Les dirigeants et les managers sont
confrontés à un « nouveau monde » dans lequel le changement est
permanent et la complexité croît (mondialisation, digitalisation,
porosité totale des sphères privées et professionnelles, complexité
des organisations, …). Dans ce nouveau monde, ils doivent continuer à
générer des gains de productivité, innover et délivrer la
performance attendue sous une pression toujours plus forte et avec des
ressources limitées. Autrement dit « faire plus avec moins ».
L’engagement – et son impact reconnu sur
les résultats économiques – est donc plus que jamais nécessaire, de
la part des équipes et avant tout de leurs leaders. Or, nos bases de
données montrent qu’il est de plus en plus difficile de maintenir un
fort niveau d’engagement, en particulier dans des contextes chahutés.
Fort impact de la situation économique sur l’engagement
A titre d’exemple en Europe du Sud et en
France et dans les entreprises en restructuration, les taux d’engagement
ont tendance à nettement baisser. Ceci est en phase avec les études
d’opinions conduites régulièrement. Ainsi en France, seulement 34% des
personnes interrogées se considèrent optimistes sur l’avenir, contre
45% en 2009 (1). Nous observons également que les leviers d’engagement
évoluent : par exemple le poids de la rémunération dans l’engagement a
pratiquement doublé sur les deux dernières années, pouvant atteindre
10 à 15% d’impact. Ceci vient battre en brèche certaines idées
reçues. Alors qu’il était habituel de dire que la rémunération
n’était pas un levier d’engagement mais au mieux un facteur de
désengagement lorsqu’elle n’était pas au niveau du marché, force est
de constater qu’elle remonte aujourd’hui dans la hiérarchisation des
facteurs d’engagement.
L’engagement du middle management est
particulièrement préoccupant. Soumis à une forte pression du top
management pour atteindre des objectifs toujours plus ambitieux et à
une forte pression de leurs équipes qui attendent pêle-mêle de la
clarté, du développement et de l’autonomie, l’encadrement
intermédiaire dans nos enquêtes a un taux d’engagement inférieur à
celui de ses équipes (6,7 sur 10 vs 6,9). Ce taux a baissé depuis 2010
et s’explique par un manque de confiance dans la Direction et la
stratégie, un déficit de solidarité et de coopération, une montée
du stress et le sentiment d’évolutions de carrière insuffisantes.
Certaines priorités doivent donc être
revues pour tenir compte de ces évolutions et nos clients sont nombreux
à reconnaître que les actions mises en œuvre pour entretenir la
motivation et de ce fait maintenir le niveau de performance attendu ne
portent pas toujours leurs fruits. En outre, dans ce contexte
d’incertitude et de complexité accrue, la pression est telle que la
frontière entre l’engagement et le risque de burn out s’atténue. Il ne
suffit donc pas d’être engagé, encore faut-il l’être dans la durée
pour être capable de continuer à délivrer les résultats attendus en
passant non plus la vague, mais les vagues successives, autrement dit
être résilient. Ce concept prend sa source dans les travaux de
psychologues et de neuropsychiatres (Emmy Werner aux USA, Boris Cyrulnik
en France) sur les personnes qui ont traversé des épreuves
extrêmement traumatisantes pendant leur enfance ou leur adolescence et
qui, néanmoins, ont été capables de les dépasser, de survivre et de
conduire des vies « normales ».
A la recherche de la résilience
Nos observations sur les deux dernières
années montrent que les entreprises plus résilientes que les autres se
différencient sur cinq dimensions : une attention particulière
apportée au sens que le travail a pour les collaborateurs, un fort
niveau d’énergie individuelle et collective, une culture collaborative,
une grande dextérité opérationnelle, une attitude positive face au
changement et à l’inattendu.
Donner du sens ne signifie pas forcément
trouver au travail un sens à sa vie. Il ne s’agit pas forcément
d’être passionné par les produits et services de l’entreprise ou de
trouver une connexion directe entre eux et sa raison d’être sur terre,
mais plutôt de la richesse de l’expérience que vous vivez au travail
et de son impact sur votre développement personnel. Autrement dit,
comment le fait de travailler dans une entreprise nous rend- elle
meilleur ?
En ces temps d’incertitude, le niveau
d’énergie fait clairement la différence. La capacité de résister au
stress et à l’adversité, individuellement et en tant qu’équipe,
conduit à la résilience organisationnelle. Les équipes qui savent
qu’elles pourront aller au bout de leurs idées et convictions, qui se
sentent soutenues et évaluées équitablement par leur encadrement sont
mieux armées pour encaisser les chocs.
L’isolement et la solitude sont des
ennemis de la résilience. L’accès à ceux que Cyrulnik appelle des «
tuteurs de résilience » favorise la capacité de résister et de
récupérer plus vite que les autres. Dans l’entreprise c’est la même
chose. La solidarité entre les membres d’une équipe et la confiance
qu’ils se témoignent génèrent de la résilience. Au contraire, les
équipes où les membres n’osent pas se confier leurs difficultés ou
parler de leurs échecs sont plus vulnérables. La coopération, dont
les entreprises manquent si cruellement aujourd’hui, fournit ici une
preuve nouvelle de sa nécessité. La possibilité de disposer d’un
réseau efficace et disponible au-delà de l’équipe naturelle avec
lequel échanger et sur lequel s’appuyer constitue un facteur majeur de
résilience.
