Women's Forum Bruxelles
Les grandes conquêtes des femmes ne sont jamais arrivées
par hasard. Rien ne leur a été donné. Ce qu'elles ont obtenu, elles ne
le doivent qu'à leur persévérance et leur ténacité. Cela était vrai
hier, cela l'est toujours et le sera encore demain. Les progrès sont si
lents qu'il faudra attendre longtemps avant que les choses ne changent
vrai ment. Et ces nécessaires évolutions ne peuvent s'opérer
naturellement, car des blocages, de toute sorte, existent qui freinent
les progressions. Il faut parfois un peu aider le destin…
Peu à peu s'impose l'idée que, pour modifier les déséquilibres existants entre les hommes et les femmes, des me sures incitatives plus contraignantes sont indispensables pour vaincre les réticences et donner un « coup d'accélérateur » à la féminisation de la société. Les femmes sont plus diplômées que les hommes, mais trop peu d'entre elles accèdent aux postes de responsabilité. Comment corriger cette situation? Par des quotas. A la seule évocation de ce mot, certains blêmissent, d'autres s'énervent ou perdent leur flegme, il ne laisse pas indifférent.
Il y a 10 ans, les quotas ont été mis en place pour remédier, dans la vie politique, à une sous représentation manifeste des femmes dans les Assemblées parlementaires. Plusieurs pays les ont utilisés. Et il faut bien avouer que cela a donné un certain élan à la parité.
Pour ne prendre qu'un exemple, il y a davantage de femmes françaises élues au Parlement européen (45,95%), où la loi électorale impose des quotas, qu'à l'Assemblée nationale (26,34%) où la loi n'est encore qu'incitative envers les partis politiques.
Malgré tous les cris d'orfraies qui ont été poussés lors de la mise en place de ces quotas dans plusieurs États d'Europe, il semble bien difficile de revenir en arrière. D'abord parce que la place des femmes est encore relativement faible tant dans les Parlements (25,98% dans l'Union, 20,8% dans le monde) qu'au sein des gouvernements (28,22% dans l'Union) et que toute régression en la matière serait du pire effet et, donc, dommageable à celui qui en serait l'instigateur. Ensuite parce que la méthode est apparue depuis dans la vie économique.
Devant la désolante situation de l'absence de femmes dans les organes de direction des grandes entreprises, plusieurs pays européens (Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, et Slovénie) ont décidé de transposer dans le domaine économique la règle qui semble donner quelques résultats en politique. Ils ont adopté des lois pour imposer de manière progressive, par un système de quotas, l'accès des femmes aux conseils d'administration. Ces lois ne s'appliquent que pour les sociétés cotées uniquement et elles ne concernent pas les comités exécutifs.
Néanmoins, en peu de temps, les pays qui ont voté de telles dispositions voient leur situation évoluer considérablement. A titre d'exemple, les entreprises françaises cotées n'avaient au sein de leurs conseils que 4 à 6% de femmes dans les années 1990. La loi du 27 janvier 2011 stipule que les entreprises doivent ouvrir leurs conseils à 20% de femmes d'ici 3 ans et à 40% d'ici 6 ans. En à peine deux ans, ces entreprises comptent d'ores et déjà 16,6% de femmes dans leur board [1]. Ce n'est pas le seul pays dans ce cas. Et ce n'est qu'un début.
D'ailleurs, la Commission européenne s'est emparée de cette question. Se basant sur le fait que, « au cours de la dernière décennie, malgré un débat public intense et plu sieurs initiatives volontaires, l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration n'a guère évolué en Europe », elle a proposé le 14 novembre 2012 une directive qui fixe un objectif minimum de 40% de membres du sexe sous-représenté parmi les administrateurs non exécutifs de conseils d'administration de sociétés cotées en Bourse en Europe d'ici 2020, ou d'ici 2018 pour les entreprises publiques cotées en Bourse. Sa vice-présidente, Viviane Reding, rappelle que « les conseils d'administration des plus grandes entreprises européennes restent dominés par les hommes et un plafond de verre empêche les femmes de talent d'accéder aux positions les plus élevées. Les femmes ne constituent que 15% des conseils non exécutifs et 8,9% des conseils exécutifs».
Cette proposition a donné lieu à de vifs échanges et Mme Reding a même été obligée de s'y reprendre à deux fois pour vaincre les résistances tant au sein de la Commission que face à 9 États membres qui sont opposés, par principe, aux quotas [2].
Mais il sera vraiment difficile de revenir en arrière.
