Publié le 31 octobre 2008 par Levidepoches
Personne ne doute que quelque chose a
basculé à l’échelle du monde, donc de l’homme, hormis ceux qui pensent
que l’on peut réparer ça et revenir comme avant.
Seulement il s’agit là d’un symptôme,
d’un effondrement, comme il en arrive avec la tectonique des plaques où
des tensions profondes suscitent de tels tremblements de terre. Ces
tensions étaient déjà là, ce sont celles qui accompagnent la mutation
de civilisation engagée à la fin du 20ème siècle.
La prospective humaine montre comment
le franchissement d’un nouveau seuil de civilisation, comme une
nouvelle « Renaissance », se traduit par une crise des représentations
et des modèles que l’on croyait opérants et par une crise de Sens qui,
elle, nous met en face de nouvelles responsabilités et de nouvelles
exigences assorties d’une nouvelle conscience.
Les travaux de l’Humanisme
Méthodologique (Université de prospective humaine) apportent là des
moyens de discernement et d’action appropriés tant pour comprendre ces
crises que pour les dépasser.
La crise financière par exemple marque trois basculements qui peuvent servir de repères.
Premier repère : sortir de la dissociation entre la valeur et les valeurs.
On voit bien que la valeur résultant
d’un fonctionnement calculé (mathématiques boursières, spéculations,
gestion opportuniste, comptabilités) et les valeurs, humaines,
éthiques, sociales... se sont trouvées dissociées(*) avec la caution
« scientifique » des économistes et gestionnaires. Or le bien lié à
l’enrichissement matériel n’échappe pas au jugement de valeur qui guide
et justifie l’action humaine, le bien de l’homme.
Pour résoudre ce problème devenu criant
dans la conscience collective à cette occasion, il a fallu repenser la
notion de valeurs. Loin des idéalités universelles ou des intérêts très
particuliers la notion de valeurs est attachée à la notion de bien
commun donc de communauté humaine.
Les valeurs valent pour le devenir
d’une communauté humaine, pas pour sa conformité à quelque idéalité ni
pour un intérêt particulier communautaire (comme dans les comportements
corporatistes par exemple).
En fait les valeurs propres d’une
communauté expriment de façon circonstanciées le « Sens du bien
commun ». Il résulte du fait que les communautés humaines sont, au
fond, des communautés de Sens qui ont besoin de repères pour cultiver
le Sens du bien commun parmi d’autres qui ne le sont pas. C’est
d’ailleurs une des acceptions de la notion de culture, active : la
façon de poursuivre (cultiver) le Sens du bien commun d’une communauté
de Sens (d’enjeu et de devenir).
Les valeurs (propres) sont des indicateurs (circonstanciés) du Sens du bien commun d’une communauté de Sens.
Le Sens du bien commun vise toujours la
réalisation de biens communs, enjeux et richesses, mais aussi d’un
progrès d’humanité dont la conscience collective, la compétence
collective, l’autonomie collective (empowerment) sont des critères
ainsi que les services apportés aux membres de la communauté ou même à
d’autres communautés.
Les valeurs constituent pour la
communauté des indicateurs du Sens du bien commun qui s’incarnent dans
les biens communs et services qui traduisent le potentiel propre de la
communauté humaine en question.
Notons qu’il s’agit de communautés sociales, politiques, économiques,
d’entreprises comme de pays ou communes, de sociétés ou d’associations
et toutes les formes classiques ou nouvelles de communautés d’enjeu et
de devenir.
Alors « la valeur » est très simplement la mesure de la contribution d’un acte, d’une production, d’un service à un bien commun
de la communauté où elle se mesure (marché aussi bien). Les valeurs
vont servir à construire les échelles de valeurs où la valeur sera
mesurée.
Voilà le lien restauré.
Du coup la performance de l’action ou
ses résultats n’ont de valeur qu’en fonction des valeurs propres d’une
communauté d’enjeu. On parlera ainsi de socio-performance pour
qualifier, évaluer et mesurer la valeur en fonction des valeurs d’une
communauté de référence, communauté d’enjeu, communauté de Sens,
communauté culturelle, communauté de développement.
Deuxième repère : la fin de la domination de l’individualisme radical.
Une des expressions de cet
individualisme radical est celle qui considère que l’intérêt général ne
peut résulter que de la coalition des intérêts individuels. Qui ne voit
la formidable exonération de conscience par rapport au bien commun.
Résultante mécanique ou main invisible ?
La caricature du libéralisme économique
justifiant tout ce qui satisfait quelqu’intérêt, indépendant du bien
commun, préfère forcément qu’à la communauté se substitue une forme
d’universalité.
L’individualisme radical est aussi par
essence spéculatif. Il rompt le lien de valeur entre l’investissement
et le gain. Miser moins pour gagner plus c’est s’investir moins pour
obtenir plus. La spéculation n’est pas que le fait de spéculateurs
boursiers mais de tous ceux, égo-centrés, qui essaient de s’économiser
tout en prenant sur les autres. Mentalité parasitaire d’une société de
consommation...
