samedi 17 août 2013
Les surdoués de la créativité
Cette vidéo de 56 minutes, réalisée par Petra Höfer et Freddie Röckenhaus, fait partie d'une série de documentaires diffusés sur Arte et intitulés « voyage au centre du cerveau ».
Le cerveau humain est la matière la plus mystérieuse qui soit, mais aujourd'hui, grâce aux recherches acharnées de certains scientifiques et aux nouvelles technologies, nous pouvons enfin commencer à en apprendre un peu plus sur ce fabuleux organe et ses étranges facultés.
Dans la bibliothèque du Trinity College à Dublin, le professeur Mickaël Fitzgerald spécialiste de l'autisme, a développé une théorie pour le moins osé. Après avoir compulsé les biographies de célébrités connues pour leur créativité hors norme, il a avancé la thèse suivante : une série de génie illustre, tel que Newton, Mozart, Beethoven, Freud, Alfred Hitchcock, Andy Warhol et Albert Einstein, présenterait des symptômes manifeste du syndrome d'asperger qui est une variante modérée de l'autisme.
Cette forme d'autisme décrite en 1944 par le pédiatre viennois, Hanz Asperger (qui lui a donné son nom), aurait pour conséquence, un dérèglement de l'équilibre entre l'hémisphère droit et l'hémisphère gauche du cerveau, ce qui entraînerait chez les sujets atteints, une obsession de la logique et de la classification d'autant plus forte que leurs aptitudes sociales sont faibles. Il indique que l'on peut également reconnaître ces caractéristiques dans une autre forme plus poussée de la maladie que les spécialiste appellent l'autisme de haut-niveau.
Einstein et Mozart n'étaient peut-être pas des autistes de haut-niveau, mais tout comme ces derniers, les génies bénéficieraient en quelques sortes, d'une défaillance dans l'organisation de leurs connections cérébrales. Bien que chez ces génies les déficits sociaux côtoient une intelligence exceptionnelle, les modules du cerveau ne sont pas aussi bien reliés que chez le commun des mortels et selon Fiztgerald, c'est de cette défaillance que découlerait leur génie.
Mais Fiztgerald n'est pas le seul à essayer de trouver les causes du génie. Depuis des siècles, d'autres scientifiques se sont intéressés de très près au cranes de ces géniales personnalités disparues. Ainsi, ils ont recensé des circonvolution-cérébrales, mesuré le cerveau sous toutes ses coutures, découvert des lobes pariétaux surdimentionnés chez Einstein et un nombre anormal de cellules pyramidales chez Lénine. Mais tout cela n'explique finalement pas grand-chose. Les facultés inouïes des autistes de haut-niveau, vont alors orienter les chercheurs vers une idée nouvelle. Et si la créativité des génies reposait avant tout sur la précision de la perception et sur la capacité à ignorer les stéréotypes et les conventions ?
Le docteur Darold Treffert de la société médicale du Wisconsin n'est pas étonné d'un tel raisonnement, il tient même à nous préciser que tout ce que nous savons aujourd'hui en médecine, nous l'avons appris en étudiant les maladies. Il est persuadé que c'est en étudiant les cerveaux désorganisés que nous avancerons dans la connaissance du cerveau en général et que le syndrome des autistes de haut-niveau nous offre une incroyable possibilité d'en apprendre un peu plus sur le fonctionnement de ce mystérieux organe.
Parmi les autistes de haut-niveau, Stephen Wiltshire, originaire de Londres, est-ce que l'on peut appeler une star. Il est reconnu dans la rue et ces tableaux sont exposés dans les plus grandes galeries d'art.
Stephen, surnommé « la caméra vivante », est autiste depuis son plus jeune âge. Comme beaucoup d'autistes, Stephen vit dans son propre univers et ne communique que difficilement. Ce n'est qu'à cinq ans qu'il réussit à prononcer ces premiers mots qui étaient « papier » et « crayon ».
Quelle ne fut pas la stupéfaction de sa famille lorsqu'à 11 ans, suite à un simple survol de Londres en hélicoptère, ils le virent dessiner le centre-ville avec une exactitude saisissante. Tout coïncidait avec la réalité jusqu'à la moindre petite fenêtre présente sur un immeuble.
Apprenant ce fait extraordinaire et pour les besoins de ce documentaire, l'équipe de tournage a décidé de tester la surprenant faculté de Stephen dans une ville qui n'a jamais vu, Rome. Après un survol en hélicoptère d'une durée de 45 minutes, Stephen devra dessiner une vue panoramique du centre historique de la ville et pour pimenter un peu plus ce challenge de taille, il n'aura que trois jours pour y parvenir.
