italie et la France ainsi que plusieurs pays de moindre taille. C’est notamment le cas de la Belgique qui continue de manière suicidaire à se préoccuper de ses problèmes communautaires. Seule l’Allemagne, les Pays-Bas et la Scandinavie échappent à cette vague de méfiance, mais il ne faudra pas compter sur Berlin pour sauver l’Euro sans une prise de mesures de restructuration drastiques.
Cette fois, l’Asie se trouvera entrainée. Tout d’abord, l’endettement du Japon est un des plus importants du monde. De plus, les banques centrales asiatiques sont les plus gros détenteurs de dette publique européenne et américaine et verront leurs réserves perdre de la valeur et leurs devises fragilisées. La perspective d’un monde où les créanciers des Etats (à savoir l’Asie et le Moyen Orient) dicteront la loi au Fonds Monétaire International ou bloqueront les interventions vers l’Europe a de quoi effrayer.
L’enrayage des processus politiques des deux côtés de l’Atlantique rend la perspective de la crise d’autant plus probable. Or, c’est là que l’action doit se situer. C’est malheureusement ce mécanisme-là qui est bloqué. Quant à l’ « austérité jusqu’en 2012 » annoncée au Parlement français par le Premier Ministre, elle tient compte de la politique locale, mais croyez-moi, le monde entier se fout pas mal des élections de 2012. Tant en France qu’aux Etats-Unis, elles se dérouleront dans un climat de crise avancée. Ce sera tout sauf « business as usual.
La démocratie est en danger, et notre système social avec elle. Une remise en ordre comprendra une restructuration d’au moins cinq ans. A nous de décider si nous allons la mener ou si elle nous sera imposée.
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