« Nul n’a de plus grand amour que celui-ci :
donner sa vie pour ses amis. »
Jean XV, 13.
L’origine de la dévotion du chemin de croix remonte au
quatorzième et quinzième siècles. Les Franciscains, qui recevaient les
fidèles, venus en pèlerinage à Jérusalem, pour participer à la passion
de Jésus en cheminant sur un parcours allant du tribunal de Pilate au
calvaire, prirent alors l’initiative d’étendre cette pratique à ceux qui
ne pouvaient se rendre en terre sainte. Ceci étant, il s’agit d’une dévotion essentiellement catholique,
celle-ci n’étant apparue qu’après le schisme de 1054. Comme le chemin
de croix n’existe pas davantage dans l’Église anglicane, celui de
l’Église-Cathédrale Saint Jean l’Évangéliste ne fut installé qu’en 2012,
à la demande de Dom Charles-Rafaël Payeur, après les restaurations des
murs intérieurs de l’église. Il date de la fin du dix-neuvième et
chacune de ses stations est constituée d’une peinture à l’huile,
réalisée sur cuivre, sur fond d’or et trame de style gothique. La
peinture sur cuivre présente l’avantage d’être moins fragile qu’une
toile et de mieux résister aux variations de température. Chaque station
est ornée d’un cadre en chêne massif, surmonté d’une croix, comme le
prévoit la tradition.
La première station du chemin de croix
de l’Église-Cathédrale Saint Jean l’Évangéliste
Chaque station du chemin de croix symbolise une étape
du chemin parcouru par le Christ lors de sa montée au calvaire. Le
nombre de stations varia dans le passé, comme les thèmes illustrés. Il
fallut attendre la fin du dix-septième siècle pour que leur nombre soit fixé à quatorze,
par les papes Clément XII et Benoît XIV qui donnèrent au chemin de
croix la forme qu'on lui connaît aujourd’hui. Les « stations » ainsi
fixées rappellent des épisodes rapportés par les évangiles, ou des
scènes empruntées à une tradition plus large, comme la rencontre avec
Véronique, ou les trois chutes du Christ portant sa croix. Certaines
scènes sont donc tirées des évangiles, alors que d’autres appartiennent
à la tradition orale.
Les quatorze stations du chemin de croix
de l’Église-Cathédrale Saint Jean l’Évangéliste
Ceci étant précisé, Dom Charles-Rafaël Payeur nous invite à revisiter chaque station, afin d’y percevoir autant d’étapes constituant un véritable parcours initiatique.
Celui-ci favorise un véritable processus de divinisation de l’homme en
lui indiquant la voie privilégiée de sa conformation au grand mystère de
l’amour. Dans cette perspective, le canon traditionnel rassemble les
scènes suivantes, chacune associée à un enjeu psycho-spirituel précis
sur le chemin de l’amour :
- Première station - Jésus est condamné à mort
- Deuxième station - Jésus est chargé de sa croix
- Troisième station - Jésus tombe sous le poids de sa croix
- Quatrième station - Jésus rencontre sa très sainte mère
- Cinquième station - Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix
- Sixième station - Une femme pieuse essuie la face de Jésus
- Septième station - Jésus tombe pour la seconde fois
- Huitième station - Jésus console les filles de Jérusalem
- Neuvième station - Jésus tombe pour la troisième fois
- Dixième station - Jésus est dépouillé de ses vêtements
- Onzième station - Jésus est cloué sur la croix
- Douzième station - Jésus meurt sur la croix
- Treizième station - Jésus est descendu de la croix et remis à sa mère
- Quatorzième station - Jésus est mis au tombeau
Ces quatorze stations sont généralement disposées,
depuis l’extrémité Est de la nef Nord, jusqu’à l’extrémité Est de la nef
Sud, en passant par l’Ouest. Ce circuit, inversé par rapport à la
circumambulation habituelle dans une église, montre que le parcours
ainsi balisé est étroitement associé à la mort et ne sera pleinement
accompli que dans l’expérience de la mort, au sens fort du terme. Dès
lors, le chemin de croix se fait habituellement dans le sens inverse des
aiguilles d'une montre, bien que cela ne soit pas une règle absolue.
