LE CERCLE. Comment la fonction RH, partenaire stratégique dans l'entreprise, cerne-t-elle et anticipe-t-elle le risque ?
La représentation du risque RH
Le risque s’entend habituellement comme "un évènement futur pouvant causer des dommages", "un aléa dont la survenance prive un système d’une ressource et l’empêche d’atteindre ses objectifs".
Vouloir le maîtriser signifie commencer par le comprendre, l’évaluer, mesurer ses conséquences. Mais comment peut-on le contrôler ou à défaut l’anticiper ?
Apparu dès les années 60 aux USA et quinze ans plus tard en France (peut être dès 1654 avec le mathématicien Pascal et sa théorie des probabilités), le management du risque est devenu au fil du temps un enjeu majeur, composante essentielle du pilotage stratégique de l’entreprise.
Quel risque ?
Ulrick Beck, dans son ouvrage "La société du risque" démontre que la vraie richesse dans la société moderne est d’être protégée des risques, de la maladie, du chômage, du vieillissement… L’inscription du principe de précaution dans la constitution française en témoigne. Dans l’entreprise, l’employeur est tenu, en vertu de l’obligation générale de sécurité qui lui incombe, d’évaluer les risques éventuels et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés de son entreprise. Les articles L.230-2 et R.230-1 du Code du travail stipulent que l’employeur doit élaborer et tenir à jour un document unique d’évaluation des risques.
Le management du risque utilise les processus d’analyse (identification, estimation et évaluation) ; les processus décisionnels (traitement du ou des risques, suivi et contrôle) ; et les processus de capitalisation (enregistrement et mémorisation, construction du retour d’expériences).
L’on distingue d’ordinaire les risques normaux des risques purs : le premier apparenté au risque d’entreprise est celui pris par le décideur au cours d’un acte de gestion au cours duquel ce dernier peut tout perdre. Le risque pur s’entend par le risque accidentel qui se manifeste de manière soudaine – l’issue étant forcément la perte ou le dommage.
En matière de RH, le risque normal pourrait s’entendre par le risque d’effectuer un recrutement au contraire du risque pur, qui serait la disparition accidentelle d’un collaborateur clé dans l’entreprise. Il existe un risque intermédiaire résultant d’actes de management dont les effets se traduisent par des faits caractéristiques de risques purs. À titre d’exemple, cela pourrait être une grève dure donnant lieu à une séquestration de cadres et perturbant les activités de l’entreprise avant la destruction de biens.
Ainsi, la fonction RH, fortement sollicitée dans le combat pour la compétitivité, se trouve confrontée au management du risque. À plus forte raison depuis qu’elle est devenue une partenaire stratégique à travers son implication dans tous les grands mouvements de politique générale comme le développement international, les fusions-acquisitions ; partenaire stratégique quand il éclaire la direction générale pour les ajustements organisationnels et la mobilisation des compétences ; partenaire stratégique pour être le garant de l’application du droit social dans l’entreprise, les modifications de culture, le renforcement de l’éthique.
Dans l’approche du risque, le DRH, accompagné du risk manager, doit commencer par identifier les risques : recueillir un nombre élevé d’informations plus ou moins élaborées, les ordonner, en vérifier la pertinence : les recueils d’informations élaborés, les recherches de dysfonctionnements, la connaissance et l’analyse du passé, les techniques de créativité par le biais de la méthode de scénarios. Puis vient le moment de l’identification des risques majeurs et plus tard leur hiérarchisation.
Sur quels outils se baser ?
La cartographie
L’audit social analyse les facteurs de risques sociaux tels que le risque de non-conformité, le risque d’image, le risque d’absentéisme ou le risque financier dû à des pratiques incohérentes ou peu efficaces, établit un diagnostic et enfin, propose des recommandations pour optimiser les systèmes en place. Il s’apparente à l’audit financier et utilise une méthodologie parfois similaire, mais son domaine d’intervention est différent puisqu’il vise les systèmes de gestion des ressources humaines (RH), ses activités, le pilotage social (la stratégie et les politiques) et les relations sociales au sein d’une organisation.
