Focus
Louis Gallois, père du rapport sur la compétitivité de l’industrie
française et ancien directeur général d’EADS était l’invité vendredi
dernier de l’Observatoire des cadres de la CFDT pour un débat sur la
compétitivité.
Lorsque
Louis Gallois, commissaire général à l’investissement et ancien
Président-directeur général d’EADS, s’est penché à la demande du
gouvernement sur les actions à mettre en œuvre pour restaurer la
compétitivité de l’industrie
française, il est parti d’un constat sévère. L’un des problèmes de
notre économie est « qu’elle s’est engouffré dans le piège des prix. Les
pays développés qui réussissent, ne réussissent pas parce que le prix
de leurs produits sont compétitif mais parce qu’ils se sont mis sur des
niches, ils se sont distingués ». Il suffit de prendre pour exemple la
marque Mercedes en Allemagne. Ces berlines ne se vendent pas parce
qu’elles ne sont pas chers, loin de là. « La France, elle, peine à se
distinguer, poursuit Louis Gallois. Du coup, elle est très sensible aux
prix. Le pays s’aligne sur des prix qu’elle ne contrôle pas. Les
entreprises voient alors leurs marges et leur capacité d’autofinancement
baisser. Pour financer des projets, elles doivent alors se tourner vers
l’extérieur : les banques ou les actionnaires ». En
temps de crise, les banques sont plus chiches. Quant aux actionnaires,
bien souvent, ils entendent un retour sur investissement rapide. Bref,
tel est le cercle vicieux dans lequel se sont engouffrées les
entreprises françaises.
Restaurer la confiance
Pire,
à cette mauvaise approche du problème, s’ajoute un autre mal français :
le « déclinisme » ou « pessimisme ambiant ». C’est le fameux « on tombe
au fond du trou et on n’en sortira pas ». Louis Gallois s’inquiète
ainsi beaucoup plus des jeunes déménageant à l’étranger pour trouver un
job, que les grands patrons s’exilant pour raisons fiscales. Il est
effaré de certaines interventions de dirigeants dans les médias d’un
pessimisme à faire peur, et poussant ainsi les jeunes à tenter leurs
chances ailleurs. « Pour restaurer la compétitivité, il faut restaurer
la confiance », analyse-t-il. Bref, ce sont tout un ensemble de
pratiques, d’approches qu’il faut repenser. La tâche est vaste. Cela va
prendre au bas mot une décennie, juge ainsi le père du rapport sur la
compétitivité de l’industrie française.
Exploiter les compétences
La
France a des atouts qu’elle exploite peu. « Il y a beaucoup de gâchis
dans les entreprises. Beaucoup de talents et de compétences sont
sous-utilisées, observe Jean-Paul Bouchet. Saviez-vous que 30 % de
l’activité du manager est consacré au reporting.
Nous avons aussi de très bons ingénieurs généralistes formés dans
d’excellents établissements qui une fois arrivés dans la vie active
n’exercent leurs talents que sur un périmètre d’activité extrêmement
réduit. Résultat, les salariés se désinvestissent. Ils ne se
reconnaissent pas dans la finalité et n’aiment pas ce qu’ils font. Il
est nécessaire de remettre l’activité et les compétences au cœur des
métiers. Cela nécessite de restaurer un dialogue de proximité. »
Autrement dit redonner à chacun la plénitude de son rôle, une latitude
forte, et une légitimité pour agir.
Restaurer le dialogue
Les
managers de proximité ne doivent plus être pris en étau entre les
consignes de la direction et les plaintes des salariés. Bref, il faut
une meilleure communication
et l’instauration au sein de l’entreprise d’un véritable débat. Une
étude de McKinsey démontre que, si les entreprises prennent de mauvaises
décisions, c’est justement car elles sont incapables d’organiser des
débats contradictoires. Comme dans une Cour, personne n’ose contredire
les réflexions du prince même si elles mènent droit dans le mur. En
d’autres termes : savoir mieux exploiter l’intelligence collective.
Louis
Gallois insiste également sur la nécessité de penser l’activité sur le
long terme. « Il faudrait aligner le variable des cadres dirigeants sur
le long terme, sur la performance collective, et pas uniquement sur la
performance financière comme c’est le cas aujourd’hui, conduisant à une
vision court-termiste de l’activité ».
Investir
sur le long-terme, instaurer un dialogue, créer une communauté dans
laquelle chacun des acteurs se sentent engagés. Pas vraiment étonnant
que ce travail de longue haleine prenne au bas mot une décennie. Toutes
les bases sont à repenser.
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