L'urgence est là. Tous les signaux sont au rouge. Mais nous en sommes toujours en train de tergiverser, mégoter sur le bien fondé et l'impérieuse nécessité de favoriser l'intelligence collective. Devant un parterre d'entrepreneurs, de dirigeants des secteurs public et privé, d'étudiants, de professionnels civils et militaires, l'objectif de ce colloque était d'appréhender la notion « d'intelligence collective » sous l'angle de quatre enjeux fondamentaux, la nécessité, les exemples, les parties prenantes et les synergies.
C'est dans cet ambitieux projet que le programme organisé par L'AAIE-IHEDN entendait développer au cours de cette journée das les locaux de l'OCDE, afin de convaincre les acteurs de la société civile de l'impérieuse nécessité de favoriser le passage d'une « société de la défiance » à une « société de confiance ».
Un constat et une grande leçon
Nous vivons une mutation des plus profondes, comparable à celle qui a traversé l'Europe à la fin du Moyen-Age et annonçant la Renaissance. Cependant, nous n'avons pas la maîtrise des leviers et des curseurs, nous ne pouvons pas planifier, ni anticiper les mutations et les impacts de celles-ci sur nos vies. Nous recevons une grande leçon de lâcher prise et accepter collectivement une part d'incertitude et d'inconnu pour ce nouveau siècle. C'est le constat de Camille GRAND, Directeur de la Fondation pour la recherche stratégique.
Nous devons accepter un changement de société.
Un des plus grand changement réside dans l'abandon de la puissance publique à ne plus avoir le monopole de la compréhension du monde. Le pouvoir n'est plus dans l'information brute mais dans l'analyse. Car aujourd'hui nous disposons tous de la même capacité à la même quantité d'informations. Elle n'est plus l'apanage de la puissance.
Toutefois nous accusons d'un retard important dans notre capacité à mobiliser dans un même lieu tous les acteurs de la société civile pour réfléchir ensemble à la construction d'un avenir commun. « Nous devons progresser dans la détection et la prise en compte des signaux faibles ». Sous peine de voir nos organisations crouler sous le phénomène d'infobésité.
Pour Jean-Philippe MOUSNIER, Sociologue et Expert en intelligence économique, le second grand changement est la complexité de l’information liquide faite de sentiment, d’humeur et d’opinion rendant l'opinion publique plus imprévisible et soumise aux émotions. Elle forme comme un magma de possibilités de mobilisation sur toutes les causes émotionnelles qui la traverse. Le citoyen devient alors un enjeu et les réseaux sociaux une source d'imprévisibilité et de danger.
Des solutions : Nous devons apprendre à jouer Collectif et collaboratif
« La dimension des questions à résoudre est complexe ». C'est pourquoi, il faut unir nos intelligences affirme Claude Revel.
Or s'adresser à l'intelligence demande de la diplomatie afin d'obtenir des parties prenantes l'adhésion. En effet en s'adressant à l'intelligence des individus, on ne peut exiger d'eux une soumission sans conditions. Mais une adhésion sincère à un consensus. Ce consensus, obtenu par la diplomatie n'est plus réservée aux Etats, mais elle s'adresse aussi aux entreprises. La diplomatie doit faire partie de la boîte à outils des managers et peut prendre de nombreuses formes.
C'est exercice est d'autant plus difficile que la complexité du monde, est entré dans l'entreprise par la gestion des risques. A titre d'exemple, Fukushima a démontré l'accumulation et la concomitance possible des risques.
L'Amiral Pierre-François FORISSIER dans la deuxième table ronde revint sur son expérience militaire et la particularité du monde de la Mer et de son confinement. « Il n'y a pas de victoire en solitaire, le travail est collectif » et rappela quelques éléments fondamentaux.
"L'organisation permet de dépasser les manquements individuels". Là où un individu faillit, la mise en place d'une organisation, de procédures et de contrôles peut pallier les insuffisances de l'individu.
