Comment animer des équipes composées de collaborateurs âgés de
15 à 65 ans ? Comment faire cohabiter les générations Z et Y ?
Consultant et formateur chez CSP Formation, Pascal Christin livre les
enjeux et les atouts du management intergénérationnel.
Crédits photo : Shutterstock.com
Il n'est donc pas rare de voir cohabiter dans l'entreprise, des personnes âgées de 15 à 65 ans.
La cohabitation intergénérationnelle au sein de l'entreprise est-elle un phénomène nouveau ?
Il y a toujours eu plusieurs générations au sein d'une même organisation. Mais le phénomène s'intensifie du fait que les carrières sont plus longues et que les formations favorisent l'apprentissage sur le terrain dès le plus jeune âge : il n'est donc pas rare, aujourd'hui, de voir cohabiter dans l'entreprise, des personnes âgées de 15 à 65 ans, autrement dit des Z (nés à partir de 1995), des Y (nés entre 1980 et 1995), des X (nés entre 1965 et 1980) et des baby-boomers (nés entre 1945 et 1965). Même si on doit impérativement faire fi des stéréotypes* attachés à chaque génération, on ne peut nier que ces profils sont issus de contextes sociétaux et éducatifs différents. Leur rapport au travail n'est pas le même, il s'avère parfois opposé. D'où l'intérêt, tout en tenant compte des compétences et des appétences de chacun, de miser sur la richesse de cette diversité : plutôt que de cloisonner, il faut amener les trois générations à travailler et à évoluer ensemble, à échanger, à partager, à se nourrir mutuellement...
Deux cas d'entreprise
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Le tutorat inversé
Depuis 2010, une entreprise de l’agroalimentaire a mis en place des programmes de « reverses mentoring » (tutorat inversé), des sessions de formation dans le cadre desquelles les juniors coachent les seniors. Issus d'une vingtaine de filiales du groupe, des centaines de jeunes très aux faits des nouvelles technologies aident leurs aînés à se familiariser avec les outils 2.0.
La formation à l’intergénérationnel
Un autre groupe français entend promouvoir l’intergénérationnel via la sensibilisation et la formation des managers. Dans le cadre de son protocole d'accord relatif au contrat de générations, diverses actions (inscrites au plan de formation) seront mises en œuvre à compter de 2014.
Les managers rencontrent-ils réellement des difficultés à faire travailler ensemble ces trois générations ?
Pas toujours, mais souvent. Sur le terrain, nous constatons des situations concrètes de mécompréhension entre jeunes et moins jeunes. Par exemple, un tuteur senior se dit profondément choqué que son apprenti lui ai demandé d'être ami sur Facebook. Un autre confie son agacement face à l'utilisation intempestive du téléphone portable sur le lieu de travail. Un autre encore déplore le manque de motivation et d'engagement de ses jeunes tutorés. Mais il n'y a pas que les baby-boomers qui ont des choses à « reprocher » aux générations suivantes. Les jeunes, aussi, peinent parfois à comprendre le comportement de leurs aînés. Dans les années 1960 et 1970, les études duraient en général moins longtemps et lorsque l'on entrait dans la vie active, on était un exécutant : « fais ça et tais-toi ». A l'inverse, les Y ont souvent été des enfants rois qui étaient invités à poser des questions et à qui il fallait absolument expliquer les choses. Dans l'entreprise, c'est pareil : les Y ont besoin de comprendre les tenants et les aboutissants des projets sur lesquels ils travaillent. Nombre de managers le disent, il n'y a pas plus chronophage qu'un jeune !Concrètement, en quoi consiste le management intergénérationnel ? Et quels en sont les atouts et les bénéfices RH ?
