La concurrence accrue au sein
d'un archipel mondial nécessitera une constante adaptation de la part
des métropoles pour pouvoir rester attrayantes sur tous les plans. Elles
devront miser sur des technologies nouvelles, interconnectées, qui
tirent profit de la densité de population offerte par les aires
urbaines.
Les métropoles devront savoir attirer une classe moyenne grandissante, mais aussi composer avec une élite hypernomade et sans attache, et avec des populations de travailleurs toujours plus itinérantes, déménageant au gré de la demande de main d'oeuvre. L'adaptation aux besoins de ces trois groupes devra se faire dans une logique intégrée, impliquant l'ensemble des populations urbaines ainsi que les territoires à proximité directe, dans le but de bâtir un projet métropolitain cohérent qui apportera une nouvelle façon de vivre et de penser les métropoles.
Trois milliards et demi de personnes à travers le monde vivent aujourd'hui dans une ville. Elles seront 5 milliards dans quinze ans et 7,5 milliards à l'horizon 2050. Les métropoles abritent des bassins de compétences, de capital, d'information, mais aussi d'innovation. Ces bassins de classes créatives, caractérisées par leur goût pour le neuf, se sont organisés à travers l'histoire autour de « coeurs » urbains qui, l'un après l'autre, ont donné le ton à la croissance économique. Les grandes métropoles mondiales sont déjà, pour beaucoup de pays, le moteur de l'économie nationale dans des contextes d'urbanisation macrocéphale. C'est le cas de villes comme Londres, Mexico ou encore Paris.
L'Île-de-France, avec plus de 10 millions d'habitants et 600 milliards de PIB, générés principalement par l'agglomération parisienne, représente un tiers de l'économie française mais ne pèse que 22% du revenu disponible national. Ce différentiel traduit un transfert de richesses de la capitale vers le reste de l'économie nationale. Le PIB de l'agglomération parisienne est aussi supérieur à celui de beaucoup de pays, dont l'Afrique du Sud, la Colombie ou la Pologne.
Avant le tsunami de Fukushima, le PIB de la ville de Tokyo était le double de celui du Brésil. Cette concentration peut donner lieu à l'apparition d'une nouvelle communauté, aux liens plus resserrés. Cette évolution des comportements est possible grâce à la proximité créée et se fera également par une mise à profit des nouvelles technologies.
Dans un monde qui exigera de plus en plus de fédéralisme, les métropoles vont devenir un nouvel acteur à part entière, allant jusqu'à supplanter la nation pour les plus puissantes d'entre elles.
Les métropoles vont devenir des acteurs essentiels de la structuration des sociétés de demain. Elles se substitueront progressivement aux autres échelons, et notamment à l'échelon national, attribuant ainsi un rôle accru aux gouvernements locaux. Les métropoles seront alors dirigées par un véritable gouvernement disposant de portefeuilles alloués et de personnalités fortes. Cet accroissement du rôle des métropoles va changer la face du monde politique et des relations internationales.
Les métropoles globales, mondialisées, qui concentrent déjà la plupart des entreprises multinationales, centres financiers, centres de pouvoir et centres culturels vont alors accroître leur influence en s'organisant en réseaux de métropoles. Ces nouvelles interdépendances les détacheront progressivement d'une influence exercée par leur nation, et leur permettront d'asseoir leur prééminence en tant que nouveaux hubs de pouvoir. On le voit déjà à l'importance qu'ont prise des métropoles-États comme Singapour ou Dubai, ou bien encore au rôle que jouent les grandes métropoles des pays en développement.
Dubai, premier port des Émirats arabes unis, est aussi la première ville en termes de population, avec 2,2 millions d'habitants en 2011./ DR
Ce rôle va accroître la compétition des métropoles entre elles, les plus attractives formant un réseau de villes hypernomades de passage.
La concurrence entre les métropoles se fera non seulement au niveau du tourisme, mais aussi au niveau des conditions de vie, de l'accueil réservé au monde professionnel, et de l'attractivité académique et culturelle. Ces trois dimensions permettront aux métropoles de s'insérer dans le réseau des villes attractives. Dans ce contexte, il faudra penser la ville comme un hôtel. La ville de demain devra accueillir ceux qui veulent s'y installer, mais aussi se mettre en valeur pour attirer et aller chercher des clients dont le nombre ira croissant avec l'essor des classes moyennes venant, notamment, des Brics. Se donner les moyens de séduire, d'être attractive aux yeux des autres, deviendra donc une fonction essentielle de la métropole de demain.