Stephen procède comme s'il possédait dans son esprit une photographie détaillée de la ville, il ne fait aucune exquise, ni aucun croquis schématique préliminaire. Et au bout des trois jours, il a bel et bien réussi, à reproduire la vue aérienne qu'il avait vu de Rome avec une exactitude pour le moins déconcertante, tout y est de la basilique Saint-Pierre au panthéon en passant par le moindre recoin du Colisée.
Et l'histoire qui va suivre est tout aussi étonnante, c'est celle de Matt Savage, un petit prodige parmi les autistes de haut-niveau. À six ans, Matt découvre la logique des 88 touches d'un piano, parvient à apprendre à en jouer en une seule nuit et seulement six mois plus tard, il maîtrise déjà des morceaux des plus compliqués tels que les sonates de Schubert. À l'âge de sept ans, il se met à composer ses propres œuvres de jazz qui seront immortalisées peu de temps après dans son premier album. À la veille de son treizième anniversaire, Matt se produit au « Birdland », l'un des plus célèbre club de jazz de New-York, où il ne joue que des morceaux de sa propre composition devant les yeux ébahis de son plus grand « fan », Monsieur Robert De Niro, rien que sa !
Malgré ses facultés exceptionnelles et même si l'apprentissage est pour lui un jeu d'enfant, les troubles causés par cette maladie l'empêchent de suivre une scolarité normale. Son instruction à donc lieu à son domicile, en compagnie de sa sœur également autiste.
Voyons à présent le cas d'Alonzo Clemons qui fait partie d'une petite centaine d'autistes de haut-niveau qui ont réussi à se faire connaître pour leurs facultés exceptionnelles.
Alonzo n'est pas un autiste de naissance, il ne le devint que suite à une sérieuse chute sur la tête survenue lorsqu'il avait deux ou trois ans. Cet accident a causé de graves lésions dans l'hémisphère cérébral gauche de son cerveau qui ne s'en est jamais complètement remis et aujourd'hui encore, il ne sait ni lire, ni écrire, ni calculer et il ne saura jamais conduire une voiture. Mais avec des blocs d'argile, de goudron ou de cire, Alonzo est capable de faire de véritables petits miracles.
Il parvient à modeler des figurines très précise d'animaux en quelques minutes à peine et la plupart de ces animaux, Alonzo ne les connait pourtant que pour les avoir vus dans des livres. Sa faculté à transposer ces photos en figurines tri-dimensionnelles, est l'une des aptitudes les plus énigmatiques qui soient pour un autiste de haut-niveau. D'autant plus que son cerveau, bien que fonctionnant parfaitement lorsqu'il s'agit de sculpter des animaux, est incapable de traiter les formes humaines. Certains experts pensent que des aptitudes semblables sommeillent en chacun d'entre nous, mais quelles sont dominées par des facultés plus complexes comme le langage par exemple. Après des années de foyer, Alonzo a aujourd'hui un travail à mi-temps et vit dans son propre appartement passant ces journées à façonner des milliers de figurines d'animaux.
Afin d'essayer de mieux comprendre le mécanisme qui se passent dans le cerveau des autistes de haut-niveau, ce documentaire nous emmènera faire un petit tour dans le laboratoire de trois chercheurs renommés.
Commençons par Allan Snyder. Pour les neurologues les plus conservateurs ce docteur en physique, passe au mieux pour un excentrique et le campus de l'université de Sydney, est l'un des rares endroits où il passe à peu près inaperçu. Il a pourtant mis au point de nombreuses théories scientifiques qui ont longtemps fait l'objet de vives controverses jusqu'à ce que d'autres chercheurs ne viennent les étayer.
En résumé, l'idée d'Allan Snyder est que les autistes de haut-niveau voient le monde tel qu'il est réellement et non pas comme nous, par le prisme de nos expériences passées. Pour lui, ces sujets présentent une défaillance dans le système de filtrage qui permet à notre cerveau de séparer l'important de l'accessoire et c'est cette défaillance cérébrale qui serait la clé de leur exceptionnelle créativité.
Dans son laboratoire de Sydney, il va tenter de prouver sa théorie en déconnectant sur des volontaires ces filtres, grâce à une technologie appelée « SMT », l'abréviation de Stimulation Magnétique Transcranienne. Cette technologie lui permet de neutraliser des zones déterminées du cortex, pendant une période de 10 à 20 minutes. Et comme certains autistes de haut-niveau n'ont développé leur faculté qu'après un accident au niveau du lobe temporal gauche, c'est cet endroit qu'Allan Snyder soumettra aux impulsions magnétiques. Puis, il demandera aux cobayes de lire sur un moniteur, une série de dictons contenant des erreurs insérer volontairement. Il affirme que si l'on insère deux « du » à la place d'un seul dans une phrase, les sujets les ignorent presque toujours, mais qu'après la Stimulation Magnétique Transcranienne, ils les relèvent presque tous. Selon lui, cette perception inhabituellement précise et objective serait même susceptible d'augmenter provisoirement la créativité du sujet.