Il est important de faire travailler ensemble les jeunes et les seniors, donc de créer des équipes intergénérationnelles, mais cela de façon cadrée, accompagnée... Afin de réunir les générations, on peut notamment miser sur divers « espaces » de rencontres (notamment les intranet, les réseaux sociaux d'entreprise...). Le tutorat est aussi une méthode efficiente, à condition qu'il soit basé sur le volontariat et qu'il s'effectue dans les deux sens : le jeune peut être tutoré mais aussi tuteur. Idem pour le senior. C'est une façon de valoriser toutes les populations : le senior qui transmet son savoir « en héritage » se sent utile ; le jeune, fort de ses expériences dans d'autres entreprises ou à l'étranger, qui fait part de son benchmark se sent valorisé, il est ainsi fidélisé. En plus de réduire le turnover et de faciliter l'échange de bonnes pratiques, le management intergénérationnel permet de casser les silos et de favoriser la transversalité, la cohésion, la qualité relationnelle, donc le bien-être au travail, la motivation et la performance. La performance humaine et économique.Les 4 clés du management intergénérationnel
1/ L'adhésion du top management
« Le management intergénérationnel doit s'inscrire dans le cadre d'une politique d'entreprise, estime Pascal Christin. Certes, le manager peut agir seul. Mais la démarche sera bien plus efficiente si la direction générale y participe activement, notamment en sensibilisant et en communiquant auprès de toutes les populations de l'organisation. D'autant que certains dispositifs peuvent nécessiter des aménagements de l'emploi du temps ou de la charge de travail. »
2/ La connaissance et la compréhension de l'autre « Différentes dans leur rapport au travail, les trois générations doivent être managées en fonction de leurs spécificités, mais gare aux préjugés !, souligne Pascal Christin. Pour connaître les réelles compétences et appétences de chacun, le manager ne doit pas se contenter de l'entretien annuel. Au contraire, il ne doit pas hésiter à multiplier les rendez-vous individuels informels, mais aussi les brèves réunions qui créent de la cohésion entre générations. »
3/ Le tutorat volontaire permet de communiquer et de développer les interactions entre générations.
« Il favorise le partage et la transmission des compétences et savoirs respectifs, indique Pascal Christin. Le baby-boomer (devenu un expert) transmet son savoir aux générations plus jeunes, souvent en demande de ce type de formation. De même, un jeune issu de la génération Y peut partager avec ses aînés sa connaissance des nouvelles technologies, des réseaux sociaux... »
4/ Le partage, l'écoute et la confiance sont des maîtres mots
« En garantissant l’entente entre les générations, le manager devient le chef d’orchestre intergénérationnel d’une équipe multigénérationnelle, contribuant ainsi à son succès, observe Pascal Christin. Les plateformes et réseaux sociaux d’entreprise contribuent à favoriser les interactions internes. Les Y, qui sont quasiment nés avec ces outils, peuvent oeuvrer à leur appropriation par les générations précédentes. »
Pour aller plus loin
« Trois générations sous le même toit : comment relever le défi ? » : webinar (conférence en ligne) gratuit animé par Pascal Christin, le mardi 11 février 2014, de 11h à 12h.
« Petite Poucette », par Michel Serres (mars 2012, Éditions Le Pommier).
« Le choc générationnel. Faire travailler ensemble trois générations », par Élisabeth Lahouze-Humbert (mars 2010, Maxima Laurent du Mesnil éditeur).
___________« Trois générations sous le même toit : comment relever le défi ? » : webinar (conférence en ligne) gratuit animé par Pascal Christin, le mardi 11 février 2014, de 11h à 12h.
« Petite Poucette », par Michel Serres (mars 2012, Éditions Le Pommier).
« Le choc générationnel. Faire travailler ensemble trois générations », par Élisabeth Lahouze-Humbert (mars 2010, Maxima Laurent du Mesnil éditeur).
* Les Y seraient tous des geeks hostiles aux règles et aux process ; les X seraient tous les enfants de Dolto ; les seniors seraient tous réfractaires au NTIC et profondément attachés à la hiérarchie pyramidale, etc.
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