Qui ne voit que la liberté est
dorénavant associée à l’investissement personnel dans les enjeux
communs. Mais n’est ce pas un autre Sens de la notion
d’investissement ? L’investissement industrieux et l’investissement
spéculatif sont de Sens opposé. La crise bancaire le démontre malgré
les tentatives de confusion de bien des experts.
En fait le principe du concours des
intérêts particuliers à l’intérêt général ne vaut que si au préalable
les intérêts particuliers sont référés au Sens du bien commun, aux
biens communs, aux valeurs propres d’une communauté donnée dont les
échelles de valeurs permettent de mesurer la valeur des contributions.
Au fait qu’est ce que l’individualisme
radical ? C’est une conception de l’individu, cause et juge de lui-même
et dont le collectif n’est au mieux qu’un espace d’échanges.
Là les tenants du collectivisme radical
qui suspectent toute initiative individuelle, toute différence et toute
altérité de prédation vis-à-vis de l’intérêt général se réjouïssent.
Ils ont tort. Le collectivisme radical est mort avec la chute
symbolique du mur de Berlin. L’individualisme radical est mort
symboliquement avec l’effondrement boursier et celui de la logique
spéculative.
Bien sûr ils font toujours partie l’un
et l’autre de la nature humaine et ses Sens correspondants. Ils sont
morts historiquement de leur succès, révélateur de leur mensonge sur
l’homme et les réalités humaines et de leurs complicités antagonistes.
Du moins nous avons assisté au début de la fin.
L’Etat ou le marché ? C’est de l’histoire ancienne. La réponse c’est la communauté. Etat et marché y sont subordonnés...
Le temps des communautés de Sens
orientées vers la culture des libertés responsable peut maintenant se
déployer. Seulement c’est toute la connaissance de l’homme et des
phénomènes humains, toute une compréhension de l’action humaine,
personnelle et communautaire, et la réorientation des affaires humaines
qui et en jeu. Un immense chantier s’ouvre maintenant dont il ne faut
pas sous-estimer la charge, la complexité et la nouveauté radicale.
Troisième repère : de l’économie systémique à l’économie communautaire.
Le système a failli. Les lois de
l’équilibre n’ont pas joué au grand désarroi des experts dont les
certitudes ont été ébranlées malgré les tentatives de rationalisation à
postériori ou les « je vous l’avais bien dit ».
En fait ce qui commence à se révéler
c’est que le système n’est la cause de rien, pas plus qu’il n’a de lois
agissantes. Le système n’est qu’une représentation de l’esprit humain
et seul l’homme agit et nulle part ailleurs qu’au sein de communautés
humaines, seuls lieux des questions de valeurs.
Il ne s’agit que de phénomènes humains
avec des bouffées émotionnelles ou des motivations diverses. C’est ce
que défend aussi Georges Soros. La pensée mécaniste avec son avatar
sytémique l’a révélé à « l’échelle du monde ». Elle a masqué cette
réalité. Il n’y a d’économie que communautaire.
Cela veut dire que les valeurs
économiques, les biens et services ne doivent être référés qu’au Sens
du bien commun d’une communauté donnée, d’une communauté de référence.
L’économie est culturelle, dans ses
valeurs, on l’a vu, mais aussi dans ses enjeux, ses pratiques, ses
organisations et même ses règles.
On voit bien que les valeurs et
comportements économiques et leurs enjeux ne sont pas les mêmes selon
les pays, selon les cultures, territorialisées ou non.
De même il faut considérer trois types
de communautés économiques. Les communautés économiques de proximité
dans le champ des relations et des échange directs. Les communautés
économiques de marché de différentes tailles, avec des médiations
indirectes. La communauté monde, lieu d’échanges intercommunautaires
des marchés.
Prétendre imposer les règles de
l’économie monde sans que les valeurs de son bien commun et son Sens
soient clairement explicitées est destructeur de même qu’imposer
l’économie de marché aux économies de proximité obère l’autonomie et le
développement micro-local.
Servir ou se servir du système
économique universel fictif doit laisser la place à l’implication dans
les économies communautaires. Evidemment il y a une nouvelle complexité
à assumer, c’est celle des communautés de communautés à toutes les
échelles.
L’ingénierie de l’Humanisme Méthodologique dispose des moyens conceptuels et méthodologiques de l’entreprendre.
(*) Certains ont utilisé une
interprétation discutable de la parole évangélique (rendez à César ce
qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu) En effet les mettre sur le
même plan revient à séparer des domaines de même ordre, d’un côté la
valeur de l’autre les valeurs plutôt que les hiérarchiser. Ainsi la
valeur n’est mesurable qu’avec une échelle de valeurs...
Voir notamment
Le renversement économique http://journal.coherences.com/article59.html
L’erreur économique http://journal.coherences.com/article351.html
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