Deux catégories de la population seront davantage concernées par cette vision fragmentée de la ville et la verront davantage comme un lieu de passage : - les travailleurs seront de plus en plus amenés à se déplacer de métropole en métropole, afin de trouver des emplois toujours plus précaires et temporaires ; - à l'autre extrémité du spectre, des élites hypernomades, représentant 200 millions de personnes, passeront par des zones urbaines modernes, attirées par leur créativité et leur connectivité, dans le cadre d'une mobilité professionnelle mondiale pour ces travailleurs très qualifiés. Dans cette compétition, l'Europe peut se laisser dépasser et devenir un musée. Elle peut aussi, avec un peu de volonté, être le lieu principal d'accueil des richesses de demain.
Mettre le big data au coeur des projets de rénovation des métropoles.
L'utilisation du big data dans le processus décisionnel conduira à une utilisation optimale des ressources des métropoles. 65% des entreprises mondiales ont déjà investi dans le big data, et, selon Navigant Research, les montants investis dans le secteur par les métropoles nord-américaines devraient atteindre 5 milliards de dollars d'ici à 2017. Aux États-Unis, Baltimore utilise déjà ces technologies pour rationaliser ses ressources budgétaires, en arrêtant notamment de financer les services qui n'ont pas de résultats concrets. Le big data permet ainsi de mettre l'accent sur des projets efficaces qui légitimeront d'autant plus le consentement à l'impôt. Il offre des solutions de collecte de données qui permettent de cibler davantage les besoins des citoyens, d'identifier leurs problèmes, et donc de mieux orienter les réponses à apporter.
Une part croissante de données est analysée pour réunir des informations sur le niveau de « bonheur » des citoyens. Le projet Hedonomètre, aux États-Unis, utilise ainsi les données de Twitter et d'autres réseaux sociaux pour mieux cibler la population métropolitaine nécessitant des campagnes d'information contre certaines maladies ou contre des comportements favorisant les risques d'obésité, par exemple.
Couplé à l'Internet des objets, le big data servira à analyser et à mesurer la vie urbaine, permettant, par exemple, de savoir si des canalisations fuient ou si la fluidité du trafic est assurée. Une équipe du MIT Senseable City Lab travaille en ce moment même sur un mécanisme de collecte de données détaillées sur les prévisions météorologiques permettant de mieux orienter les taxis vers les zones où il pleut, dans un laps de temps d'environ 10 minutes avant le début des intempéries.
Mettre les TIC au service d'un développement durable des métropoles, à travers des smartgrids.
Les villes consomment les deux tiers de l'énergie produite dans le monde et créent environ 70 % des émissions globales de CO2. Pour les métropoles, cet enjeu est d'autant plus important que 90 % d'entre elles sont proches des côtes, ce qui les rend vulnérables à la hausse du niveau de la mer et aux risques d'inondations. Il est possible de réduire de 15 % les émissions mondiales de CO2 d'ici à 2020, grâce à des solutions TIC à faible empreinte carbone. Il s'agit notamment de tous les dispositifs ou applications de télécommunications (mobile, fibre optique, ordinateur, systèmes satellites, etc.), ainsi que des divers services et applications associés tels que la vidéo conférence, la télémédecine, le télétravail. Cela exige de faire de ces solutions une partie intégrante de tous les grands projets d'aménagement et de développement économique des gouvernements, des municipalités et des entreprises, ce qui passera notamment par la fibre très haut débit.
Par ailleurs, la ville a investi massivement dans les réseaux électriques intelligents, qui reposent sur un contrôle actif et modulable, et permettent d'améliorer l'efficience et de réduire la dépendance à l'égard de la production centralisée d'électricité.
