jeudi 30 mai 2013

Serrer le poing pour mieux se souvenir

La curiosité et l’ingéniosité des chercheurs en psychologie sont sans limites. Une étude menée dans une université américaine démontre comment on peut, simplement et gratuitement, améliorer ses différentes capacités mnésiques.

Power Fist / Erik Stabile via FlickrCC License by

Jadis on conseillait de faire un nœud à son mouchoir, mais les mouchoirs ont disparu des poches. Du moins les mouchoirs en tissu. Et la technique est, par définition, inefficace avec ceux en papier destinés à être jetés. Un groupe de quatre chercheurs travaillant pour le département de psychologie de la Montclair State University et pour l’armée américaine propose une intéressante alternative. Leur méthode (originale) et leurs résultats (surprenants) viennent ont été publiés dans la revue PLoS ONE.
Leur étude montre surtout que certains mouvements simples du corps peuvent contribuer à améliorer nos capacités mnésiques. Et ils en proposent une explication: ces mouvements modifieraient de manière fugace mais utile le fonctionnement de certaines aires cérébrales.
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Agés de 18 ans à 48 ans, cinquante droitiers dont quarante femmes (chacun rémunéré à hauteur de vingt dollars) ont été recrutés. Ils devaient mémoriser une liste de 72 mots. Les chercheurs les ont répartis au hasard en quatre groupes:
  • un premier groupe devait serrer son poing droit pendant environ 90 secondes durant l’exercice de mémorisation de la liste, puis faire de même juste avant de se rappeler des mots;
  • le deuxième groupe devait procéder de même, mais avec le poing gauche;
  • les deux autres groupes changeaient de poing entre la mémorisation et le rappel: soit poing droit/poing gauche, soit poing gauche/poing droit.
Par ailleurs, un groupe de contrôle ne devait pas du tout serrer les poings.
Au final, il est apparu que les membres du groupe qui devait serrer son poing droit lors de la mémorisation de la liste (puis le gauche avant de se rappeler des mots) obtenaient de meilleurs résultats que les membres de tous les autres groupes.
Comment interpréter ces résultats? Pour les chercheurs, le fait de serrer l’un de ses poings augmente l'activité neuronale dans le lobe frontal de l'hémisphère controlatéral. Ces résultats confirment selon eux un modèle déjà connu, appelé «HERA» (pour Hemispheric Encoding/Retrieval Asymnetry) qui a été proposé en 1994 par le psychologue Endel Tulving, éminent spécialiste de la mémoire.

Un continent qui reste à explorer

Pour les chercheurs, les choses ne sont pas très compliquées après tout. Certains mouvements simples du corps peuvent, selon eux, modifier un bref instant (mais à un moment crucial) la façon dont fonctionnent certaines régions cérébrales. Et ce mécanisme pourrait être de nature à stimuler non seulement la mémoire, mais aussi d’autres formes de connaissance et d’apprentissage, comme les capacités verbales ou spatiales.
Le fait de serrer un poing pourrait ainsi être une technique utilisée pour effectuer certains tests chez des patients présentant des troubles cognitifs. La technique permettrait ainsi d’ouvrir une fenêtre d’exploration des capacités de spécialisation des hémisphères cérébraux lors de l'encodage, de la constitution de la mémoire ainsi que de la récupération ou du rappel des souvenirs.
Des travaux supplémentaires sont certes nécessaires pour déterminer aussi si les résultats obtenus avec des listes de mots pourraient également l’être avec des stimuli visuels, comme le souvenir de visages ou de motifs spatiaux. Les chercheurs soulignent la simplicité de la méthode, qui demande au total moins de cinq minutes et qui pourrait être déclinée de bien des manières et qui offre rien de moins que l’opportunité d’explorer ce continent encore largement ignoré qu’est notre mémoire. Rien n’interdit de faire un nœud (fictif) à son mouchoir pour se souvenir de faire le test du poing fermé.
Jean-Yves Nau

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