Les équipes résilientes démontrent
plus d’imagination et d’agilité que les autres. Ceci s’exprime grâce
à un climat d’écoute et de bienveillance insufflé par le management,
de remise en cause des manières de faire habituelles, de forte
autonomie. La vitesse de réaction et de décision y est également plus
élevée et la culture permet de faire accepter que les managers
prennent des décisions difficiles.
Combien de collaborateurs décident-ils
d’arrêter de proposer des solutions « out of the box » après s’être
fait critiquer par leur manager ou leurs collègues en réunion ?
L’attitude face au changement et à l’inattendu est – avec la
coopération – le sujet qui différencie le plus les équipes
résilientes. Ici, pas de combat d’arrière-garde ou de résistance
passive. Le climat de confiance inspiré par les dirigeants traverse
l’organisation et se retrouve dans une attitude positive face aux
changements et aux difficultés. Les équipes sont stimulées par les
difficultés parce qu’elles savent qu’elles parviendront à les
dépasser ensemble. Les suggestions sont réellement encouragées,
écoutées et prises en compte.
La mesure du niveau de résilience et de
ses facteurs, dans le cadre d’une enquête d’engagement permet
d’identifier quatre populations (cf. tableau joint).
Vers un engagement durable
Les engagés résilients
Ces collaborateurs vont permettre à
l’entreprise de générer la performance attendue dans la durée. En
termes d’action, il convient de s’assurer qu’ils restent engagés et
résilients, de les reconnaître et de s’appuyer sur eux. Leur moral à
toute épreuve et leur approche positive de l’avenir peuvent en effet
avoir un impact favorable sur les autres segments, notamment les
résilients non engagés.
Les résilients non engagés
Ces personnes disposent d’une forte
capacité d’adaptation et d’une bonne résistance au stress. Souvent
anciens dans l’entreprise, ils bénéficient d’un bon réseau et
arrivent à rester en poste à travers vents et marées en s’accrochant.
Néanmoins, ils ne croient pas au projet collectif, ne sont pas prêts
à faire le pas de plus, ménagent leurs efforts et ne vont pas au-delà
de ce qui est attendu d’eux. On ne peut pas s’appuyer sur eux pour
porter des initiatives nouvelles. Il faut travailler sur les leviers
susceptibles de renforcer leur engagement.
Les engagés non résilients
Il s’agit d’une population à risque.
Très investis dans leur travail, reconnus comme de bons performeurs, «
se défonçant » pour l’entreprise, ils/elles ne ménagent pas leur
peine et n’écoutent pas leur corps ni leurs proches. Sachant
difficilement dire non, ils ont tendance à sacrifier leur vie privée
sur s’autel de l’entreprise et subissent la pression et le stress de
plein fouet. Il convient de travailler avec ces candidats potentiels au
burn out pour les aider à développer des réflexes de résilience
individuels et d’équipe (2).
Les non engagés non résilients
De façon cynique on pourrait
s’interroger sur l’énergie à consacrer à cette dernière population,
puisqu’en principe elle devrait déjà avoir quitté l’entreprise.
Refusant de se projeter dans l’avenir de l’entreprise et sur-réagissant
à la pression et au changement, ils ne délivrent pas la performance
attendue et leur manque de résilience a un impact sur leur travail et
sur l’engagement de leurs collègues. Il convient donc d’anticiper et de
s’assurer que les systèmes de reconnaissance et de gestion de la
performance sont efficaces afin de réduire au maximum le nombre de
collaborateurs dans cette catégorie.
En utilisant un questionnaire
d’engagement enrichi des questions sur la résilience et ses principaux
facteurs, les entreprises pourront mesurer les niveaux d’engagement et
leur durabilité. Elles pourront donc mettre en place les actions
spécifiquement dédiées au renforcement de la résilience et, partant,
améliorer le bien-être au travail de ses collaborateurs. En effet, en
donnant aux équipes et aux individus les clefs pour absorber les chocs
et les difficultés professionnelles, et réussir à se remettre en
ordre de marche plus rapidement que les autres, elles prendront soin de
leur capital humain. Elles bénéficieront de ce fait d’une longueur
d’avance sur leurs concurrents, moins aptes à maintenir un engagement
fort dans la durée.
1 Source Enquête Cevipof in Le Monde 14 janvier 2014
2 Des recherches récentes mettent en
évidence que le burn out touche en majorité les collaborateurs – cadres
au premier chef – les plus engagés. Lire à ce propos P. Chabot, Global
burn-out, PUF 2013.
Qualintra SA – http://www.qualintra.com
11, rue du Mont Blanc – 1211 Genève – Suisse
11, rue du Mont Blanc – 1211 Genève – Suisse
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