Utiliser les technologies de type smartgrid pour une gestion intelligente de l'électricité doit être au coeur des métropoles de demain, celles qui doivent investir pour se réinventer, mais aussi celles qui naîtront dans les années à venir. Le marché mondial des smartgrid devrait croître de 20 % par an en moyenne entre 2013 et 2020. Les réseaux intelligents sont en passe de devenir une des réponses clés aux défis énergétiques des économies avancées et des pays émergents. Ils permettent de réduire les pertes d'électricité en ligne et optimisent les réglages des équipements réseau. Ils favorisent aussi le développement de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, car leur production est intermittente et décentralisée et nécessite donc une répartition immédiate.
Faire de la densité urbaine un atout de développement est donc un enjeu majeur pour les métropoles.
Au travers des évolutions technologiques du big data et des smartgrids, c'est bien la mise en valeur de la densité urbaine qui sera recherchée. Les grandes métropoles ont le potentiel d'offrir des conditions de vie bien plus favorables que les villes de plus petite taille. Ces avancées ne seront possibles qu'en utilisant la masse d'informations générée par une densité urbaine toujours plus grande. Si aujourd'hui la densité de population mondiale moyenne est de 45 habitants/km2, elle dépasse les 2 000 habitants/km2 pour les métropoles, allant parfois jusqu'à plus de 5 000 habitants/km2 pour les plus densément peuplées d'entre elles, comme Hong Kong, Delhi ou Tokyo.
Contrairement aux idées reçues, la densité urbaine peut être un atout. Elle peut même être écologique. Elle permet un partage des ressources et des infrastructures comme les transports collectifs, les réseaux électriques et numériques. Elle permet un accès facile aux services de proximité, et la création de communautés interconnectées, avec une diversité d'expressions, de cultures et d'idées qui constituent autant d'atouts dans un monde globalisé. Les mettre en avant est un moyen pour les métropoles de se démarquer, tout en gardant une spécificité, une identité propre.
La gouvernance urbaine joue ici un rôle essentiel pour améliorer la qualité de vie de chacun. La mixité sociale et fonctionnelle doit devenir une priorité des plans de développement des métropoles. Il faut mélanger toutes les fonctions urbaines dans tous les espaces urbains pour créer de véritables « pôles d'urbanité » qualitatifs et attractifs. Le phénomène urbain est aussi un lieu de créativité et de liberté. Il faut articuler ces deux éléments pour obtenir une vraie réussite urbaine des métropoles. Les mixités sociale et fonctionnelle sont liées, elles vont façonner la métropole altermoderne, ville de partage.
Les métropoles devront adopter une stratégie de développement intégrée avec les espaces ruraux avoisinants, en promouvant le développement rural et une amélioration de la qualité de vie des populations concernées. Le phénomène de rurbanisation est déjà observable aujourd'hui en France. Mieux encadré, avec des moyens de transport appropriés, il peut être porté par le développement des métropoles. Ces dernières peuvent bénéficier aux populations rurales en leur offrant des opportunités d'emploi, ou des conditions de vie améliorées. Il ne faut donc pas voir l'urbanisation comme un problème, mais bien comme une solution.
Cette mise en valeur du territoire passe aussi par un plaidoyer pour la « villearchipel » (Jean-Paul Auby). La métropole peut être dense en son centre, mais vivre en harmonie et bon voisinage avec des « îles-villages » qui accueillent des trames vertes composées de terres agricoles et des trames bleues de cours d'eau, et s'approcher ainsi de l'autosuffisance en énergies renouvelables. L'idée est de mettre la campagne dans l'ensemble métropolitain. Le rapport du citoyen à la nature, à l'alimentation, en sera transformé ; l'agriculteur deviendra un citoyen pleinement intégré à l'aire métropolitaine. Il faut pour cela affirmer l'identité « villageoise », comme l'a fait la métropole de Sydney, « A city of Villages ». Le village permet un exceptionnel contrôle social, alors que la grande métropole fragmente, exclut, produit de la ségrégation.
Cette mise en valeur du territoire doit, enfin, passer par une meilleure utilisation des voies de communication naturelles disponibles. Paris, notamment, a tout à gagner en exploitant mieux la Seine et, par extension, son accès à la mer. Toutes les « villes coeur » du passé sont des ports : une ville qui n'est pas un port a du mal à se penser comme un hôtel. Il faut donc donner un port à Paris. Avec 80 % des marchandises mondiales qui transitent aujourd'hui par la mer, ne pas les capter serait se priver de participer pleinement au commerce international.
Impliquer l'ensemble des populations dans le projet de développement métropolitain.