Ouvrir les portes des conseils d'administration, c'est bien mais pourquoi se limiter à ceux des seules sociétés cotées ? Des postes d'administrateurs sont aussi à conquérir dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou dans les petites et moyennes entreprises (PME). Et ces entreprises ont tout autant besoin d'être gouvernées par des hommes et par des femmes. Une étude [3] montre que les conseils d'administration en France comptaient en 2010 17,3% de femmes dans les PME contre 10,5% dans les grandes entreprises et 10,3% dans les ETI. Cette moyenne était plus favorable aux femmes dans les entreprises familiales que dans les autres. Il reste donc encore beaucoup à faire.
Sans tout attendre des quotas, les femmes ont décidé de relever leurs manches et montrer de quoi elles sont capables. Des initiatives ont vu le jour un peu partout dans le monde ; du Women's Forum, qui est devenu, en quelques années, le symbole mondial du « réseautage » au féminin, aux centaines de structures de réflexion conduites par des femmes qui ont bien compris tout l'intérêt du « Networking ». Il ne sera plus possible de faire comme avant. Les lois, les débats, les échanges, les volontés sont là pour faire bouger les choses et contribuer aux mouvements en cours pour briser « le plafond de verre ». Les pays nordiques ne sont plus seuls à afficher désormais de bons chiffres, comme par exemple la Norvège (36,3%) qui avait lancé la question de la présence des femmes dans les boards dès 2004. L'Europe tout entière s'y met, et même au delà. Il suffit de regarder la situation en Afrique du sud (17,4%).
Les femmes ne veulent plus s'en laisser conter et refusent les situations inacceptables. Lors du renouvellement d'un des membres du Directoire de la Banque centrale européenne [4], les députées européennes se sont étonnées que l'institution, qui a déjà compté des femmes au sein de son Conseil, ne désigne qu'un Directoire exclusivement masculin jusqu'en 2018 ! Au Parlement européen, elles ont bataillé pour obtenir gain de cause, en vain cette fois- ci, mais chacun a bien compris désormais que les institutions européennes devront à l'avenir, au moins, respecter les règles qu'elles se sont fixées, de réaliser « l'équilibre entre les femmes et les hommes dans le processus décisionnel, dans la vie économique et politique et dans les secteurs public et privé ». Il serait temps que cet objectif se concrétise enfin. Par exemple, lors du prochain renouvellement de la Commission en 2014, celle-ci pourrait être complètement paritaire et compter 14 femmes sur les 28 États membres que l'Union européenne comptera alors.
De plus, les femmes s'organisent pour contrer les arguments fallacieux selon lesquels on ne trouverait pas de femmes compétentes. Plusieurs initiatives ont vu le jour afin de recenser les femmes capables et les promouvoir auprès de ceux qui colportent ces contre-vérités. Des for mations ont été mises en place pour préparer les femmes aux fonctions d'administrateurs, des agences de conseil ont développé des activités pour sélectionner des femmes et, ainsi, répondre à la demande de certaines entreprises qui veulent désigner des femmes dans leurs conseils. Une certaine émulation se dessine. Des écoles de commerce européennes ont lancé le 12 décembre 2012 une base de données intitulée « Global Board Ready Women » [5] (Femmes du monde entier prêtes à entrer dans des conseils d'administration). Cette liste de 8 000 membres fait apparaître qu'il y a largement assez de femmes qualifiées pour contribuer à diriger de grandes entreprises au XXIe siècle et qu'il est temps de briser le plafond de verre qui les empêche d'accéder à des postes de direction. Cette initiative a reçu le soutien de Viviane Reding.
La nouvelle gouvernance qu'elle soit européenne ou nationale, politique ou économique, doit être repensée. Il faut s'adapter en permanence aux défis globaux qui remettent en cause l'ordre établi et nos repères. Sur le plan international, la Chine et d'autres pays émergents défient les positions américaine et européenne ; sur le plan économique, la crise bouscule nos certitudes et nos réflexions pour trouver les moyens d'en sortir. Enfin, sur le plan professionnel et social, la féminisation bouscule les mentalités. Chacun de ces phénomènes est un vecteur de changement.
Instaurer une culture de l'égalité implique un changement des mentalités et une lutte contre les stéréotypes persistants. Cela suppose de part et d'autre une volonté de réussir cette mutation : les femmes s'y préparent en se formant, en se remettant en question, en définissant leur rapport au pouvoir et en osant affirmer leurs valeurs, leurs motivations et leurs ambitions. Les hommes doivent faire de même et certains s'y sont déjà attelés. Car nous ne pourrons relever qu'ensemble les défis qui nous attendent.