La cartographie des risques RH présente un intérêt car elle permet de se repèrer sur un territoire (entreprise et son environnement), d’avoir davantage ce sentiment de maîtrise de la complexité, elle permet d’évaluer des options, de prendre de la hauteur pour une meilleure prise décision. Elle a l’avantage de fournir une représentation dynamique des évènements et de représenter les relations entre des faits.
Dans sa construction, la cartographie RH devra tenir compte du cadre juridique encadrant la gestion des ressources humaines, et de l’environnement concurrentiel qui peuvent rendre certaines ressources humaines rares et chères ou qui peuvent être à l’origine de turnover. Mais aussi de l’organisation managériale elle-même, c’est-à-dire du manque éventuel d’anticipation dans la configuration des ressources humaines et son inadéquation avec les nouveaux besoins de l’entreprise liés à ses choix stratégiques.
Le droit social, matière complexe et très évolutive, ne peut laisser la place à la non-conformité. Le risque juridique s’effectue en temps réel sous peine de conséquences pénales, financières, de réputation.
Concernant, l’environnement concurrentiel, certaines compétences peuvent être considérées comme rares. La collaboration durable est donc souhaitable et indispensable. L’entreprise peut être victime de débauchage, de difficultés dans le recrutement pour des postes clés qui peut notamment résulter d’une politique de rémunération inadéquate. L’absence d’identification de ce risque et de traitement adéquat comme une absence de plan de succession peut constituer, dans cette perspective, un risque RH majeur.
Sur le plan interne de l’organisation même du travail dans l’entreprise et du système managérial, des risques peuvent apparaitre. Ainsi les juges ont-ils reconnu que les modalités d’aménagement du temps de travail pouvaient être à l’origine de risques psychosociaux. L’objectif étant de parvenir à une organisation qui assure la meilleure adéquation possible au poste de travail, eu égard aux ressources physiques, psychiques, à la formation au poste de travail, voire aux contraintes personnelle et familiale.
D’une façon générale, ces risques RH pourraient se composer de quatre familles : les risques stratégiques (ex. : dialogue social, gestions des hommes clés), les risques opérationnels (ex. : la gestion du turnover, la gestion administrative), les risques financiers (ex. : le passif social) et les risques juridiques (ex. : le traitement de la complexité de la règlementation du droit social).
La cartographie RH étant une représentation propre à chaque entreprise, le DRH et le risk manager identifieront les risques qui impactent les zones sensibles. L’impact et la probabilité sont les axes de repères pour l’évaluation.
La cartographie établie, il faut définir un plan d’action pour chaque risque. Il convient de hiérarchiser les risques identifiés et de recenser les instruments de traitement des risques. Il convient de mesurer les valeurs exposées et de comparer les écarts éventuels de couverture. Au final, l'outil permet donc de modéliser les besoins de garanties.
L’entreprise doit choisir le niveau de maîtrise à affecter à chaque risque. La mise en place d’un plan de prévention, la définition de dispositifs de couverture et la création d’outils de pilotage des risques suivront donc l’établissement de la cartographie. Procéder régulièrement à la mise à jour de la cartographie des risques et vérifier par des audits internes que les plans d’action sont efficaces sur le terrain.
Avec la globalisation de l'économie, les actionnaires d'une société ainsi que le public (dont les consommateurs) deviennent de plus en plus demandeurs d'information sur les procédures internes mises en place pour le contrôle des risques.
Les comités de direction ont besoin d'outils leur permettant d'avoir une vision globale de leurs entreprises. La cartographie devrait donc continuer à se développer et à se démocratiser aux plus petites structures.
Les dirigeants cherchent de plus en plus à décloisonner les silos de leur société et à créer une dynamique de groupe positive au service de la stratégie. Ainsi par sa méthodologie de collecte, de traitement et d’analyse de l’information, par sa finalité qu’est la maîtrise de l’information stratégique utile à l’entreprise et à sa protection, l’intelligence économique peut être une discipline complémentaire qui permet d’avoir une vision plus claire de l’environnement et qui permet une meilleure appréhension des risques présents et futurs. Une approche pluridisciplinaire qui permet de mieux cerner le pouvoir et l’influence de nouveaux acteurs, de nouvelles parties prenantes.
Les Ressources humaines et l’intelligence économique peuvent et doivent tisser des liens pour développer une politique ressources humaines au service de la compétitivité de l’entreprise.