Les métropoles ne seront pas en mesure de lancer les chantiers nécessaires à leur développement et de se rendre durables si elles n'ont pas de vision sur leur développement futur. Elles doivent penser les évolutions démographiques et sociales à venir, ainsi que les défis qui se présenteront à elles. Elles devront notamment intégrer les populations immigrantes ainsi que les populations les plus pauvres dans leur stratégie de développement. Cela représentera une chance inouïe de réinsertion de ces populations souvent marginalisées, qui pourraient bénéficier des nombreuses créations d'emploi à attendre de programmes de formation professionnelle pour des métiers nécessaires au développement urbain. La microfinance constitue une solution innovante et efficace pour ce faire.
Même les zones urbaines les plus pauvres d'une métropole doivent contribuer à son développement. Certaines villes montrent des exemples concrets de réussite, notamment en ce qui concerne les bidonvilles. En Afrique du Sud notamment, les politiques du gouvernement permettent le financement de certaines habitations pour les habitants de bidonvilles via un programme de microcrédit. Ce programme a donné lieu à la création d'un véritable marché du financement pour l'accès au logement des ménages à faible revenu.
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>>> FOCUS 10 milliards d'humains en 2050 !
Les métropoles devront savoir attirer une classe moyenne grandissante, mais aussi composer avec une élite hypernomade et sans attache, et avec des populations de travailleurs toujours plus itinérantes, déménageant au gré de la demande de main d'oeuvre. L'adaptation aux besoins de ces trois groupes devra se faire dans une logique intégrée, impliquant l'ensemble des populations urbaines ainsi que les territoires à proximité directe, dans le but de bâtir un projet métropolitain cohérent qui apportera une nouvelle façon de vivre et de penser les métropoles.
1- NOUVEL ÉCHELON D'IDENTIFICATION DANS UN MONDE DE PLUS EN PLUS NOMADE, LES MÉTROPOLES VONT CHANGER LE PAYSAGE GÉO-ÉCONOMIQUE
Les métropoles concentrent les activités créatrices de richesses et seront donc le principal moteur de l'économie de demain.Trois milliards et demi de personnes à travers le monde vivent aujourd'hui dans une ville. Elles seront 5 milliards dans quinze ans et 7,5 milliards à l'horizon 2050. Les métropoles abritent des bassins de compétences, de capital, d'information, mais aussi d'innovation. Ces bassins de classes créatives, caractérisées par leur goût pour le neuf, se sont organisés à travers l'histoire autour de « coeurs » urbains qui, l'un après l'autre, ont donné le ton à la croissance économique. Les grandes métropoles mondiales sont déjà, pour beaucoup de pays, le moteur de l'économie nationale dans des contextes d'urbanisation macrocéphale. C'est le cas de villes comme Londres, Mexico ou encore Paris.
L'Île-de-France, avec plus de 10 millions d'habitants et 600 milliards de PIB, générés principalement par l'agglomération parisienne, représente un tiers de l'économie française mais ne pèse que 22% du revenu disponible national. Ce différentiel traduit un transfert de richesses de la capitale vers le reste de l'économie nationale. Le PIB de l'agglomération parisienne est aussi supérieur à celui de beaucoup de pays, dont l'Afrique du Sud, la Colombie ou la Pologne.
Avant le tsunami de Fukushima, le PIB de la ville de Tokyo était le double de celui du Brésil. Cette concentration peut donner lieu à l'apparition d'une nouvelle communauté, aux liens plus resserrés. Cette évolution des comportements est possible grâce à la proximité créée et se fera également par une mise à profit des nouvelles technologies.
Dans un monde qui exigera de plus en plus de fédéralisme, les métropoles vont devenir un nouvel acteur à part entière, allant jusqu'à supplanter la nation pour les plus puissantes d'entre elles.
Les métropoles vont devenir des acteurs essentiels de la structuration des sociétés de demain. Elles se substitueront progressivement aux autres échelons, et notamment à l'échelon national, attribuant ainsi un rôle accru aux gouvernements locaux. Les métropoles seront alors dirigées par un véritable gouvernement disposant de portefeuilles alloués et de personnalités fortes. Cet accroissement du rôle des métropoles va changer la face du monde politique et des relations internationales.
