Comment mesurer son véritable impact sur les ressources en eau.
- Dans une piscine de Dakar, en 2007. Finbarr O'Reilly / REUTERS -
On connaissait déjà les carborexiques, qui scrutent leurs émissions de gaz à effet de serre avec la même anxiété que d'autres leurs calories. Un jour, peut-être, verra-t-on apparaître les hydrorexiques: ceux-là tenteront de limiter au maximum leur impact sur les ressources en eau douce et potable de la planète.
Car le Forum Mondial de l'Eau qui se tenait à Marseille au mois de mars l'a encore répété: l'approvisionnement de la planète en eau potable devient un véritable défi, et certaines parties du monde sont menacées d'un grave «stress hydrique» qui peut aussi mettre en danger leur agriculture.
La France, a priori, n'est pas l'un des pays les menacés —même si la pollution des nappes phréatiques, et les phénomènes de sécheresse désormais récurrents constituent de vraies préoccupations. Pas question pour autant de se défiler! Car de la même façon qu'en achetant des iPhones fabriqués en Chine ou de la viande d'agneau néo-zélandais nous contribuons à l'émission de gaz à effet de serre, nos importations sont loin d'être neutres sur les bassins hydriques des régions d'où elles proviennent.
Trouver une méthodologie et un compteur
Savez-vous par exemple quel volume d'eau est, directement ou indirectement, utilisé pour fabriquer un ordinateur? Une simple tablette de chocolat? Ou un steak haché? Certes, l'eau se recycle dans le fameux «cycle de l'eau» qu'apprennent tous les écoliers d'école primaire. Mais certaines régions sont malgré tout moins bien loties que d'autres. Comment savoir si les produits que nous consommons contribuent aux difficultés d'approvisionnement dans certains pays? Ou s'ils polluent les eaux locales?
Difficile pour l'instant de le savoir. Et, partant, d'arrêter le gâchis. Car si l'on peut désormais calculer les grammes d'équivalent CO2 de presque chaque produit ou activité, mesurer leur impact sur les bassins d'eau locaux reste bien plus compliqué.
Certains ont pourtant développé des méthodologies. La plus connue est la notion d'empreinte hydrique, inventée par le chercheur Arjen Y. Hoekstra et développée par le Water Footprint Network. L'ISO, l'organisme international chargé de la normalisation, planche également sur le sujet. Mais cette notion «d'empreinte eau» reste encore réservée à un cercle d'initiés.
La notion, il est vrai, est un peu complexe. Car l'empreinte hydrique mesure des flux d'eau «virtuels». Pas question en effet, pour la calculer, de se fier à son compteur.
Quelle eau utilisée
L'impact de nos activités sur les ressources en eau de la planète est bien plus large que notre seule consommation d'eau qui, si l'on en croit Veolia, est en France, d'en moyenne 137 litres par personne et par jour.
Ce chiffre ne comptabilise que notre consommation domestique et ignore toute l'eau qu'il faut pour fabriquer les produits qui nous entourent ou délivrer les services que nous achetons.
Mais même si nous connaissions ces derniers chiffres, cela ne suffirait pas. Encore faut-il savoir si l'eau qui «rentre» dans nos corn flakes, nos iPad ou nos vêtements vient des précipitations (eau de pluie), des lacs et rivières, ou des nappes phréatiques… La distinction n'a rien d'anodin, car l'eau des nappes phréatiques est la plus précieuse pour l'approvisionnement en eau potable. Mieux vaut, autrement dit, éviter de l'utiliser pour des usages industriels ou agricoles.
De la même façon, il est crucial de savoir dans quel état les eaux utilisées dans les processus domestiques, industriels et agricoles est rejetée dans la nature: cette eau dite «grise» s'échappe-t-elle sous forme de vapeur? Est-elle ou non réinjectée dans son réservoir d'origine (ce qui n'est quasiment jamais fait pour les nappes phréatiques), et comment vient-elle alors —éventuellement— perturber l'environnement? Quelle est sa température, quelle est sa pureté?
Tous ces facteurs sont primordiaux pour mieux comprendre comment les différents usages de l'eau impactent les bassins hydriques et, par conséquent, pour réfléchir à des améliorations éventuelles.
Et les eaux «grises»?
Mais mesurer ces impacts n'est pas simple: il faut comptabiliser les consommations, les rejets, tester les eaux rejetées… Et comment indiquer au consommateur que le produit qu'il achète, même s'il n' a pas beaucoup «consommé» d'eau, l'a, par exemple, polluée? L'empreinte hydrique, telle que définie par le WFN, tente d'intégrer tous ces facteurs: elle comptabilise certes les consommations d'eau, mais leur ajoute aussi les volumes d'eau rejetés.
Ceux-ci sont en outre pondérés par un coefficient correcteur qui mesure l'écart entre le PH (acidité), la température et la propreté des eaux rejetées et des eaux locales: ces coefficients sont censés refléter les volumes d'eau supplémentaires nécessaires pour diluer le surplus de température ou de polluants rejetés par ces eaux grises.
L'industriel ou l'agriculteur qui arrive à recycler l'eau qu'il utilise et à purifier celle qu'il rejette peut donc diminuer très sensiblement son empreinte hydrique.
L'idéal serait bien évidemment de pondérer ce résultat par le niveau de stress hydrique de la région où s'opère cet impact sur l'eau. Ce n'est, pas encore, le cas.
N'empêche, le WFN a déjà quelques calculs d'empreintes hydriques dans sa besace: ainsi, l'empreinte hydrique moyenne des pays approcherait 1.385 m3 par an par personne, avec 2.842 pour les Etats Unis et 1.071 pour la Chine. En France, ce chiffre s'élève à 1.875 m3 dont 37% sont d'origine importée.
Celle d'un kilo de boeuf serait de 15.400 litres, celle du même poids de poulet de 4.300. Celle des fruits (un kilo) de 962 et des légumes de 322. Celle d'une tasse de thé de 35 litres, d'une tasse de café de 140. Ses experts ont aussi mis en garde contre une trop forte montée en puissance de la biomasse comme source d'énergie alternative au charbon ou au pétrole: son empreinte hydrique est de 40 à 700 fois supérieure!
Catherine Bernard
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