Il souligna le paradoxe et la difficulté qu'aujourd'hui, les anciens qui possèdent la connaissance et l'expérience, en haut dans la chaîne de commandement sont confrontés à des jeunes dépositaires de la connaissance mais avec une expérience moindre. Tout à fait capable de se former et d'acquérir les connaissances manquantes et du décalage qu'il pouvait engendrer au sein de la hiérarchie et dans la chaîne de commandement.
Dans le domaine il rappela qu'une large littérature en théorise les principes. Et pourtant lorsque nous sommes confrontés à une gestion de crise, nous faisons tout sauf les appliquer. Nous réagissons même à l'opposé de ces principes. En période de guerre, nous poursuivons même dans notre erreur. Négligeant l'effet de surprise. Alors que dans la guerre moderne, on ne pratique pas l'effet de surprise alors que pour nos opposants oui.
Le changement est en marche.
Dans la troisième et quatrième table ronde se dégageait l'idée que la société civile « était certainement plus réceptive et influencée par le changement que l'on croît ». La crise ayant joué le rôle de catalyseur et stimulé les transformations. Modifiant les valeurs et les comportements des individus. Il n'en demeure pas moins que toutes les parties prenantes de la société civile présentent des résistances.
Pour Stéphane Riot de Noveterra, la « corévolution » est un vrai phénomène de société, un mouvement de la société impactant l’écosystème de co-création de valeur, d'espaces collaboratifs et coopératifs.
Serge Airaudi, apporta une autre vision, plus entreprise, et rappela que le management devait aussi évoluer. Le manager doit apprendre à avoir une relation personnalisée avec chacun de ses collaborateurs".
Jean-Jacques Maillard, Ancien Responsable des relations Universités-Entreprises, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche était confiant dans l'avenir a exposé le référentiel, d'IE. « Dans cinq ans, tout nouvel embauché dans nos entreprises aura entendu parler d'intelligence économique » et exposé le plan d'action par le référentiel IE (Referentiel_de_competences-Intelligence_economique_209937.pdf)
Christian Harbulot, est quant à lui moins optimiste. 'Nous n'avons pas encore donné envie à nos étudiants de se battre, non pas pour eux, mais pour un esprit collectif". Pour lui, il faut qu'au sein des Grandes Ecoles, nous continuions à évangéliser les formateurs et les étudiants, car nous n'avons pas encore compris ce qui se passait aux Etats-Unis".
Cet avis était en parti partagé par Monsieur Billaut, créateur de l'Atelier BNP Parisbas. Pour lui, la France n’était pas préparée à l’intelligence collective mentionnant le poids lourd des élites (ENA et polytechnique X) à la manœuvre dans les institutions et les entreprises. Selon lui les élites françaises ont émasculé les Français ! Face à cette sclérose et la pensée unique, la France ne sait pas d’informer.
Mathieu BAUDIN, Directeur de l'Institut des futurs souhaitables, rappela une notion darwinienne que « les systèmes ayant la biodiversité la plus grande, l'emporte ». « La coopération doit l'emporter ». « Dans le monde d'après, le partage sera une valeur, en politique, en propriété, en créativité » Pour lui, des signaux forts existent pour le monde qui vient : le partage de la richesse, le partage de la responsabilité, le partage de créativité. Des mouvements de fonds présents partout dans le monde sont en marche.
Conclusion
Pour terminer, la parole fut donnée à François DAVID, Haut-Fonctionnaire, ancien Président de la COFACE. Son expérience est à l'image de nombreuses interventions précédentes : critique à l'égard de la France.
Il reconnaît que nous sommes des petits bras, que nous manquons de fonctionnaires à Bruxelles et plus encore de lobbyistes portants nos intérêts au sein des institutions européennes. "Si nous avons perdu nos grands contrats, c'est par un manque de coordination, d'intelligence économique".
Pour lui, Il faut une meilleure coordination des acteurs franco-français, lors de la signature de grands contrats.
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