mercredi 14 août 2013

La santé des salariés, clef de la performance économique


Par Hervé Sérieyx, consultant, avec la revue "Personnel" | 14/08/2013

Les mutations modernes du travail accroissent la mauvaise santé psychologique de certains collaborateurs et génèrent des coûts colossaux, dégradant la compétitivité des entreprises.

Performance et santé des salariés
Crédits photo : Shutterstock.com
  On peut tenter de réduire la pénibilité des fonctions et des postes, traiter a posteriori les effets de la souffrance au travail, mettre en place des dispositifs de correction, des stages anti stress…Mais pour l’essentiel, la punition d’Adam continue : bosser, ça fatigue, voire ça détruit ; pire, dans la compétition féroce que nous connaissons dorénavant, où s’accroissent degré d’exigence organisationnelle, vitesse de réaction et dictature des process, il est inévitable qu’en pâtisse la santé psychologique des acteurs.

Le stress affecte la santé des salariés

Dans leur rapport d’il y a trois ans, Henri Lachman et Christian Larose (1) notaient déjà  « qu’au niveau européen, un travailleur sur trois estime que sa santé est affectée par le stress ressenti sur le lieu de travail (2) ». Et, bien sûr, cela ne va pas s’arranger : les réorganisations et les restructurations incessantes, la peur lancinante du chômage, la cannibalisation de la frontière vie privée-vie professionnelle par les technologies de l'information et de la communication (TIC), le développement des nouvelles formes de taylorisme informationnel via les ERP, l’intériorisation par le management de la financiarisation accrue de l’économie et de sa conséquence immédiate, un court-termisme omniprésent, sans parler de la généralisation des organisations matricielles et du reporting permanent, tout cela va contribuer à accroître la mauvaise santé psychologique d’un nombre toujours plus nombreux de collaborateurs et générer des coûts induits colossaux pour en corriger les effets, dégradant d’autant la compétitivité globale des entreprises.
 

La révolution de « l’approche qualité » au Japon

L’hypothèse, c’est que cette problématique ressemble furieusement à celle que les économies occidentales ont dû affronter quand il leur a fallu constater qu’à l’instigation de deux professeurs américains, Juran et Deming, les Japonais avaient mis en œuvre dans leurs usines la « démarche qualité » : il ne servait à rien de contrôler en bout de chaîne la non qualité des unités produites et de payer le coût astronomique de leur remise aux normes ; mieux valait intégrer la qualité dans la conception même des processus de production pour « faire bien du premier coup ». Ce qui allait donner à l’industrie japonaise un avantage concurrentiel momentanément déterminant ; et, en conduisant le monde entier à imiter cette approche, à diminuer de façon considérable les coûts de production.

Le Québec, en avance sur l'enjeu du bien-être au travail

Hervé Sérieyx
Hervé Sérieyx
 
C’est sur ce même « pattern »- « l’approche santé » à l’instar de « l’approche qualité »- que la communauté économique québécoise, si souvent inventive et avant-gardiste, s’efforce actuellement d’imaginer comment des types originaux d’organisation permettraient de développer concomitamment performance et santé de ceux qui la produisent, tant il est évident que l’économie de la connaissance –nouvel Eldorado des futures années- ne saurait advenir qu’avec des collaborateurs bien de leur tête. Un séminaire étonnant réunissait à Montréal à la fin mars 2013 la fine fleur des dirigeants québécois, publics et privés – le président du patronat , la présidente de la fédération des chambres de commerce du Québec, les numéros 2 du Mouvement Desjardins et de la Caisse des dépôts, le DG des organisations publiques, de très nombreux chefs d’entreprise et des responsables syndicaux- sous l’animation de la Société québécoise de psychologie du travail et des organisations (SQPTO). But de l’opération : confronter les exemples concrets où le développement de la santé à été intégré, d’entrée de jeu, dans la conception des organisations, mesurer l’accroissement de performance qu’une telle approche a permis et en tirer des leçons opérationnelles.

« L'approche santé », source de compétitivité

Ils étaient peu nombreux, moins de dix, ceux qui, voici plus de trente ans, ont lancé en France la révolution de« l’approche qualité » –et l’auteur de ces lignes en était- : ils ont tenu face aux zélateurs imbéciles du taylorisme à tout crin. C’est leur grande satisfaction personnelle et leur orgueil que d’avoir ainsi contribué à sauver des milliers d’entreprises et des millions d’emplois que la doxa d’alors aurait irrémédiablement condamnés. Aujourd’hui, dans l’économie de la connaissance, c’est l’incorporation de « l’approche santé » à la conception des organisations qui, à l’évidence, va faire la différence au sein de la bataille de la compétitivité. Les DRH parviendront-ils à en convaincre à temps leurs propres dirigeants ou la cécité proverbiale et l’insubmersible conservatisme gaulois feront-ils prendre au monde patronal et aux partenaires syndicaux quelques métros de retard ? Un retard qui, dans le monde d’aujourd’hui, ne se rattrape plus.
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(1) Rapport au Premier Ministre sur l’amélioration des conditions de santé psychologique au travail ; février 2010 (à consulter ci-dessous)
(2) Source : Fondation de Dublin

Bien-être et efficacité au travail : 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail (2010)

Rapport présenté par Henri Lachman (Schneider Electric), Christian Larose et Muriel Pénicaud (Danone)

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