Sociétés
et individus passent par les mêmes stades de maturation. C’est la
théorie de la Spirale dynamique, une façon de figurer l’évolution de la
conscience, personnelle ou collective.
Tous les individus passent par les mêmes étapes, mais pas à la même vitesse.
Comprendre ce décalage permet de trouver une certaine harmonie, en soi mais aussi avec le monde.
Ouverte aux autres et adaptable, la nouvelle génération semble partie pour être jaune.
Comprendre ce décalage permet de trouver une certaine harmonie, en soi mais aussi avec le monde.
Ouverte aux autres et adaptable, la nouvelle génération semble partie pour être jaune.
Inventée
dans les années 1960 par le psychosociologue américain Clare W. Graves,
elle a été popularisée trente ans plus tard par son élève Don Beck,
autant en psychothérapie que dans le management ou la diplomatie. Elle
découpe l’évolution de la conscience en stades successifs, symbolisés
par des couleurs et représentant les étapes par lesquelles tout le monde
passe nécessairement. Le nourrisson est entièrement mû par ses pulsions
vitales – comme les hordes primitives. Le petit enfant découvre la
magie du monde – comme les tribus chamaniques. Il affirme ensuite son
ego avec agressivité – comme les royaumes guerriers. Puis viennent l’âge
de raison et le besoin d’ordre – qui correspondent à l’âge des Etats et
des grandes religions. Etc.
Bien des problèmes, personnels ou collectifs, viennent de ce que les
humains n’en sont pas aux mêmes stades et qu’il est impossible de brûler
les étapes. Le comprendre permet d’aider des personnes ou des
collectivités de « couleurs » différentes à communiquer malgré tout, en
évitant d’innombrables malentendus. Ainsi, comment faire dialoguer une
collectivité « bleue » (par exemple une théocratie ou un Etat
communiste) et une collectivité « orange » (une multinationale ou une
ligue de marchands) ? Le modèle de Graves et Beck montre que cette
question bute sur des obstacles comparables à ceux que connaîtrait un
enfant de 8 ans, campé sur son besoin d’ordre et obligé de négocier avec
un adolescent de 18 ans, affirmant sa créativité et son indépendance.
Mais cet arc-en-ciel se retrouve aussi à l’intérieur de chacun de nous.
Car les stades successifs de l’évolution ne s’éliminent pas, ils
s’empilent. De même que vous avez un cerveau reptilien, siège de vos
pulsions vitales, qu’il s’agit de faire collaborer avec un cerveau
limbique, siège de vos émotions, et un néocortex, siège de votre raison,
les couleurs de la spirale coexistent en vous. Et pas toujours de façon
harmonieuse ! Le reconnaître représente un grand pas vers la
pacification.
Le jaune, pour sortir de l’impasse
Cognitiviste travaillant sur l’intelligence collective à l’université
de Montpellier, Jacques Ferber enseigne la Spirale dynamique à ses
étudiants. « Les lecteurs d’un magazine comme CLES, dit-il, ont des
chances d’être orange (parce qu’entrepreneurs ou en quête de leur moi)
ou verts (soucieux de l’intérêt collectif). L’individu orange prend des
décisions individualistes et intéressées, alors que son congénère vert
aime le partage et les assemblées où l’on débat de tout… Mais gare aux
confusions : les écolos de Greenpeace, par exemple, fonctionnent surtout
avec l’énergie rouge des guerriers, alors qu’un business coopératif
marche à l’énergie verte.
Dans les pays développés, on voit s’affronter aujourd’hui trois
couleurs : des bleus (étatistes et nationalistes), des orange (libéraux
et businessmen) et des verts (sociaux-démocrates et écologistes). Trois
logiques incompatibles. Pour sortir de l’impasse, l’humanité doit passer
à une nouvelle couleur, le jaune. L’individu jaune comprend que, dans
un monde complexe, chaque couleur a son rôle à jouer. Surfant sur les
réseaux, c’est un “intégrateur” fluide qui se sent à l’aise partout :
chez les chamanes aussi bien que dans un laboratoire de recherche, dans une
synagogue, une mosquée ou une église autant qu’avec des libres
penseurs, en ville comme en pleine nature, etc. Les Américains disent
que c’est “l’alliance de l’iPhone et du bambou”. »
Le jaune peut intégrer :
Le jaune peut intégrer :
• Le beige, en reconnaissant les besoins vitaux de tout humain ;
• Le violet, en s’ouvrant au réenchantement du monde ;
• Le rouge, en canalisant l’esprit guerrier à la façon du judoka ;
• Le bleu, en admettant la nécessité d’un cadre organisationnel et éthique ;
• L’orange, en stimulant toutes les créativités et entreprises ;
• Le vert, en liant l’intelligence collective à la solidarité.
Un outil géopolitique
« Le passage d’une couleur à l’autre demande toujours du temps,
poursuit Jacques Ferber. Ceux qui l’ont le mieux compris sont les
Chinois. En soi, le Parti communiste est bleu. Mais en trente ans, il a
su planifier un passage progressif à l’orange sur le plan économique, ce
qui va avec la nature de cette couleur. Les Occidentaux protestent
contre le non-respect des droits de l’homme par Pékin, mais les Chinois
répondent que ce passage au vert ne pourra se faire qu’ensuite, d’ici à
dix ans. Par contre, les révolutions arabes sont coincées entre des
blocs bleus (islam et armée) en régression vers le rouge, du fait de la
corruption et du jihadisme. Seule la Tunisie semble pouvoir éviter cette
régresion (lire l’encadré ci-dessus).
Faire dialoguer les couleurs n’est jamais facile. Sur YouTube, vous
pouvez suivre une mission diplomatique de Don Beck entre Israéliens et
Palestiniens : aux premiers, il sert des arguments très orange
(l’intérêt, la logique causale, les bénéfices) ; aux seconds, des
arguments rouges et bleus, voire violets (valeurs familiales, préceptes
moraux de l’islam, magie du cœur). Pour mener pareille mission, il faut
faire preuve de qualités très « jaunes » ! Les théoriciens de la Spirale
dynamique se plaisent parfois à imaginer une humanité turquoise, dont
les individus seraient à la fois libres et entièrement au service de la
collectivité. Mais pour l’instant, passer au jaune serait déjà
formidable. La toute nouvelle génération, qui a 20 ans aujourd’hui et
qu’on appelle « génération Z », semble bien partie pour ça : elle est
multitâche, ouverte aux autres et d’une extraordinaire adaptabilité.
Typiquement jaune.
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