Dans le monde, l'Europe est perçue comme un modèle en matière de droits des femmes. Ne décevons pas ceux et celles qui nous regardent en ne réalisant pas une vraie égalité hommes-femmes.
Cet impératif devrait d'ailleurs davantage faire partie intégrante des politiques extérieures que l'Europe mène pour soutenir les mouvements de démocratisation et le développement. L'exemple des pays du sud de la Méditerranée, qui ont vécu le printemps arabe en 2011, s'impose immédiatement : l'Europe devrait conditionner son aide, qui est l'une des plus importantes du monde, au respect plein et entier des droits des femmes par les nouveaux régimes. Il s'agit d'une question de principe, qui rejoint l'intérêt de ces pays : sans les femmes, les réformes seront plus difficiles.
La bataille est sans doute moins rude en Europe pour les femmes que pour nos voisines d'outre-Méditerranée. Mais elle a une valeur de symbole. Les progrès que nous accomplissons leur servent de modèles. L'Europe doit être exemplaire. En un mot, oser.
Les femmes, elles aussi, osent de plus en plus. Elles sont convaincues que pour s'adapter aux nouvelles exigences du monde, les entreprises comme les sociétés doivent faire appel à tous les talents, y compris les leurs. Elles sont complémentaires des hommes et peuvent apporter un « plus » dans la gestion et le management. Leur spécificité peut être une richesse. Encore faut-il oser relever le défi de mettre des femmes à tous les postes. La modernité réside dans une société paritaire : le courage, la diversité, l'adaptabilité, la nouvelle gouvernance plus équilibrée entre les hommes et les femmes sont les vertus indispensables de la réussite des sociétés au XXIe siècle.
Pascale JOANNIN,
Directrice générale de la Fondation Robert Schuman.
Ancienne auditrice à l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN).
Elle est l'auteur de » L'Europe, une chance pour la femme »
Note de la Fondation Robert Schuman, n°22, 2004.
Elle codirigé l'Atlas permanent de l'Union européenne, Lignes de repères, 2012.
Pour en savoir plus, en particulier découvrir les infographies qui donnent en un clin d'œil, lire la lettre numéro 569 de la Fondation Robert Schuman
Peu à peu s'impose l'idée que, pour modifier les déséquilibres existants entre les hommes et les femmes, des me sures incitatives plus contraignantes sont indispensables pour vaincre les réticences et donner un « coup d'accélérateur » à la féminisation de la société. Les femmes sont plus diplômées que les hommes, mais trop peu d'entre elles accèdent aux postes de responsabilité. Comment corriger cette situation? Par des quotas. A la seule évocation de ce mot, certains blêmissent, d'autres s'énervent ou perdent leur flegme, il ne laisse pas indifférent.
Il y a 10 ans, les quotas ont été mis en place pour remédier, dans la vie politique, à une sous représentation manifeste des femmes dans les Assemblées parlementaires. Plusieurs pays les ont utilisés. Et il faut bien avouer que cela a donné un certain élan à la parité.
Pour ne prendre qu'un exemple, il y a davantage de femmes françaises élues au Parlement européen (45,95%), où la loi électorale impose des quotas, qu'à l'Assemblée nationale (26,34%) où la loi n'est encore qu'incitative envers les partis politiques.
Malgré tous les cris d'orfraies qui ont été poussés lors de la mise en place de ces quotas dans plusieurs États d'Europe, il semble bien difficile de revenir en arrière. D'abord parce que la place des femmes est encore relativement faible tant dans les Parlements (25,98% dans l'Union, 20,8% dans le monde) qu'au sein des gouvernements (28,22% dans l'Union) et que toute régression en la matière serait du pire effet et, donc, dommageable à celui qui en serait l'instigateur. Ensuite parce que la méthode est apparue depuis dans la vie économique.
Devant la désolante situation de l'absence de femmes dans les organes de direction des grandes entreprises, plusieurs pays européens (Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, et Slovénie) ont décidé de transposer dans le domaine économique la règle qui semble donner quelques résultats en politique. Ils ont adopté des lois pour imposer de manière progressive, par un système de quotas, l'accès des femmes aux conseils d'administration. Ces lois ne s'appliquent que pour les sociétés cotées uniquement et elles ne concernent pas les comités exécutifs.
