lundi 13 mai 2013

La France possède un trésor au fond du Pacifique

Notre pays a la chance d'être au centre du terrain de jeu du XXIème siècle que constitue l'océan Pacifique, plein d'incroyables richesses. Reste désormais, en cette période où le chômage s'envole, à les exploiter au maximum.

L'île de Moorea, en Polynésie française. Via Wikimedia Commons. - L'île de Moorea, en Polynésie française. Via Wikimedia Commons. -
Aussi étrange que cela puisse paraître, la France est un Etat à part entière du Pacifique: 500.000 citoyens français vivent en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et... dans l'ilôt de Clipperton. Il y a désormais plus de Français expatriés dans les états riverains de l'océan Pacifique, dont la Chine bien sûr, qu'en Afrique.
Dans cet océan, la Grande-Bretagne ne possède plus que l'île de Pitcairn, rendue célèbre par les mutins du Bounty. Ajoutons que la France fait partie de la commission d'armistice de Corée, où la guerre dure depuis plus de soixante ans.
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Mais dans tout le Pacifique, il n'y a que deux frégates françaises (sur les seize que nous possédons), aucun sous-marin et pas de porte-avion. Nous ne menaçons personne: la France est une puissance pacifique.
Autour de cet océan de 17.500 km de large vit la moitié de la population mondiale. On y trouve les grandes puissances du XXIème siècle: Etats-Unis, Chine, Japon, Corée, Russie, Australie et l'Indonésie, premier pays musulman du monde. La présence américaine s'organise à partir d'Hawaii et surtout de Guam, plus proche des côtes chinoises; cinq sous-marins lance-engins y patrouillent de façon assidue.

La Chine se comporte en grande puissance

Plus de la moitié du pétrole arabe est transporté vers la zone pacifique, et bien sûr vers la Chine en priorité. Décidément bien réveillée, cette dernière se comporte désormais en grande puissance, cherchant à vassaliser les petits Etats voisins, à rivaliser avec les Etats-Unis et avec l'Inde. Elle organise méthodiquement ses zones d'influence proches, ce qu'elle appelle ses «colliers de perles», constitués d'îles plus ou moins éloignées de ses côtes.
Avec ses énormes excédents commerciaux, résultant pour l'essentiel d'une exploitation éhontée de sa main-d'oeuvre et d'un mépris de fer de l'environnement, la Chine peut à la fois financer les déficits occidentaux et racheter les entreprises qui l'intéressent. Les deux sujets sont liés: à l'occasion de la crise de la dette, l'Etat grec a vendu le port du Pirée aux Chinois. Désormais, l'empire du Milieu dispose d'une tête de pont à elle sur notre continent pour y débarquer ses produits: ça ne vous rappelle pas les concessions européennes de Shanghai, mais à l'envers?
La Corée du sud, où la deuxième transition non-démocratique a eu lieu sans difficulté, se porte bien. Après avoir copié le savoir-faire européen en matière de construction navale (les fameux chantiers navals de Saint-Nazaire sont coréens, ne l'oublions pas), elle innove. Jouxtant chaque chantier naval, on trouve une école d'ingénieurs, des centres de formation technique, une université et des centres de recherches spécialisés.
L'Australie ne s'en sort pas mal pour l'instant: c'est l'un des rares pays à avoir une balance équilibrée avec la Chine, en raison notamment des exportations massives de gaz liquide vers ce pays.
La Russie tente de revenir: elle dispose encore de sous-marins en état de marche et, première puissance pétrolière du monde désormais, elle a les moyens de ses ambitions retrouvées.

11 millions de km carrés

Nous avons donc la chance d'être au centre du terrain de jeu du XXIème siècle que constitue l'océan Pacifique. Grâce à la Polynésie française, qui s'étend sur une surface égale à celle de l'Europe, la France se trouve avoir la deuxième Zone économique exclusive du monde: 11 millions de km carrés, juste après celle des Etats-Unis mais devant la ZEE australienne.
Dans une ZEE, un Etat a «des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation jusqu'à 200 miles de la ligne de côte». Il peut même y construire et utiliser des îles artificielles!
La partie «polynésienne» en représente la moitié environ et notre ZEE pourrait être encore étendue si l'Onu acceptait de prendre en compte de nouvelles parties du plateau continental «découvertes» récemment (programme d'exploration «Extraplac»).

Vaste programme d'exploration

Dès 1999, le PDG d'Ifremer, Jean-Yves Perrot, a lancé de son propre chef un vaste programme d'exploration avec le concours du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et de sociétés d'exploration pétrolières comme Technip. Et le navire d'Ifremer, L'Atalante, s'est mis à sillonner toute la zone à la recherche des trésors... Cela fait penser à Bougainville et à la Pérouse, il y a plus de deux siècles.
Jean-Yves Perrot est parti de la constatation que l'extraordinaire croissance de la Chine allait aboutir à un renchérissement sans précédent du prix de métaux de base comme le cuivre, le zinc ou le plomb, et à une terrible dépendance de la France concernant les métaux rares, comme le cobalt, le titane ou le platine. Selon lui, la croissance de la Chine explique la moitié de l'augmentation de la demande depuis l'an 2000: de 1900 à 1970, le prix du cuivre est resté autour de 1.000 dollars la tonne, mais depuis 2010, il a été multiplié par neuf!
Le fonds des océans recèle des richesses incroyables: nodules polymétalliques, encroûtements de cobalt et de platine, terres rares, hydrocarbures etc. Mais les recherches d'Ifremer ont porté en priorité sur:
  • les gisements sous-marins de métaux de base pour lesquels il existe une forte tension, se manifestant par des hausse de prix inoüies: zinc, cuivre, manganèse, cobalt, nickel, plomb...
  • les secteurs où la probabilité est forte de trouver des «métaux critiques à potentiel techniques élevés et pouvant connaître des risques d'approvisionnement importants»: iridium, germanium, cadmium, selenium, molybdène, platine, etc.

Prise de relais par le pouvoir politique

Un premier inventaire a été publié par Ifremer en 2011, et il est très encourageant: la France est encore dans le coup sur les plans scientifiques et techniques. Pour combien de temps? Si les Chinois continuent de racheter nos start-up compétentes, nous aurons très vite du mal à suivre.
Le temps de la prise de relais par le pouvoir politique est évidemment venu mais jusqu'à présent, en dehors d'une petite communication en conseil des ministres en avril 2010 , il ne s'est rien passé.
Combien d'emplois pourrait-on créer à partir d'une exploitation systématique, mais respectueuse de l'environnement, de tous ces fonds sous-marins? C'est la question que le gouvernement devrait se poser en regardant la courbe du chômage s'envoler.
La réponse à la question est qu'il faut investir massivement, sans tarder, dans notre ZEE Pacifique, car l'accès aux ressources inventoriées requiert le développement de technologies aussi spécifiques que coûteuses. On peut aussi ne rien faire, et c'est le déclin industriel assuré.
Michel Cotten
Cet article doit beaucoup aux exposés de l'Amiral Vichot, ancien commandant des forces maritimes françaises dans le Pacifique.

L'AUTEUR Michel Cotten Ancien trésorier payeur général. 

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