dimanche 30 mars 2014

Turquie: Erdogan veut "refermer le couvercle sur la société"

Propos recueilli par , publié le

Alors que des municipales ont lieu ce dimanche en Turquie, le gouvernement turc a ordonné cette semaine le blocage de YouTube, après celui de Twitter. Didier Billion, directeur adjoint de l'Iris, spécialiste de la Turquie, explique les enjeux de cette décision. 

Turquie: Erdogan veut "refermer le couvercle sur la société"
Une semaine après le réseau Twitter, le gouvernement turc a bloqué jeudi l'accès à YouTube après la diffusion sur internet de l'enregistrement d'une réunion confidentielle évoquant une intervention militaire turque en Syrie.
Reuters/Umit Bektas
 
Comment expliquer l'attitude du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui, après avoir interdit Twitter, vient d'ordonner le blocage de Youtube? Parce que le gouvernement est de plus en plus sous la pression des réseaux sociaux qui distillent chaque jour, depuis la mi-décembre, des révélations sur la corruption et maintenant sur une éventuelle opération militaire en Syrie. Si elles sont avérées, ces dernières fuites sur une conversation à laquelle aurait participé le ministre des Affaires étrangères et le chef des services de renseignements montrent d'ailleurs le degré d'infiltration des "Gülenistes" (la très influente confrérie de Fethullah Gülen) dans l'appareil d'Etat.
Peut-il réussir ?
La Turquie est l'un des pays au monde où on utilise le plus Twitter. La réaction des internautes après la décision de bloquer le site de microblogging a montré que ces tentatives sont vaines.
Cette tentative de reprise en main ne se limite pas aux médias...
Erdogan espère sortir de ce bras de fer la tête haute. Il est dans une logique de polarisation, une véritable fuite en avant. Il imagine qu'il va pouvoir refermer le couvercle sur la société turque. Mais il est coupé de la réalité du pays. Il se pare de la légitimité conférée lors des dernières législatives, où son parti, l'AKP avait obtenu 49,3% des voix. Cette légitimité -que personne ne lui conteste, pas même les jeunes qui manifestaient à propos du parc Gezi l'été dernier- lui donne le droit, pense-t-il, de tout décider. Cette dérive est inquiétante. Erdogan met en cause l'Etat de droit en Turquie.
La crise récente et la crispation sur les réseaux sociaux peuvent-elle avoir des conséquences lors des municipales, dimanche?
C'est presque impossible à prévoir. Certains sondages lui donnent un score de 40%, mais aucun de ces instituts n'est réellement indépendant. Pour autant, le Premier ministre dispose encore d'une base sociale et électorale forte. La Turquie reste un pays conservateur. L'AKP a certes contribué à bouleverser le mode de fonctionnement de la société, et pas seulement dans les grands centres urbains. Mais ces changements peuvent aussi entrainer une réaction de repli dans une partie de la population.
Depuis le début de la crise en décembre, en tout cas, il y a eu très peu de démissions au sein de l'AKP. Erdogan bénéficie par ailleurs de la faiblesse de l'opposition. Elle a été incapable de tirer profit de la contestation de l'été dernier, incapable de proposer une alternative. Quant aux "Gülenistes", pas sûr que leur pénétration dans l'appareil d'Etat se traduise dans les urnes. Ils ont donné des consignes de votes variables d'une ville à l'autre, ce qui rend d'autant plus complexe toute tentative de prévision. Enfin il ne faudra pas mesurer ces résultats seulement à l'aune des dernières législatives mais aussi à celles des dernières élections locales, il y a six ans, où son parti avait obtenu 38% des suffrages. Un score de 40% pourrait dont être considéré par Erdogan comme une carte blanche.

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/blocage-de-youtube-en-turquie-erdogan-veut-refermer-le-couvercle-sur-la-societe_1504104.html#aHcvbjJLV0KdK5RI.99