Néanmoins, en peu de temps, les pays qui ont voté de telles dispositions voient leur situation évoluer considérablement. A titre d'exemple, les entreprises françaises cotées n'avaient au sein de leurs conseils que 4 à 6% de femmes dans les années 1990. La loi du 27 janvier 2011 stipule que les entreprises doivent ouvrir leurs conseils à 20% de femmes d'ici 3 ans et à 40% d'ici 6 ans. En à peine deux ans, ces entreprises comptent d'ores et déjà 16,6% de femmes dans leur board [1]. Ce n'est pas le seul pays dans ce cas. Et ce n'est qu'un début.
D'ailleurs, la Commission européenne s'est emparée de cette question. Se basant sur le fait que, « au cours de la dernière décennie, malgré un débat public intense et plu sieurs initiatives volontaires, l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration n'a guère évolué en Europe », elle a proposé le 14 novembre 2012 une directive qui fixe un objectif minimum de 40% de membres du sexe sous-représenté parmi les administrateurs non exécutifs de conseils d'administration de sociétés cotées en Bourse en Europe d'ici 2020, ou d'ici 2018 pour les entreprises publiques cotées en Bourse. Sa vice-présidente, Viviane Reding, rappelle que « les conseils d'administration des plus grandes entreprises européennes restent dominés par les hommes et un plafond de verre empêche les femmes de talent d'accéder aux positions les plus élevées. Les femmes ne constituent que 15% des conseils non exécutifs et 8,9% des conseils exécutifs».
Cette proposition a donné lieu à de vifs échanges et Mme Reding a même été obligée de s'y reprendre à deux fois pour vaincre les résistances tant au sein de la Commission que face à 9 États membres qui sont opposés, par principe, aux quotas [2].
Mais il sera vraiment difficile de revenir en arrière.
Il faudrait même aller plus loin. En effet, les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler : 62,5% dans l'Union européenne. Elles sont aussi plus diplômées que les hommes : 58,9% des diplômes délivrés par des universités européennes. Elles ont investi peu à peu tous les secteurs professionnels. Mais elles ont encore du mal à investir les plus hauts postes hiérarchiques. S'ils ne sont pas la panacée, les quotas ont démontré leur utilité. Sans eux, la progression des femmes aurait été encore plus lente.Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront.
René CHAR
Ouvrir les portes des conseils d'administration, c'est bien mais pourquoi se limiter à ceux des seules sociétés cotées ? Des postes d'administrateurs sont aussi à conquérir dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou dans les petites et moyennes entreprises (PME). Et ces entreprises ont tout autant besoin d'être gouvernées par des hommes et par des femmes. Une étude [3] montre que les conseils d'administration en France comptaient en 2010 17,3% de femmes dans les PME contre 10,5% dans les grandes entreprises et 10,3% dans les ETI. Cette moyenne était plus favorable aux femmes dans les entreprises familiales que dans les autres. Il reste donc encore beaucoup à faire.
Sans tout attendre des quotas, les femmes ont décidé de relever leurs manches et montrer de quoi elles sont capables. Des initiatives ont vu le jour un peu partout dans le monde ; du Women's Forum, qui est devenu, en quelques années, le symbole mondial du « réseautage » au féminin, aux centaines de structures de réflexion conduites par des femmes qui ont bien compris tout l'intérêt du « Networking ». Il ne sera plus possible de faire comme avant. Les lois, les débats, les échanges, les volontés sont là pour faire bouger les choses et contribuer aux mouvements en cours pour briser « le plafond de verre ». Les pays nordiques ne sont plus seuls à afficher désormais de bons chiffres, comme par exemple la Norvège (36,3%) qui avait lancé la question de la présence des femmes dans les boards dès 2004. L'Europe tout entière s'y met, et même au delà. Il suffit de regarder la situation en Afrique du sud (17,4%).
Les femmes ne veulent plus s'en laisser conter et refusent les situations inacceptables. Lors du renouvellement d'un des membres du Directoire de la Banque centrale européenne [4], les députées européennes se sont étonnées que l'institution, qui a déjà compté des femmes au sein de son Conseil, ne désigne qu'un Directoire exclusivement masculin jusqu'en 2018 ! Au Parlement européen, elles ont bataillé pour obtenir gain de cause, en vain cette fois- ci, mais chacun a bien compris désormais que les institutions européennes devront à l'avenir, au moins, respecter les règles qu'elles se sont fixées, de réaliser « l'équilibre entre les femmes et les hommes dans le processus décisionnel, dans la vie économique et politique et dans les secteurs public et privé ». Il serait temps que cet objectif se concrétise enfin. Par exemple, lors du prochain renouvellement de la Commission en 2014, celle-ci pourrait être complètement paritaire et compter 14 femmes sur les 28 États membres que l'Union européenne comptera alors.