Les métropoles globales, mondialisées, qui concentrent déjà la plupart des entreprises multinationales, centres financiers, centres de pouvoir et centres culturels vont alors accroître leur influence en s'organisant en réseaux de métropoles. Ces nouvelles interdépendances les détacheront progressivement d'une influence exercée par leur nation, et leur permettront d'asseoir leur prééminence en tant que nouveaux hubs de pouvoir. On le voit déjà à l'importance qu'ont prise des métropoles-États comme Singapour ou Dubai, ou bien encore au rôle que jouent les grandes métropoles des pays en développement.
Dubai, premier port des Émirats arabes unis, est aussi la première ville en termes de population, avec 2,2 millions d'habitants en 2011./ DR
Ce rôle va accroître la compétition des métropoles entre elles, les plus attractives formant un réseau de villes hypernomades de passage.
La concurrence entre les métropoles se fera non seulement au niveau du tourisme, mais aussi au niveau des conditions de vie, de l'accueil réservé au monde professionnel, et de l'attractivité académique et culturelle. Ces trois dimensions permettront aux métropoles de s'insérer dans le réseau des villes attractives. Dans ce contexte, il faudra penser la ville comme un hôtel. La ville de demain devra accueillir ceux qui veulent s'y installer, mais aussi se mettre en valeur pour attirer et aller chercher des clients dont le nombre ira croissant avec l'essor des classes moyennes venant, notamment, des Brics. Se donner les moyens de séduire, d'être attractive aux yeux des autres, deviendra donc une fonction essentielle de la métropole de demain.
Deux catégories de la population seront davantage concernées par cette vision fragmentée de la ville et la verront davantage comme un lieu de passage : - les travailleurs seront de plus en plus amenés à se déplacer de métropole en métropole, afin de trouver des emplois toujours plus précaires et temporaires ; - à l'autre extrémité du spectre, des élites hypernomades, représentant 200 millions de personnes, passeront par des zones urbaines modernes, attirées par leur créativité et leur connectivité, dans le cadre d'une mobilité professionnelle mondiale pour ces travailleurs très qualifiés. Dans cette compétition, l'Europe peut se laisser dépasser et devenir un musée. Elle peut aussi, avec un peu de volonté, être le lieu principal d'accueil des richesses de demain.
2- CE NOUVEAU STATUT DÉPENDRA DES TRANSFORMATIONS ET INVESTISSEMENTS OPÉRÉS PAR LES MÉTROPOLES, EXPOSÉES À DE NOUVEAUX DÉFIS
Les métropoles sont des laboratoires pour le test et le déploiement des technologies numériques (TIC) fondées sur les réseaux (smartgrids), liées à la mobilité (voiture électrique), aux objects connectés, à l'ouverture des données publiques (open data), ou encore aux systèmes analytiques de traitement des masses de données (big data). La ville intelligente et les smartgrids sont une illustration de marchés à fort potentiel à saisir pour l'Europe et la France, particulièrement bien positionnées sur les technologies requises pour la transition vers les villes durables, dont de nombreux pilotes sont à l'oeuvre actuellement à Amsterdam, Stockholm, Londres, Bilbao, mais aussi Singapour et Yokohama.Mettre le big data au coeur des projets de rénovation des métropoles.
L'utilisation du big data dans le processus décisionnel conduira à une utilisation optimale des ressources des métropoles. 65% des entreprises mondiales ont déjà investi dans le big data, et, selon Navigant Research, les montants investis dans le secteur par les métropoles nord-américaines devraient atteindre 5 milliards de dollars d'ici à 2017. Aux États-Unis, Baltimore utilise déjà ces technologies pour rationaliser ses ressources budgétaires, en arrêtant notamment de financer les services qui n'ont pas de résultats concrets. Le big data permet ainsi de mettre l'accent sur des projets efficaces qui légitimeront d'autant plus le consentement à l'impôt. Il offre des solutions de collecte de données qui permettent de cibler davantage les besoins des citoyens, d'identifier leurs problèmes, et donc de mieux orienter les réponses à apporter.
Une part croissante de données est analysée pour réunir des informations sur le niveau de « bonheur » des citoyens. Le projet Hedonomètre, aux États-Unis, utilise ainsi les données de Twitter et d'autres réseaux sociaux pour mieux cibler la population métropolitaine nécessitant des campagnes d'information contre certaines maladies ou contre des comportements favorisant les risques d'obésité, par exemple.
