Le texte a connu diverses pré-publications dans les journaux de l’époque sous forme d’extraits dans la Revue des deux Mondes en mai 1831, sous le titre Une débauche publié un mois plus tard dans le Cabinet de lecture et le Voleur. La Revue de Paris publie à son tour une version du texte sous le titre le Suicide d’un poète.
Ces pré-publications provoquèrent un engouement tel que l'ouvrage fut rapidement épuisé peu après sa publication définitive, bien que Balzac délivrât son manuscrit avec cinq mois de retard.
Ne voir que du réalisme dans ce texte pourrait être un contresens si l'on en croit les balzaciens français :
Cette œuvre peut être considérée comme le premier vrai roman de Balzac3.« Dans Les Martyrs ignorés Balzac semble, par la maladie de poitrine (déjà évoquée dans Le Lys dans la vallée à propos du fils de Madame de Mortsauf1), avoir voulu réduire le destin fantastique du personnage de Raphaël à une simple mort par tuberculose, comme il le faisait déjà partiellement dans La Peau de chagrin. Pour faire rentrer Raphaël dans la Comédie humaine, sans doute faillait-il rendre le personnage à un monde plus réaliste. Balzac n'y est jamais parvenu (...). S'obstiner à ne voir en Balzac qu'un auteur réaliste et s'indigner du fantastique dans ce roman serait faire une grave erreur de perspective historique et témoignerait d'une vision (heureusement de moins en moins partagée) myope et positiviste de l'ensemble de la production balzacienne2. »
Le thème central de ce roman est le conflit entre désir et longévité. La peau de chagrin magique représente la force vitale de son propriétaire, et se racornit à chaque satisfaction de son désir d'autant plus s'il vise à l'accroissement de puissance. Faisant fi de la mise en garde de l'antiquaire qui lui offre cette peau, le héros s'entoure de richesses pour se retrouver misérable et décrépit à la fin du roman.
L'expression « peau de chagrin » est entrée dans le langage commun pour désigner tout ce qui se réduit invinciblement à l'usage 4.
La Peau de chagrin
Le jeune aristocrate Raphaël de Valentin, après avoir perdu son dernier sou au jeu, a l'intention de se suicider. Il rentre par hasard chez un antiquaire, où un vieil homme lui montre alors « une peau de chagrin »14 ayant le pouvoir d’exaucer tous les vœux de son propriétaire : « Si tu me possèdes, tu posséderas tout, mais ta vie m'appartiendra ». Le vieillard met en garde le jeune homme : chaque désir exaucé fera diminuer la taille de cette peau, symbole de sa vie : « Le cercle de vos jours, figuré par cette Peau, se resserrera suivant la force et le nombre de vos souhaits, depuis le plus léger jusqu'au plus exorbitant ». Le jeune homme accepte ce pacte diabolique, sans bien mesurer les mises en garde de l'antiquaire. Dans un premier temps, Raphaël ne se préoccupe pas de cet avertissement et se lance dans des folies. Il devient immensément riche, mène grand train, connaît la gloire et les succès mondains. La Peau lui procure l’énorme héritage d’un oncle et l’amour de Pauline, sa jeune voisine. Mais très vite le jeune homme passionné qui envisageait de produire une grande œuvre (La Théorie de la volonté), devient un être prématurément vieilli, dévoré par une maladie, que ni les plus savants médecins ni les cures dans des villes d’eau ne peuvent sauver. Prenant conscience de l’inexorable rétrécissement de la peau, et du temps qui lui est compté, il en vient à vivre en reclus, espérant éviter toute occasion de formuler quelque vœu que ce soit. Sa survie devenant sa seule préoccupation, il constate que, bien que doté d’un pouvoir extraordinaire, il n’en a rien fait, et il meurt rongé d’amertume, foudroyé par un dernier désir, celui de vivre encore.
Derrière le conte fantastique se retrouve le thème classique du pacte avec le Diable : « Je t’offre la réalisation de tes désirs contre ta vie ou ton âme ». Il rappelle au lecteur que toute chose a un prix et que le bonheur perpétuel n’existe pas. Un choix est indispensable entre vivre plus intensément moins longtemps et moins intensément plus longtemps. C’est d’ailleurs l’objet de la discussion entre Raphaël de Valentin et l’antiquaire sans âge qui lui offre la peau. De façon plus générale, cette œuvre constitue une réflexion sur le désir : faut-il chercher à satisfaire tous ses désirs pour être heureux ?
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