Un cercueil blindé, des déchets mystérieux, un blessé soigné par l'armée : un journal espagnol dénonce les silences français.
Selon le quotidien espagnol Publico, les autorités françaises cherchent à cacher l'origine radioactive de l'accident qui a eu lieu lundi 12 septembre sur le site de Marcoule, faisant un mort et quatre blessés. Selon leurs informations, la victime a été contaminée : le cercueil, mis en terre samedi, est protégé par un blindage spécial et la famille n'a pas pu voir le cadavre.
Le quotidien croit également savoir qu'aucune autopsie n'a été effectuée. Et seuls les gendarmes, équipés de combinaisons de protection, ont eu accès au hangar où a eu lieu l'explosion.
Selon l'ASN, des blessés « pas contaminés »
L'employé mort était d'origine espagnole, âgé de 51 ans et il est mort brûlé par des métaux en fusion alors qu'il tentait d'ouvrir la trappe du four à la barre à mine.
Dans un premier communiqué, l'ASN (Autorité de sureté nucléaire) affirmait qu'il n'y avait pas de rejet à l'extérieur de l'installation. Sans préciser s'il s'agissait du site ou du hangar.
Dans un deuxième communiqué, l'ASN assurait que « aucune contamination n'a été constatée : les blessés ne sont pas contaminés ».
« Un accident industriel, pas nucléaire »
Le jour même de l'accident (qui a eu lieu dans le centre nucléaire Centraco, appartenant à Socodei, une filiale d'EDF), EDF s'était montré rassurant :
« C'est un accident industriel, pas nucléaire. Il n'y a pas de rejet radioactif et a priori, il n'y en aura pas. »
La Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité) avait confirmé que selon ses relevés, tout était normal.
Mais les gendarmes français auraient raconté aux journalistes espagnols :
« Par chance, notre commandement nous a protégés en nous empêchant de rentrer dans le secteur et d'attendre les unités du risque nucléaire-radiologique-bactériologique-chimique (NRBC). »
Les sources judiciaires qui ont ouvert une information pour « homicide et blessures involontaires » ont indiqué au quotidien espagnol que le cadavre de José Marin est resté 48 heures dans le hangar avec le métal radioactif dans le corps. Ils ont confirmé que le cercueil était équipé d'une « protection anti-radioactive légère ».
Et selon un enquêteur, si le corps n'a pas pu être présenté à la famille, c'est parce qu'il ne pouvait pas être décontaminé.
Des incertitudes qui dérangent
Pour le journal, trois « secrets » posent problème :
* EDF n'a donné aucune information sur l'état du corps de l'employé décédé ;
* le deuxième blessé grave, un jeune employé (un apprenti selon Greenpeace) qui lui aussi a été touché par le métal en fusion à 1 300 °C, se trouverait entre la vie et la mort, brûlé au troisième degré sur 85% du corps. Il était soigné dans un hôpital civil (CHU de Montpellier) et a été transféré dans un hôpital militaire, celui de Percy-Clamart, « l'un des meilleurs de France, certes » note le quotidien, « mais qui dépend du ministère de la Défense » ;
* le refus de Socodei-Centraco de révéler qui étaient les clients dont les déchets radioactifs étaient alors incinérés. Comme le refus des autorités de rendre publics les résultats des analyses des filtres et capteurs situés sur la cheminée du four qui a explosé.
Des déchets provenant d'activités militaires locales ?
Pour les Espagnols, il semble absolument anormal de ne pas pouvoir connaître la nature des métaux qui auraient contaminé les victimes, et notamment savoir s'ils sont d'origine militaire ou civile.
Selon le quotidien, qui cite un rapport de l'Office parlementaire de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) datant de 1997, le four accidenté était destiné, lors de sa construction, à incinérer principalement des déchets provenant d'activités militaires locales :
* trois réacteurs produisant du plutonium pour les bombes G1, G2, G3 ;
* une usine de retraitement de combustible usé, émanant des réacteurs militaires (UP1) ;
* et des réacteurs produisant du tritium pour les bombes (réacteurs Celestin).
Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, (IRSN) ce n'est pas le four en cause dans l'accident. Thierry Charles, son directeur de la sûreté des installations, nous apporte les informations suivantes :
* le site de l'accident étant sous scellés de la justice, ils n'ont pas accès à une partie des installations ;
* la Socodei-Centraco a pour mission de traiter les déchets civils provenant principalement d'EDF et Areva ;
* la Socodei est tenue de respecter la limitation de becquerels dans les matériaux qu'elle traite et de rejets. Ces informations sont transmises et vérifiées par l'ASN.
* la radioactivité présente dans les métaux en fusion dans le four était faible, 63 000 becquerels pour 4 tonnes.
Ces mesures sont contestées par Roland Desbordes, physicien, qui dirige le laboratoire de la Criirad, qui met d'ailleurs en doute la plupart des éléments de communiqués par les autorités et les opérateurs.
Greenpeace troublé par des contradictions
Sophia Majnoni, en charge du nucléaire à Greenpeace, se montre troublée par ces informations :
« Ou bien le mort n'était pas contaminé et dans ce cas il n'y a aucune raison d'utiliser un cercueil spécial, ou bien seuls les blessés n'ont pas été contaminés et à ce moment-là, la communication de l'ASN est ambiguë en laissant entendre qu'il n'y a eu aucune contamination à l'extérieur du four. »
Dans tous les cas, Greenpeace demande que toute la transparence soit faite sur les circonstances exactes de l'accident. Sur le versant « militaire » de la discrétion des autorités françaises :
« Que les déchets fondus dans le four proviennent d'une zone militaire ou civile ne donne pas d'indication sur leur nature, ça ne signifie notamment pas qu'ils sont forcément plus radioactifs. »
Le four n'aurait pas explosé
Pour Michèle Rivasi, députée européenne Europe Ecologie, professeure agrégée de biologie et fondatrice de la Criirad :
« Les Espagnols sont confrontés au secret qui est la culture et la maladie génétique française. »
Selon les explications fournies par l'Autorité de sureté nucléaire, que nous ont rapportées deux sources, le four n'aurait pas explosé. L'ouvrier qui est mort aurait soulevé la trappe du four, et un geyser de métaux en fusion a jailli, le tuant et blessant son collègue. « Du métal contaminé », rappelle Michelle Rivasi, « et on ne sait pas par quoi. On ne sait pas d'où vient cette ferraille. Si elle provient des bombes, il peut y avoir, par exemple, du plutonium ».
Le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) devrait rapidement mettre en ligne le compte-rendu de la réunion qui a porté sur ce sujet. Il y aura aussi des photos du four. La réunion a eu lieu jeudi. Selon son dernier « point », il n'y avait rien à signaler.
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