Par la suite, il projettera deux visages de femmes sur un écran pendant une minute. Les cobayes n'auront alors qu'une minute pour en esquisser les portraits. Puis, il neutralisera une partie de leur lobe temporal gauche dans le but de modifier leur perception et dans l'espoir que cette modification se manifestera concrètement sur leurs dessins. Et suite à cette intervention, la moitié des cobayes ont effectivement dessiné différemment. Certains ont même fait des dessins beaucoup plus précis.
Pour Allan Snyder, ce qui est le plus fascinant dans ces expériences, est le fait que lorsque l'on débranche une partie du cerveau, ont parvient à faire apparaître des aptitudes similaires à celles des autistes de haut-niveau. Ce qui est bien la preuve que leurs capacités exceptionnelles ne sont pas le résultat de quelque chose qui fonctionnerait en plus dans leur cerveau, mais de quelque chose en moins, donc quelque chose que nous possédons tous à la base.
Le rêve d'Allan Snyder consisterait à développer une méthode qui ferait momentanément de nous des petits génies, non pas pour dessiner comme Stephen Wiltshire, mais pour libérer notre perception de tout préjugé, car pour Allan Snyder, c'est la source de toute créativité. Actuellement seul 40 % des cobayes réagissent à la SMT. Pour le moment le seul résultat tangible réside dans la manière différente qu'ils ont de dessiner ou de repérer des erreurs dans des dictons. Mais Allan Snyder est convaincu qu'en neutralisant certaines régions du cerveau, nous pourrons découvrir des facultés cachées. Mais, pour l'heure ce rêve est encore loin.
Allons voir maintenant ce qui se passe à l'université de « Tübingen », dans le sud de l'Allemagne, où des chercheurs neurologues essayent eux aussi de pondérer l'activité de certaines zones du cerveau.
Treize chanteurs de l'opéra de Stuttgart se sont mis au service de la recherche et vont apprendre à vaincre leur tract.
Pour le docteur Boris Kleber, il est évident que la voix réagit à la moindre modification de nos émotions et c'est pour cela qu'il a choisi de faire ces tests sur des chanteurs en espérant qu'avec eux les effets de son programme d'entrainement seront plus manifeste.
Au début et à la fin de l'expérience, Boris Kleber et Martin Notz, déterminent grâce à un tomographe à résonance magnétique, ce qui se passe dans le cerveau des chanteurs en action. Pour combattre le trac, ils font appel à la technique du « Neuro Feet Back », un programme d'entrainement qui transforme les ondes cérébrales des chanteurs en retour acoustique. Quant l'électro-encéphalogramme du chanteur signale un mélange optimal d'onde Alpha, Bêta et Téta, le grondement de la mer se transforme en murmure de ruisseau.
La perception de ce signal apprend au chanteur à identifier l'état mental idéal pour chanter un air d'opéra. Suite à cet entrainement, ils devront être capables de rappeler cet état mental aussi facilement sur scène qu'à l'intérieur du tomographe.
But de la manœuvre, minimiser les bruits parasites dans le centre de la peur et activer les régions du cerveau qui gèrent le chant. L'absence d'effort a pour effet de neutraliser une zone du cerveau appelée amygdale. Cette structure de la taille d'une amande, est essentielle au décodage de nos émotions. Bien qu'elle puisse nous sauver la vie, sur scène cette glande est cause d'angoisse et de trac.
Grâce au retour sur leurs écrans d'ordinateurs, les chanteurs apprennent à pondérer l'effet de leur amygdale, sans qu'ils sachent d'ailleurs très bien comment ni pourquoi. Chose étonnante, nus savons aujourd'hui que les autistes présentent une activité modérée de l'amygdale et il est également avéré que plus de la moitié des autistes de haut-niveau sont atteint d'autisme typique.
Il est donc certain que c'est en étudiant le cerveau des autistes de haut-niveau que les scientifiques parviendront un jour à décoder les mystères de cet organe et qui sait peut-être qu'un jour nous aussi serons capable de dessiner de tête le plan d'une ville comme Stephen Wiltshire, ou d'apprendre à jouer du piano en une seule nuit comme Matt Savage, mais pour cela il nous faudra encore patienter un peu, car cela ne fait que peu de temps que les scientifiques ont commencé à explorer cette piste prometteuse.
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