Il
y a 10 ou 15 ans, le sujet dans les entreprises c'était encore de
"s'adapter au changement", et les consultants se spécialisaient en
"gestion du changement".
En clair, cela consistait à constater "l'accélération du changement" et à s'y adapter en mettant en place des "organisations flexibles", le "lean management", à supprimer les silos dans les organisations, jouer sur la transversalité, et créer l'organisation "boundaryless" (le truc de Jack Welch, à la tête de General Electric, et la grande tendance des livres de management en ...1995). Certains pensent encore être dans ce contexte. Ils se trompent.Tout ça ne suffit plus.
Aujourd'hui, et depuis quelques années maintenant, nous sommes passés à quelque chose de différent : ce qui provoque le changement, ce sont des chocs, des discontinuités, des surprises, des crises, le chaos, bref des trucs plus violents, plus subits, qu'on n'a pas vu venir assez tôt, et provoquent parfois des catastrophes. On ne s'étonne plus de voir disparaître du jour au lendemain des banques, des entreprises, et peut-être bientôt des Etats, des monnaies ( certains nous prédisent la fin de l'euro).
Ces mouvements viloents sont difficiles, voire impossibles, à anticiper.
La question, alors, n'est pas de s'adapter au changement, en croyant que cela consiste à chercher comment trouver une position stable aprés une modification anticipée de l'environnement ou du contexte concurrentiel. Non, cela relève plutôt de notre capacité à la resilience, consistant à s'adapter et à se relever d'un changement, d'une épreuve, aprés un choc. La question de vient alors : comment rendre nos entreprises et managers plus résilients? Comment être résilient et agile ?
Ce qui provoque les chocs, c'est ce que les auteurs appellent l' "environnement contextuel" (ouvrage sur le sujet ICI). Ce sont tous les phénomènes auxquels l'entreprise ne participe pas directement, mais qui ont une influence sur elle : les avancées et ruptures technologiques, le changement dans les conditions économiques et les tendances politiques, les ruptures dans les valeurs sociétales et les comportements. Quand ces évolutions sont lentes ou en petit nombre, l'entreprise y fait face et s'adapte. C'est quand le rythme de ces ruptures commence à dépasser les capacités d'adaptation que l'on va parler d'un phénomène de "turbulence"., voir d' "hyper turbulence". Ce moment de crise, genre une attaque terroriste sur vos usines, plonge alors l'entreprise et ses managers dans un état d'incertitude et de perturbation extrême, auquel elle va devoir répondre par des moyens inhabituels.
Pire, quand ces phénomènes ont tendance à se répéter plus fréquemment, c'est vraiment la pagaille dans les approches classiques de "gestion du changement"; et des approches "spécial turbulence", y compris pour les consultants qui veulent aider, sont alors nécessaires.
John W. Selsky et Joseph E. McCann, deux chercheurs, nous aident à y répondre (voir notamment chapitre 10 de "Business planning for turbulent times").
Quand on parle de discontinuités et de turbulence, on ne parle pas de situations plus classiques tels que des changements dans les opérations ou la compétition.
Les changements dans les opérations correspondent aux variations normales dans la demande, l'offre ou les prix sur un marché donné. Les acteurs y répondent en ajustant, gr^âce à la mobilisation des Départements Commerciaux, Achats, et Ressources Humaines, qui élaborent les plans d'adaptation qui leur semblent nécessaires.
Les changements dans la compétition sont ceux qui bousculent les positions entre les acteurs sur un marché; des avantages disparaissent, d'autres émergent, de nouveaux acteurs se positionnent : on est ici dans le domaine des plans stratégiques des entreprises, qui cherchent les bonnes positions pour réussir.
Non, la turbulence c'est quand on est face à des inconnus qu'on ne connaît pas. Ce sont les surprises, les crises, les catastrophes, provenant de causes et sources diverses :
Le dérèglement d'un système complexe : plus un système d'acteurs est complexe plus il a de chances d'être fragile; on pense à un accident dans la filière nucléaire; une attaque terroriste qui perturbe le secteur du transport aérien, une attaque de virus contre un système informatique,..
Perturbation forte de la compétition par un facteur grave : on pense à des phénomènes de pollution dans la chaîne alimentaire, le chômage de masse dû aux délocalisations, les dérèglements du marché immobilier comme les ont connus les Etats Unis en 2008,..
Perturbations dans toute une industrie : on pense aux fortes ruptures technologiques qui bouleversent les positions,
Perturbations provenant des désastres naturels ou provoqués par l'intervention humaine : tremblements de terre, terrorisme, inondations,
Toutes ces perturbations ne sont pas exclusives; elles peuvent survenir simultanément. Elles provoquent à coup sûr ce que les chercheurs appellent des "discontinuities"..
Ce qui fera la différence entre les entreprises lors de ces perturbations, c'est précisément la capacité d'adaptation et l'agilité des entreprises.
