mercredi 24 avril 2013

Les solutions de Louis Gallois (et de la CFDT) pour restaurer la compétitivité

Focus  Louis Gallois, père du rapport sur la compétitivité de l’industrie française et ancien directeur général d’EADS était l’invité vendredi dernier de l’Observatoire des cadres de la CFDT pour un débat sur la compétitivité. 

« La ‘compétitivité’ n’est pas un gros mot. Mais je comprends que le terme puisse faire peur car il est souvent interprété uniquement sous l’angle réducteur du coût du travail », a déclaré vendredi dernier lors des rencontres de l’Observatoire des cadres de la CFDT, Jean-Paul Bouchet, secrétaire général de la CFDT Cadres. Si ce n’était que cela, ce serait en effet plus simple et plus rapide de restaurer la compétitivité en France. Il suffirait, comme le font ou l’ont déjà fait, certaines entreprises comme Renault, Doux, de faire travailler plus les salariés pour moins. Bref d’aligner les coûts de la main-d’œuvre à ceux pratiqués en Espagne, en Europe orientale voire sur les pays d’Asie. Le pouvoir d’achat des salariés en prendrait certes un coup mais ce serait la rançon à payer pour garder les emplois et entreprises en France.

Le piège des prix
Lorsque Louis Gallois, commissaire général à l’investissement et ancien Président-directeur général d’EADS, s’est penché à la demande du gouvernement sur les actions à mettre en œuvre pour restaurer la compétitivité de l’industrie française, il est parti d’un constat sévère. L’un des problèmes de notre économie est « qu’elle s’est engouffré dans le piège des prix. Les pays développés qui réussissent, ne réussissent pas parce que le prix de leurs produits sont compétitif mais parce qu’ils se sont mis sur des niches, ils se sont distingués ». Il suffit de prendre pour exemple la marque Mercedes en Allemagne. Ces berlines ne se vendent pas parce qu’elles ne sont pas chers, loin de là. « La France, elle, peine à se distinguer, poursuit Louis Gallois. Du coup, elle est très sensible aux prix. Le pays s’aligne sur des prix qu’elle ne contrôle pas. Les entreprises voient alors leurs marges et leur capacité d’autofinancement baisser. Pour financer des projets, elles doivent alors se tourner vers l’extérieur : les banques ou les actionnaires ».  En temps de crise, les banques sont plus chiches. Quant aux actionnaires, bien souvent, ils entendent un retour sur investissement rapide. Bref, tel est le cercle vicieux dans lequel se sont engouffrées les entreprises françaises.

Restaurer la confiance
Pire, à cette mauvaise approche du problème, s’ajoute un autre mal français : le « déclinisme » ou « pessimisme ambiant ». C’est le fameux « on tombe au fond du trou et on n’en sortira pas ». Louis Gallois s’inquiète ainsi beaucoup plus des jeunes déménageant à l’étranger pour trouver un job, que les grands patrons s’exilant pour raisons fiscales. Il est effaré de certaines interventions de dirigeants dans les médias d’un pessimisme à faire peur, et poussant ainsi les jeunes à tenter leurs chances ailleurs. « Pour restaurer la compétitivité, il faut restaurer la confiance », analyse-t-il. Bref, ce sont tout un ensemble de pratiques, d’approches qu’il faut repenser. La tâche est vaste. Cela va prendre au bas mot une décennie, juge ainsi le père du rapport sur la compétitivité de l’industrie française.

Exploiter les compétences
La France a des atouts qu’elle exploite peu. « Il y a beaucoup de gâchis dans les entreprises. Beaucoup de talents et de compétences sont sous-utilisées, observe Jean-Paul Bouchet. Saviez-vous que 30 % de l’activité du manager est consacré  au reporting. Nous avons aussi de très bons ingénieurs généralistes formés dans d’excellents établissements qui une fois arrivés dans la vie active n’exercent leurs talents que sur un périmètre d’activité extrêmement réduit. Résultat, les salariés se désinvestissent. Ils ne se reconnaissent pas dans la finalité et n’aiment pas ce qu’ils font. Il est nécessaire de remettre l’activité et les compétences au cœur des métiers. Cela nécessite de restaurer un dialogue de proximité. » Autrement dit redonner à chacun la plénitude de son rôle, une latitude forte, et une légitimité pour agir.

Restaurer le dialogue
Les managers de proximité ne doivent plus être pris en étau entre les consignes de la direction et les plaintes des salariés. Bref, il faut une meilleure communication et l’instauration au sein de l’entreprise d’un véritable débat. Une étude de McKinsey démontre que, si les entreprises prennent de mauvaises décisions, c’est justement car elles sont incapables d’organiser des débats contradictoires. Comme dans une Cour, personne n’ose contredire les réflexions du prince même si elles mènent droit dans le mur. En d’autres termes : savoir mieux exploiter l’intelligence collective. 

Louis Gallois insiste également sur la nécessité de penser l’activité sur le long terme. « Il faudrait aligner le variable des cadres dirigeants sur le long terme, sur la performance collective, et pas uniquement sur la performance financière comme c’est le cas aujourd’hui, conduisant à une vision court-termiste de l’activité ».
Investir sur le long-terme, instaurer un dialogue, créer une communauté dans laquelle chacun des acteurs se sentent engagés. Pas vraiment étonnant que ce travail de longue haleine prenne au bas mot une décennie. Toutes les bases sont à repenser. 

Lucile Chevalier

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