Dans notre Église-Cathédrale, il est intéressant de
noter que son point de départ se fait sous le regard de l’Ange, l’un des
quatre Vivants. Il nous invite essentiellement à faire en sorte que
notre action soit conforme aux engagements de notre foi. Il se termine
sous le regard du Lion qui nous invite, pour sa part, à vivre pleinement
le sacrifice de soi dans la pratique de la charité.
La pratique du chemin de croix
Avant de préciser des modalités plus techniques dans la
pratique du chemin de croix, il importe de rappeler qu’il ne s’agit pas
d’un chemin de pénitence douloureux et larmoyant, comme trop de fidèles
l’ont malheureusement considéré au cours des siècles. En effet, cette
dévotion a trop souvent évolué vers des formes de piétismes fortement
empreintes de dolorisme. Le chemin de croix était alors vécu dans un
état d’esprit qui pourrait se résumer ainsi : « Offre tes souffrances
personnelles à Jésus qui a souffert pour tes péchés. ». Rien n’est
pourtant plus contraire à la foi chrétienne qu’une telle vision des
mystères de la Passion. En effet, le chemin de croix ne fut pas pour le
Christ une simple avancée vers le lieu de son supplice. Chacun de ses
pas, chacun de ses gestes et chacune de ses paroles matérialisèrent un
aspect du mystère de la divinisation.
Ainsi, le sacrifice de la croix n’a pas d’abord été
vécu pour « enlever les péchés du monde », mais pour indiquer le chemin
qui conduit l’homme à l’expérience de sa divinisation : « Celui qui veut
marcher derrière moi, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix
et qu'il me suive. » (Mt XVI, 24). C’est d’ailleurs dans cette
perspective que la croix fut pour le Christ une « heure de gloire ». De
même, pour les chrétiens, elle est un chemin qui les prépare à une
expérience de participation à la nature divine, ce qu’est le véritable
sens du sacrifice de la croix : « …accordez-nous, selon le mystère de
cette eau et de ce vin, de prendre part à la divinité de Celui qui a
daigné revêtir notre humanité… » (Liturgie catholique traditionnelle,
Messe de Saint Pie V). À cet égard, faut-il rappeler l’affirmation sans
cesse répétée des Pères de l’Église, affirmation sur laquelle repose
fondamentalement le christianisme : « Deus homo factus est ut homo fieret Deus. » (Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu).
Dans cette perspective, le chemin de croix, loin de
tout dolorisme malsain et déviant, devient un parcours de réflexion et
de prière sincères portant sur le mystère de l’amour et de la
renaissance. En effet, il est essentiellement au coeur d’une cérémonie
qui nous fait revivre les événements de la passion du Christ en nous
permettant de réfléchir sur sa signification, tout en méditant sur la
manière de concrétiser les différents enjeux qu’elle incarne dans notre
vécu quotidien. La pratique du chemin de croix est particulièrement
fréquente lors des vendredis du carême, et, plus encore, le vendredi
saint. Elle a bien souvent un caractère communautaire, étant accompagnée
de divers chants et prières, dont la séquence du Stabat Mater Dolorosa. Cependant, il s’agit d’abord d’une pratique personnelle et privée.
Sur un plan plus technique, le Chapitre Général de la
Fraternité Sacerdotale Saint Jean l’Évangéliste propose aux pèlerins, de
passage dans son Église-Cathédrale, de parcourir son chemin de croix en
méditant sur le mystère correspondant à chacune des stations. En
faisant cette déambulation, le corps est associé à la méditation, ce qui
est fort important. La voie judéo-chrétienne a d’ailleurs toujours été
celle d’un certain nomadisme.
En ce qui concerne la durée des méditations, il n'y a pas d’exigences
particulières. Il n’est pas davantage nécessaire de réciter des prières
spécifiques, bien que Dom Charles-Rafaël Payeur propose un petit rituel,
utilisant des prières qui évoquent clairement les enjeux associés aux
différentes stations. Il peut évidemment être modifié selon la
sensibilité de chacun.
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