DENIED – La Turquie n’est pas la seule à bloquer Youtube et Twitter

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Carte reproduite avec l'aimable autorisation de Mother Jones (l'article original est ici).
Comme le souligne le site d'information Mother Jones, la Turquie n'est pas le seul pays à avoir décidé de bloquer totalement l'accès à certains réseaux sociaux occidentaux - en l’occurrence Youtube, le 27 mars, et Twitter, le 21 mars, le président Erdogan jugeant que ces plateformes "entravent la sécurité de l'Etat" après la publication d'enregistrements clandestins compromettant pour le pouvoir (dont l'authenticité n'a toutefois pas été confirmée).
En prenant de telles mesures, la Turquie rejoint la liste des pays ci-dessous :
  • la Chine, qui a bloqué Facebook, Twitter et Youtube après les émeutes meurtrières de la communauté ouïgoure en 2009. Plus de 129 millions de personnes utilisent toutefois quotidiennement Weibo, une plateforme aux fonctionnalités équivalentes à celles de Twitter et tolérée par le régime (lire notre blog consacré à l'utilisation de Weibo en Chine).
  • l'Iran, qui bloque la plupart du temps l'accès à Facebook, Twitter et Youtube depuis la réélection de Mahmoud Ahmadinejad en 2009.
  • le Pakistan, qui a bloqué Youtube en 2012 lors des émeutes qui ont suivi la diffusion du film anti-Islam.
  • la Corée du Nord, où l'accès à Internet est sévèrement contrôlé (lire le rapport de Reporters sans frontières : la Corée du Nord, ennemie d'Internet).
  • l’Érythrée, où l'accès à Youtube est bloqué et Internet contrôlé par l'Etat, selon le rapport de plusieurs organisations défendant la liberté d'expression (Ifex, Freedom house).
Par le passé, rappelle également Mother Jones, d'autres pays ont également bloqué, pendant plusieurs jours, mois ou années, l'accès complet à Facebook, Youtube et Twitter, pour des raisons essentiellement politiques. Parmi eux, le Bangladesh, la Libye, la Syrie, le Tadjikistan, la Biélorussie.
Dans la plupart des cas, ces blocages compliquent mais n'empêchent pas complètement l'accès des populations aux sites en question, grâce à plusieurs techniques de contournement.
>> Lire : Comment les internautes turcs contournent la censure d'Internet

Regardez les vidéos qui auraient entraîné le blocage de YouTube en Turquie


Capture d'écran de la première vidéo

Après Twitter, c'est donc YouTube qui est passé dans le collimateur du gouvernement turc. Ce dernier a rendu impossible tout accès au service de vidéos en ligne de Google dans le pays jeudi 27 mars.
La raison? La diffusion d'informations compromettantes pour le régime.

Et plus précisément dans le cas de YouTube, d'une vidéo contenant «un enregistrement audio illégal d'une réunion clé concernant des questions de sécurité en Syrie», explique The Daily Dot. On y entendrait deux officiels turcs, qui envisageraient de «simuler une attaque contre leur propre pays» afin de constituer une excuse pour attaquer la Syrie voisine, explique de son côté USA Today.
The Daily Dot propose de visualiser les deux clips en question, qui sont davantage une compilation «de photos et de retranscriptions». Il les accompagne d'une traduction anglaise des propos tenus sur l'enregistrement en question, «que de nombreux turcophones ont indiqué être fidèles», précise encore le site américain. Qui ajoute:
«Les voix sur l'enregistrement seraient celles du ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoğlu et du chef du renseignement (le MIT) Hakan Fidan.»
Voici un extrait des propos qu'aurait tenu Hakan Fidan:
«J'enverrai 4 hommes de Syrie, s'il le faut. J'inventerai une excuse pour faire la guerre en ordonnant une attaque au missile sur la Turquie; on peut aussi préparer une attaque sur la tombe du Shah Suleiman si nécessaire.»
La tombe en question est une exclave de la Turquie en Syrie, hautement symbolique pour les Turcs, explique The Daily Dot, puisque c'est là qu'est censé reposer le grand-père du «fondateur de l'Empire Ottoman, une source de la fierté nationale turque».

Le Monde, qui renvoie également vers ces deux vidéos diffusées sur un compte anonyme, prévient néanmoins que leur authenticité n'a pas pu être confirmée.

Ce qui n'a pas empêché de susciter l'ire des responsables du régime. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a évoqué «un acte ignoble, lâche, immoral», et promet «aux auteurs de cette fuite de les poursuivre "jusque dans leurs caves"», rapporte encore Le Monde.

Il y a une semaine, c'est la diffusion de communications téléphoniques impliquant Erdogan dans un scandale de corruption qui a motivé la Turquie à bloquer Twitter. Invalidé par un tribunal turc, le blocage ne s'en est pas moins répandu à d'autres services: YouTube, mais aussi les serveurs DNS de Google, utilisés par les Turcs pour contourner la censure mise en place par le régime, indique l'Electronic Frontier Foundation.
 
Les fournisseurs d'accès empêcheraient également l'accès au site du projet Tor, qui permet aux utilisateurs de télécharger le navigateur qui leur permet d'aller sur Internet de manière anonyme. Et d'où part un trafic également très «difficile à filtrer», complète l'EFF.






» Les différentes façons de censurer Internet à lire dans «Nos conseils à Arnaud Montebourg pour bouter Google hors de France»

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