De plus, les femmes s'organisent pour contrer les arguments fallacieux selon lesquels on ne trouverait pas de femmes compétentes. Plusieurs initiatives ont vu le jour afin de recenser les femmes capables et les promouvoir auprès de ceux qui colportent ces contre-vérités. Des for mations ont été mises en place pour préparer les femmes aux fonctions d'administrateurs, des agences de conseil ont développé des activités pour sélectionner des femmes et, ainsi, répondre à la demande de certaines entreprises qui veulent désigner des femmes dans leurs conseils. Une certaine émulation se dessine. Des écoles de commerce européennes ont lancé le 12 décembre 2012 une base de données intitulée « Global Board Ready Women » [5] (Femmes du monde entier prêtes à entrer dans des conseils d'administration). Cette liste de 8 000 membres fait apparaître qu'il y a largement assez de femmes qualifiées pour contribuer à diriger de grandes entreprises au XXIe siècle et qu'il est temps de briser le plafond de verre qui les empêche d'accéder à des postes de direction. Cette initiative a reçu le soutien de Viviane Reding.
La nouvelle gouvernance qu'elle soit européenne ou nationale, politique ou économique, doit être repensée. Il faut s'adapter en permanence aux défis globaux qui remettent en cause l'ordre établi et nos repères. Sur le plan international, la Chine et d'autres pays émergents défient les positions américaine et européenne ; sur le plan économique, la crise bouscule nos certitudes et nos réflexions pour trouver les moyens d'en sortir. Enfin, sur le plan professionnel et social, la féminisation bouscule les mentalités. Chacun de ces phénomènes est un vecteur de changement.
Instaurer une culture de l'égalité implique un changement des mentalités et une lutte contre les stéréotypes persistants. Cela suppose de part et d'autre une volonté de réussir cette mutation : les femmes s'y préparent en se formant, en se remettant en question, en définissant leur rapport au pouvoir et en osant affirmer leurs valeurs, leurs motivations et leurs ambitions. Les hommes doivent faire de même et certains s'y sont déjà attelés. Car nous ne pourrons relever qu'ensemble les défis qui nous attendent.
Dans le monde, l'Europe est perçue comme un modèle en matière de droits des femmes. Ne décevons pas ceux et celles qui nous regardent en ne réalisant pas une vraie égalité hommes-femmes.
Cet impératif devrait d'ailleurs davantage faire partie intégrante des politiques extérieures que l'Europe mène pour soutenir les mouvements de démocratisation et le développement. L'exemple des pays du sud de la Méditerranée, qui ont vécu le printemps arabe en 2011, s'impose immédiatement : l'Europe devrait conditionner son aide, qui est l'une des plus importantes du monde, au respect plein et entier des droits des femmes par les nouveaux régimes. Il s'agit d'une question de principe, qui rejoint l'intérêt de ces pays : sans les femmes, les réformes seront plus difficiles.
La bataille est sans doute moins rude en Europe pour les femmes que pour nos voisines d'outre-Méditerranée. Mais elle a une valeur de symbole. Les progrès que nous accomplissons leur servent de modèles. L'Europe doit être exemplaire. En un mot, oser.
Les femmes, elles aussi, osent de plus en plus. Elles sont convaincues que pour s'adapter aux nouvelles exigences du monde, les entreprises comme les sociétés doivent faire appel à tous les talents, y compris les leurs. Elles sont complémentaires des hommes et peuvent apporter un « plus » dans la gestion et le management. Leur spécificité peut être une richesse. Encore faut-il oser relever le défi de mettre des femmes à tous les postes. La modernité réside dans une société paritaire : le courage, la diversité, l'adaptabilité, la nouvelle gouvernance plus équilibrée entre les hommes et les femmes sont les vertus indispensables de la réussite des sociétés au XXIe siècle.
Pascale JOANNIN,
Directrice générale de la Fondation Robert Schuman.
Ancienne auditrice à l'Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN).
Elle est l'auteur de » L'Europe, une chance pour la femme »
Note de la Fondation Robert Schuman, n°22, 2004.
Elle codirigé l'Atlas permanent de l'Union européenne, Lignes de repères, 2012.
Pour en savoir plus, en particulier découvrir les infographies qui donnent en un clin d'œil, lire la lettre numéro 569 de la Fondation Robert Schuman
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