L'erreur consisterait à croire que ce dont on a besoin, c'est précisément d' "adapter l'organisation", au sens de la modifier, de mettre en place les structures et procédures qui nous protégerons et ramèneront le calme et la stabilité.
Non, justement, s'adapter à la turbulence, c'est les accepter; c'est vivre avec l'état d'esprit que les perturbations et les catastrophes vont arriver, et qu'il faut juste se préparer à les affronter et à les surmonter.
Pour cela, la qualité qui va être clé, c'est la capacité d'improvisation, d'imaginer les situations. C'est précisément l'objet des démarches de "scenario planning" dont j'ai déjà parlé.Cette capacité à avoir confiance en l'incertain, et non à en avoir peur au point de constamment vouloir tout contrôler.
En construisant ensemble les scenarios du futur auxquels on veut se préparer les managers et dirigeants vont découvrir ou renforcer une qualité essentielle et différenciante : la capacité de collaboration.
Ainsi, en imaginant une catastrophe écologique, ils vont peut-être (sûrement ?) imaginer des moyens de prévention, de protection; contre les attaques terroristes, ils vont rechercher comment s'impliquer dans la lutte menée par les Etats; face aux scénarios qui font exploser les infrastructures, ils vont rechercher les moyens de les rendre plus solides, etc... Tout ça va faire émerger de nouvelles compétences, de nouveaux domaines de veille, et faire prendre conscience du besoin de se doter de nouveaux talents, de nouvelles compétences. Cela va plus loin qu'une analyse qui se limiterait à un "risk management"; non, les scenarios permettent aussi d'imaginer les réponses, la résilience, pendant et aprés les perturbations et catastrophes et surprises (car il faut aussi se préparer aux bonnes surprises, pour éviter
Avec cette habitude de collaborer, en imaginant les scenarios de turbulence, l'entreprise repousse les limites entre le monde qu'elle maîtrise (celui des opérations, des décisions internes) pour s'engager dans le monde de l'incertain, avec de nouvelles approches, de nouvelles discussions stratégiques entre ses collaborateurs, et avec ses partenaires, y compris les consultants (à condition d'avoir mis à l'écart ceux qui veulent vendre des certitudes).
Ainsi, la turbulence devient un moteur qui nous pousse. Pour cela, il faut cesser de voir les perturbations comme une déviation par rapport à une normale que l'on veut retrouver, mais comme la situation normale de la vie d'aujourd'hui dans les organisations.
Prêts ?
En clair, cela consistait à constater "l'accélération du changement" et à s'y adapter en mettant en place des "organisations flexibles", le "lean management", à supprimer les silos dans les organisations, jouer sur la transversalité, et créer l'organisation "boundaryless" (le truc de Jack Welch, à la tête de General Electric, et la grande tendance des livres de management en ...1995). Certains pensent encore être dans ce contexte. Ils se trompent.Tout ça ne suffit plus.
Aujourd'hui, et depuis quelques années maintenant, nous sommes passés à quelque chose de différent : ce qui provoque le changement, ce sont des chocs, des discontinuités, des surprises, des crises, le chaos, bref des trucs plus violents, plus subits, qu'on n'a pas vu venir assez tôt, et provoquent parfois des catastrophes. On ne s'étonne plus de voir disparaître du jour au lendemain des banques, des entreprises, et peut-être bientôt des Etats, des monnaies ( certains nous prédisent la fin de l'euro).
Ces mouvements viloents sont difficiles, voire impossibles, à anticiper.
La question, alors, n'est pas de s'adapter au changement, en croyant que cela consiste à chercher comment trouver une position stable aprés une modification anticipée de l'environnement ou du contexte concurrentiel. Non, cela relève plutôt de notre capacité à la resilience, consistant à s'adapter et à se relever d'un changement, d'une épreuve, aprés un choc. La question de vient alors : comment rendre nos entreprises et managers plus résilients? Comment être résilient et agile ?
Ce qui provoque les chocs, c'est ce que les auteurs appellent l' "environnement contextuel" (ouvrage sur le sujet ICI). Ce sont tous les phénomènes auxquels l'entreprise ne participe pas directement, mais qui ont une influence sur elle : les avancées et ruptures technologiques, le changement dans les conditions économiques et les tendances politiques, les ruptures dans les valeurs sociétales et les comportements. Quand ces évolutions sont lentes ou en petit nombre, l'entreprise y fait face et s'adapte. C'est quand le rythme de ces ruptures commence à dépasser les capacités d'adaptation que l'on va parler d'un phénomène de "turbulence"., voir d' "hyper turbulence". Ce moment de crise, genre une attaque terroriste sur vos usines, plonge alors l'entreprise et ses managers dans un état d'incertitude et de perturbation extrême, auquel elle va devoir répondre par des moyens inhabituels.
