mercredi 8 août 2012

Dieu est-il de gauche et le Diable de droite ?

L'extrême-droite a une fonction primordiale dont on mésestime le danger : donner bonne conscience à ceux qui la combattent.
L'extrême-droite a une fonction primordiale dont on mésestime le danger : donner bonne conscience à ceux qui la combattent. Crédit Flickr / coincoyote

Il est commun de penser que les valeurs de gauche, humanistes et sociales, sont plus honorables que celles de droite, beaucoup plus individualistes. Mais en réalité, les extrêmes qu’ils soient de gauche ou de droite ont engendré des monstres et la même menace, celle d’une vision totalitaire du monde.
L’extrême-droite a une fonction primordiale dont on mésestime le danger : donner bonne conscience à ceux qui la combattent. Un peu comme cet enfant à problèmes désigné d’« enfant symptôme » par les psychiatres : en détournant l’attention sur lui, il évite à chacun de douloureuses introspections. Le « petit diable » soulage du poids du doute.
Pour l’extrême droite, pas question de diminutif : rien de « petit », elle est « le » diable lui-même. Un de mes amis universitaire, pourtant laïc et éclairé par les Lumières, s’est montré catégorique à propos du récent vote : jamais il n’aurait donné sa voix à un parti qui a pactisé avec le diable.
Bien. Mais puisqu’on donne dans les références religieuses, peut-on savoir où se trouve dieu ? Existe-t-il un diable sans dieu ? Ne sont-ils pas, dans la Bible comme dans la représentation populaire, deux faces du même absolu ?

L’extrême-droite a une fonction primordiale dont on mésestime le danger : donner bonne conscience à ceux qui la combattent. Un peu comme cet enfant à problèmes désigné d’« enfant symptôme » par les psychiatres : en détournant l’attention sur lui, il évite à chacun de douloureuses introspections. Le « petit diable » soulage du poids du doute.
Pour l’extrême droite, pas question de diminutif : rien de « petit », elle est « le » diable lui-même. Un de mes amis universitaire, pourtant laïc et éclairé par les Lumières, s’est montré catégorique à propos du récent vote : jamais il n’aurait donné sa voix à un parti qui a pactisé avec le diable.

Bien. Mais puisqu’on donne dans les références religieuses, peut-on savoir où se trouve dieu ? Existe-t-il un diable sans dieu ? Ne sont-ils pas, dans la Bible comme dans la représentation populaire, deux faces du même absolu ?
D’ailleurs n’est-ce pas cet absolu lui-même – quand on l’applique aux affaires courantes – qui  provoque tant de dégâts ?

Certes, l’extrême droite a une particularité. Elle a engendré Hitler, l’incarnation du mal. Mais du malin ? Pas précisément : Hitler n’est pas le diable. Pour notre plus grand malheur, il n’est qu’un homme... Un homme comme bien d’autres, presque « normal ». Et même, à  beaucoup d’égard, plus « convenable » que Churchill : sobre en toutes choses, esthète amateur d’Opéra, vertueux végétarien souffrant de la façon dont on traite les bêtes à l’abattoir, âme sensible exigeant l’occultation des fenêtres de son wagon face aux dégâts des bombardements, cœur tourmenté désireux de s’unir à son aimée avant de mourir. Son tort est d’avoir identifié le diable : ce dernier avait pris pour lui, comme on le sait, l’apparence des Juifs.

Les dieux de la gauche, qu’ils s’appellent Staline, Mao, Pol Pot, ont fait également d’innombrables morts. Mais ils n’ont pas l’éclat noir du diable. Sans doute parce qu’ils cherchaient la lumière. Guider les hommes dans le sentier lumineux produit autant de ravages que de vouloir les guérir du diable… Mais la lumière éblouit tous ceux qui ont un grand cœur -ou s’en attribuent un - au point d’oublier que Dieu et Diable, lorsqu’ils descendent sur terre, se ressemblent. Ils écrasent l’homme au nom de l’absolu.

De droite comme de gauche, les extrêmes représentent la même menace : celle d’un absolu autour duquel s’ordonne une vision totalitaire. Cette menace est sans gravité pour un peuple averti. Elle n’est que la marge d’un déploiement où chacun trouve sa place. Elle borne le débat, et l’enrichit par des interrogations critiques - comme ces marginaux auxquels les sociologues attribuent un rôle bienfaisant pour la société, en relativisant les normes. Rien de nocif dans les extrêmes, tant qu’ils nourrissent le dialogue. C’est ce qu’on a bien compris à gauche. Pourquoi la droite s’en prive-t-elle ?
Question de bonne conscience ? Gare, en ce cas, à un autre phénomène bien connu des psys : le retour du refoulé. Qui pourrait faire de la vague Marine un tsunami.


Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet est psychiatre, ancien Chef de Clinique à l’Hôpital Sainte-Anne et Directeur d’enseignement à l’Université Paris V.
Ses recherches portent essentiellement sur l'attention, la douleur, et dernièrement, la différence des sexes.
Ses travaux l'ont mené à écrire deux livres (L'attention, PUF; Sex aequo, le quiproquo des sexes, Albin Michel) et de nombreux articles dans des revues scientifiques.




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