Philippe Dion
Le risque s’entend habituellement comme "un évènement futur pouvant causer des dommages", "un aléa dont la survenance prive un système d’une ressource et l’empêche d’atteindre ses objectifs".
Vouloir le maîtriser signifie commencer par le comprendre, l’évaluer, mesurer ses conséquences. Mais comment peut-on le contrôler ou à défaut l’anticiper ?
Apparu dès les années 60 aux USA et quinze ans plus tard en France (peut être dès 1654 avec le mathématicien Pascal et sa théorie des probabilités), le management du risque est devenu au fil du temps un enjeu majeur, composante essentielle du pilotage stratégique de l’entreprise.
Quel risque ?
Ulrick Beck, dans son ouvrage "La société du risque" démontre que la vraie richesse dans la société moderne est d’être protégée des risques, de la maladie, du chômage, du vieillissement… L’inscription du principe de précaution dans la constitution française en témoigne. Dans l’entreprise, l’employeur est tenu, en vertu de l’obligation générale de sécurité qui lui incombe, d’évaluer les risques éventuels et de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés de son entreprise. Les articles L.230-2 et R.230-1 du Code du travail stipulent que l’employeur doit élaborer et tenir à jour un document unique d’évaluation des risques.
Le management du risque utilise les processus d’analyse (identification, estimation et évaluation) ; les processus décisionnels (traitement du ou des risques, suivi et contrôle) ; et les processus de capitalisation (enregistrement et mémorisation, construction du retour d’expériences).
L’on distingue d’ordinaire les risques normaux des risques purs : le premier apparenté au risque d’entreprise est celui pris par le décideur au cours d’un acte de gestion au cours duquel ce dernier peut tout perdre. Le risque pur s’entend par le risque accidentel qui se manifeste de manière soudaine – l’issue étant forcément la perte ou le dommage.
En matière de RH, le risque normal pourrait s’entendre par le risque d’effectuer un recrutement au contraire du risque pur, qui serait la disparition accidentelle d’un collaborateur clé dans l’entreprise. Il existe un risque intermédiaire résultant d’actes de management dont les effets se traduisent par des faits caractéristiques de risques purs. À titre d’exemple, cela pourrait être une grève dure donnant lieu à une séquestration de cadres et perturbant les activités de l’entreprise avant la destruction de biens.
Ainsi, la fonction RH, fortement sollicitée dans le combat pour la compétitivité, se trouve confrontée au management du risque. À plus forte raison depuis qu’elle est devenue une partenaire stratégique à travers son implication dans tous les grands mouvements de politique générale comme le développement international, les fusions-acquisitions ; partenaire stratégique quand il éclaire la direction générale pour les ajustements organisationnels et la mobilisation des compétences ; partenaire stratégique pour être le garant de l’application du droit social dans l’entreprise, les modifications de culture, le renforcement de l’éthique.
Dans l’approche du risque, le DRH, accompagné du risk manager, doit commencer par identifier les risques : recueillir un nombre élevé d’informations plus ou moins élaborées, les ordonner, en vérifier la pertinence : les recueils d’informations élaborés, les recherches de dysfonctionnements, la connaissance et l’analyse du passé, les techniques de créativité par le biais de la méthode de scénarios. Puis vient le moment de l’identification des risques majeurs et plus tard leur hiérarchisation.
Sur quels outils se baser ?
La cartographie
L’audit social analyse les facteurs de risques sociaux tels que le risque de non-conformité, le risque d’image, le risque d’absentéisme ou le risque financier dû à des pratiques incohérentes ou peu efficaces, établit un diagnostic et enfin, propose des recommandations pour optimiser les systèmes en place. Il s’apparente à l’audit financier et utilise une méthodologie parfois similaire, mais son domaine d’intervention est différent puisqu’il vise les systèmes de gestion des ressources humaines (RH), ses activités, le pilotage social (la stratégie et les politiques) et les relations sociales au sein d’une organisation.
La cartographie des risques RH présente un intérêt car elle permet de se repèrer sur un territoire (entreprise et son environnement), d’avoir davantage ce sentiment de maîtrise de la complexité, elle permet d’évaluer des options, de prendre de la hauteur pour une meilleure prise décision. Elle a l’avantage de fournir une représentation dynamique des évènements et de représenter les relations entre des faits.