Couplé à l'Internet des objets, le big data servira à analyser et à mesurer la vie urbaine, permettant, par exemple, de savoir si des canalisations fuient ou si la fluidité du trafic est assurée. Une équipe du MIT Senseable City Lab travaille en ce moment même sur un mécanisme de collecte de données détaillées sur les prévisions météorologiques permettant de mieux orienter les taxis vers les zones où il pleut, dans un laps de temps d'environ 10 minutes avant le début des intempéries.
Mettre les TIC au service d'un développement durable des métropoles, à travers des smartgrids.
Les villes consomment les deux tiers de l'énergie produite dans le monde et créent environ 70 % des émissions globales de CO2. Pour les métropoles, cet enjeu est d'autant plus important que 90 % d'entre elles sont proches des côtes, ce qui les rend vulnérables à la hausse du niveau de la mer et aux risques d'inondations. Il est possible de réduire de 15 % les émissions mondiales de CO2 d'ici à 2020, grâce à des solutions TIC à faible empreinte carbone. Il s'agit notamment de tous les dispositifs ou applications de télécommunications (mobile, fibre optique, ordinateur, systèmes satellites, etc.), ainsi que des divers services et applications associés tels que la vidéo conférence, la télémédecine, le télétravail. Cela exige de faire de ces solutions une partie intégrante de tous les grands projets d'aménagement et de développement économique des gouvernements, des municipalités et des entreprises, ce qui passera notamment par la fibre très haut débit.
Par ailleurs, la ville a investi massivement dans les réseaux électriques intelligents, qui reposent sur un contrôle actif et modulable, et permettent d'améliorer l'efficience et de réduire la dépendance à l'égard de la production centralisée d'électricité.
Utiliser les technologies de type smartgrid pour une gestion intelligente de l'électricité doit être au coeur des métropoles de demain, celles qui doivent investir pour se réinventer, mais aussi celles qui naîtront dans les années à venir. Le marché mondial des smartgrid devrait croître de 20 % par an en moyenne entre 2013 et 2020. Les réseaux intelligents sont en passe de devenir une des réponses clés aux défis énergétiques des économies avancées et des pays émergents. Ils permettent de réduire les pertes d'électricité en ligne et optimisent les réglages des équipements réseau. Ils favorisent aussi le développement de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, car leur production est intermittente et décentralisée et nécessite donc une répartition immédiate.
Faire de la densité urbaine un atout de développement est donc un enjeu majeur pour les métropoles.
Au travers des évolutions technologiques du big data et des smartgrids, c'est bien la mise en valeur de la densité urbaine qui sera recherchée. Les grandes métropoles ont le potentiel d'offrir des conditions de vie bien plus favorables que les villes de plus petite taille. Ces avancées ne seront possibles qu'en utilisant la masse d'informations générée par une densité urbaine toujours plus grande. Si aujourd'hui la densité de population mondiale moyenne est de 45 habitants/km2, elle dépasse les 2 000 habitants/km2 pour les métropoles, allant parfois jusqu'à plus de 5 000 habitants/km2 pour les plus densément peuplées d'entre elles, comme Hong Kong, Delhi ou Tokyo.
Contrairement aux idées reçues, la densité urbaine peut être un atout. Elle peut même être écologique. Elle permet un partage des ressources et des infrastructures comme les transports collectifs, les réseaux électriques et numériques. Elle permet un accès facile aux services de proximité, et la création de communautés interconnectées, avec une diversité d'expressions, de cultures et d'idées qui constituent autant d'atouts dans un monde globalisé. Les mettre en avant est un moyen pour les métropoles de se démarquer, tout en gardant une spécificité, une identité propre.
La gouvernance urbaine joue ici un rôle essentiel pour améliorer la qualité de vie de chacun. La mixité sociale et fonctionnelle doit devenir une priorité des plans de développement des métropoles. Il faut mélanger toutes les fonctions urbaines dans tous les espaces urbains pour créer de véritables « pôles d'urbanité » qualitatifs et attractifs. Le phénomène urbain est aussi un lieu de créativité et de liberté. Il faut articuler ces deux éléments pour obtenir une vraie réussite urbaine des métropoles. Les mixités sociale et fonctionnelle sont liées, elles vont façonner la métropole altermoderne, ville de partage.
