lundi 2 avril 2012

L'affaire Merah, révélateur des carences de notre démocratie

Dans un pays à la démocratie plus exigeante que la nôtre, les parlementaires auraient pu faire une évaluation des lois et des actions pour apprendre des tragiques tueries de Toulouse et Montauban.

Three wise monkeys / Anderson Mancini via FlickrC License by

- Three wise monkeys / Anderson Mancini via FlickrC License by -

Le gouvernement a refusé aux sénateurs l’audition des directeurs de la DCRI et de la DGSE après l’affaire Merah. Il existe au Sénat une commission de contrôle de l’exécution des lois. Ce sont ces représentants de la majorité sénatoriale socialiste qui ont voulu auditionner les responsables des services de renseignements.

Mais cette commission ne pouvait pas demander des comptes sur les opérations du Raid qui ont abouti au siège de l’appartement de Mohamed Merah. Ce n’était pas dans ses attributions.

Les sénateurs ne pouvaient pas non plus revenir avec leurs interlocuteurs sur les dysfonctionnements qui ont abouti à ce que Merah ait pu perpétrer ses crimes alors qu’il était censé être sous surveillance.

Il ne s’agissait pas plus d’obtenir quelque éclaircissement sur ce qu’affirmait l’ancien patron de la DST, Yves Bonnet, à savoir que le terroriste aurait été en contact avec les services de renseignements français et même, un temps, sous leur contrôle.

On empile, on empile...

Dans d’autres pays à la démocratie plus exigeante, ces questions essentielles auraient été posées par des parlementaires aux chefs des services de renseignements. En France non.

Que cherchaient donc les sénateurs de la commission d’évaluation de l’application des lois? A aborder quand même ces sujets par la bande en passant par ce qui est dans leurs attributions: l’évaluation de l’application des lois –en l’occurrence sur le terrorisme– déjà votées par le passé.

A la suite du drame de Toulouse, Nicolas Sarkozy a annoncé toute une série de nouvelles lois. Avant de déclencher la machine législative pour empiler des lois sur des lois, ce n’est pas une mauvaise idée de vérifier si la législation existante est efficace ou si c’est son application, les moyens qui sont alloués à ceux qui doivent la mettre en œuvre, qui font défaut.

Par exemple, on peut être condamné jusqu’à cinq ans de prison pour apologie du terrorisme. Le président veut que les peines soient plus lourdes… Est-ce que c’est le sujet?

La législation sur la surveillance d’Internet est déjà bien fournie, le chef de l’Etat veut la renforcer… Est-elle en cause dans ce qui s’est passé?

La question est de savoir si, là encore, l’annonce d’une loi a pour but d’améliorer le droit ou simplement de faire de la communication. La loi est-elle un élément de campagne?

Pour répondre à ces questions, il aurait plutôt fallu que les sénateurs demandent à voir des politiques, les ministres concernés, pas des fonctionnaires; bref, il aurait fallu qu’existe un vrai débat parlementaire.

Ce cafouillage sénatorial, doublé d’une opacité de l’exécutif, souligne, s’il en était besoin, la carence du contrôle parlementaire en général et du contrôle de l’action des services de renseignements en particulier.

Il existe bien une délégation permanente de huit parlementaires assujettis au secret défense et qui peut auditionner les patrons du renseignement. Mais son pouvoir est nul et elle ne peut rien rendre public. Surtout, il y a très peu de parlementaires aguerris aux questions liées au renseignement. Peu de pouvoir, donc peu de compétences… ça va généralement ensemble. Voilà une manifestation de plus de la supériorité oppressante de l’exécutif sur le législatif en France.

Thomas Legrand

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