Dans sa construction, la cartographie RH devra tenir compte du cadre juridique encadrant la gestion des ressources humaines, et de l’environnement concurrentiel qui peuvent rendre certaines ressources humaines rares et chères ou qui peuvent être à l’origine de turnover. Mais aussi de l’organisation managériale elle-même, c’est-à-dire du manque éventuel d’anticipation dans la configuration des ressources humaines et son inadéquation avec les nouveaux besoins de l’entreprise liés à ses choix stratégiques.
Le droit social, matière complexe et très évolutive, ne peut laisser la place à la non-conformité. Le risque juridique s’effectue en temps réel sous peine de conséquences pénales, financières, de réputation.
Concernant, l’environnement concurrentiel, certaines compétences peuvent être considérées comme rares. La collaboration durable est donc souhaitable et indispensable. L’entreprise peut être victime de débauchage, de difficultés dans le recrutement pour des postes clés qui peut notamment résulter d’une politique de rémunération inadéquate. L’absence d’identification de ce risque et de traitement adéquat comme une absence de plan de succession peut constituer, dans cette perspective, un risque RH majeur.
Sur le plan interne de l’organisation même du travail dans l’entreprise et du système managérial, des risques peuvent apparaitre. Ainsi les juges ont-ils reconnu que les modalités d’aménagement du temps de travail pouvaient être à l’origine de risques psychosociaux. L’objectif étant de parvenir à une organisation qui assure la meilleure adéquation possible au poste de travail, eu égard aux ressources physiques, psychiques, à la formation au poste de travail, voire aux contraintes personnelle et familiale.
D’une façon générale, ces risques RH pourraient se composer de quatre familles : les risques stratégiques (ex. : dialogue social, gestions des hommes clés), les risques opérationnels (ex. : la gestion du turnover, la gestion administrative), les risques financiers (ex. : le passif social) et les risques juridiques (ex. : le traitement de la complexité de la règlementation du droit social).
La cartographie RH étant une représentation propre à chaque entreprise, le DRH et le risk manager identifieront les risques qui impactent les zones sensibles. L’impact et la probabilité sont les axes de repères pour l’évaluation.
La cartographie établie, il faut définir un plan d’action pour chaque risque. Il convient de hiérarchiser les risques identifiés et de recenser les instruments de traitement des risques. Il convient de mesurer les valeurs exposées et de comparer les écarts éventuels de couverture. Au final, l'outil permet donc de modéliser les besoins de garanties.
L’entreprise doit choisir le niveau de maîtrise à affecter à chaque risque. La mise en place d’un plan de prévention, la définition de dispositifs de couverture et la création d’outils de pilotage des risques suivront donc l’établissement de la cartographie. Procéder régulièrement à la mise à jour de la cartographie des risques et vérifier par des audits internes que les plans d’action sont efficaces sur le terrain.
Avec la globalisation de l'économie, les actionnaires d'une société ainsi que le public (dont les consommateurs) deviennent de plus en plus demandeurs d'information sur les procédures internes mises en place pour le contrôle des risques.
Les comités de direction ont besoin d'outils leur permettant d'avoir une vision globale de leurs entreprises. La cartographie devrait donc continuer à se développer et à se démocratiser aux plus petites structures.
Les dirigeants cherchent de plus en plus à décloisonner les silos de leur société et à créer une dynamique de groupe positive au service de la stratégie. Ainsi par sa méthodologie de collecte, de traitement et d’analyse de l’information, par sa finalité qu’est la maîtrise de l’information stratégique utile à l’entreprise et à sa protection, l’intelligence économique peut être une discipline complémentaire qui permet d’avoir une vision plus claire de l’environnement et qui permet une meilleure appréhension des risques présents et futurs. Une approche pluridisciplinaire qui permet de mieux cerner le pouvoir et l’influence de nouveaux acteurs, de nouvelles parties prenantes.
Les Ressources humaines et l’intelligence économique peuvent et doivent tisser des liens pour développer une politique ressources humaines au service de la compétitivité de l’entreprise.
Philippe Dion
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