Pire, quand ces phénomènes ont tendance à se répéter plus fréquemment, c'est vraiment la pagaille dans les approches classiques de "gestion du changement"; et des approches "spécial turbulence", y compris pour les consultants qui veulent aider, sont alors nécessaires.
John W. Selsky et Joseph E. McCann, deux chercheurs, nous aident à y répondre (voir notamment chapitre 10 de "Business planning for turbulent times").
Quand on parle de discontinuités et de turbulence, on ne parle pas de situations plus classiques tels que des changements dans les opérations ou la compétition.
Les changements dans les opérations correspondent aux variations normales dans la demande, l'offre ou les prix sur un marché donné. Les acteurs y répondent en ajustant, gr^âce à la mobilisation des Départements Commerciaux, Achats, et Ressources Humaines, qui élaborent les plans d'adaptation qui leur semblent nécessaires.
Les changements dans la compétition sont ceux qui bousculent les positions entre les acteurs sur un marché; des avantages disparaissent, d'autres émergent, de nouveaux acteurs se positionnent : on est ici dans le domaine des plans stratégiques des entreprises, qui cherchent les bonnes positions pour réussir.
Non, la turbulence c'est quand on est face à des inconnus qu'on ne connaît pas. Ce sont les surprises, les crises, les catastrophes, provenant de causes et sources diverses :
Le dérèglement d'un système complexe : plus un système d'acteurs est complexe plus il a de chances d'être fragile; on pense à un accident dans la filière nucléaire; une attaque terroriste qui perturbe le secteur du transport aérien, une attaque de virus contre un système informatique,..
Perturbation forte de la compétition par un facteur grave : on pense à des phénomènes de pollution dans la chaîne alimentaire, le chômage de masse dû aux délocalisations, les dérèglements du marché immobilier comme les ont connus les Etats Unis en 2008,..
Perturbations dans toute une industrie : on pense aux fortes ruptures technologiques qui bouleversent les positions,
Perturbations provenant des désastres naturels ou provoqués par l'intervention humaine : tremblements de terre, terrorisme, inondations,
Toutes ces perturbations ne sont pas exclusives; elles peuvent survenir simultanément. Elles provoquent à coup sûr ce que les chercheurs appellent des "discontinuities"..
Ce qui fera la différence entre les entreprises lors de ces perturbations, c'est précisément la capacité d'adaptation et l'agilité des entreprises.
L'erreur consisterait à croire que ce dont on a besoin, c'est précisément d' "adapter l'organisation", au sens de la modifier, de mettre en place les structures et procédures qui nous protégerons et ramèneront le calme et la stabilité.
Non, justement, s'adapter à la turbulence, c'est les accepter; c'est vivre avec l'état d'esprit que les perturbations et les catastrophes vont arriver, et qu'il faut juste se préparer à les affronter et à les surmonter.
Pour cela, la qualité qui va être clé, c'est la capacité d'improvisation, d'imaginer les situations. C'est précisément l'objet des démarches de "scenario planning" dont j'ai déjà parlé.Cette capacité à avoir confiance en l'incertain, et non à en avoir peur au point de constamment vouloir tout contrôler.
En construisant ensemble les scenarios du futur auxquels on veut se préparer les managers et dirigeants vont découvrir ou renforcer une qualité essentielle et différenciante : la capacité de collaboration.
Ainsi, en imaginant une catastrophe écologique, ils vont peut-être (sûrement ?) imaginer des moyens de prévention, de protection; contre les attaques terroristes, ils vont rechercher comment s'impliquer dans la lutte menée par les Etats; face aux scénarios qui font exploser les infrastructures, ils vont rechercher les moyens de les rendre plus solides, etc... Tout ça va faire émerger de nouvelles compétences, de nouveaux domaines de veille, et faire prendre conscience du besoin de se doter de nouveaux talents, de nouvelles compétences. Cela va plus loin qu'une analyse qui se limiterait à un "risk management"; non, les scenarios permettent aussi d'imaginer les réponses, la résilience, pendant et aprés les perturbations et catastrophes et surprises (car il faut aussi se préparer aux bonnes surprises, pour éviter
Avec cette habitude de collaborer, en imaginant les scenarios de turbulence, l'entreprise repousse les limites entre le monde qu'elle maîtrise (celui des opérations, des décisions internes) pour s'engager dans le monde de l'incertain, avec de nouvelles approches, de nouvelles discussions stratégiques entre ses collaborateurs, et avec ses partenaires, y compris les consultants (à condition d'avoir mis à l'écart ceux qui veulent vendre des certitudes).
Ainsi, la turbulence devient un moteur qui nous pousse. Pour cela, il faut cesser de voir les perturbations comme une déviation par rapport à une normale que l'on veut retrouver, mais comme la situation normale de la vie d'aujourd'hui dans les organisations.
Prêts ?
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