3- LES ÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES ET STRUCTURELLES CONDUIRONT À UNE PLUS GRANDE INTÉGRATION DES POPULATIONS
L'importance de la mise en valeur du tissu avoisinantLes métropoles devront adopter une stratégie de développement intégrée avec les espaces ruraux avoisinants, en promouvant le développement rural et une amélioration de la qualité de vie des populations concernées. Le phénomène de rurbanisation est déjà observable aujourd'hui en France. Mieux encadré, avec des moyens de transport appropriés, il peut être porté par le développement des métropoles. Ces dernières peuvent bénéficier aux populations rurales en leur offrant des opportunités d'emploi, ou des conditions de vie améliorées. Il ne faut donc pas voir l'urbanisation comme un problème, mais bien comme une solution.
Cette mise en valeur du territoire passe aussi par un plaidoyer pour la « villearchipel » (Jean-Paul Auby). La métropole peut être dense en son centre, mais vivre en harmonie et bon voisinage avec des « îles-villages » qui accueillent des trames vertes composées de terres agricoles et des trames bleues de cours d'eau, et s'approcher ainsi de l'autosuffisance en énergies renouvelables. L'idée est de mettre la campagne dans l'ensemble métropolitain. Le rapport du citoyen à la nature, à l'alimentation, en sera transformé ; l'agriculteur deviendra un citoyen pleinement intégré à l'aire métropolitaine. Il faut pour cela affirmer l'identité « villageoise », comme l'a fait la métropole de Sydney, « A city of Villages ». Le village permet un exceptionnel contrôle social, alors que la grande métropole fragmente, exclut, produit de la ségrégation.
Cette mise en valeur du territoire doit, enfin, passer par une meilleure utilisation des voies de communication naturelles disponibles. Paris, notamment, a tout à gagner en exploitant mieux la Seine et, par extension, son accès à la mer. Toutes les « villes coeur » du passé sont des ports : une ville qui n'est pas un port a du mal à se penser comme un hôtel. Il faut donc donner un port à Paris. Avec 80 % des marchandises mondiales qui transitent aujourd'hui par la mer, ne pas les capter serait se priver de participer pleinement au commerce international.
Impliquer l'ensemble des populations dans le projet de développement métropolitain.
Les métropoles ne seront pas en mesure de lancer les chantiers nécessaires à leur développement et de se rendre durables si elles n'ont pas de vision sur leur développement futur. Elles doivent penser les évolutions démographiques et sociales à venir, ainsi que les défis qui se présenteront à elles. Elles devront notamment intégrer les populations immigrantes ainsi que les populations les plus pauvres dans leur stratégie de développement. Cela représentera une chance inouïe de réinsertion de ces populations souvent marginalisées, qui pourraient bénéficier des nombreuses créations d'emploi à attendre de programmes de formation professionnelle pour des métiers nécessaires au développement urbain. La microfinance constitue une solution innovante et efficace pour ce faire.
Même les zones urbaines les plus pauvres d'une métropole doivent contribuer à son développement. Certaines villes montrent des exemples concrets de réussite, notamment en ce qui concerne les bidonvilles. En Afrique du Sud notamment, les politiques du gouvernement permettent le financement de certaines habitations pour les habitants de bidonvilles via un programme de microcrédit. Ce programme a donné lieu à la création d'un véritable marché du financement pour l'accès au logement des ménages à faible revenu.
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>>> FOCUS 10 milliards d'humains en 2050 !
- 2013 Sur les 7 milliards d'habitants de la Terre, 3,5 milliards sont urbains (50%).
- 2030 8,5 milliards d'humains, dont 5 milliards d'urbains (60%). 2% des terres émergées seront urbanisées ; les 2/3 de ces zones n'existent pas encore aujourd'hui. Les villes d'Asie et d'Afrique abriteront respectivement 2,66 milliards et 748 millions d'urbains.
- 2050 10 milliards d'habitants, dont 7,5 milliards d'urbains (75%).
- En Afrique, entre 2013 et 2030, la croissance de la surface urbaine sera de 590%.
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