"Il faut que les femmes puissent décider de ce qui est bon pour elle", estime la coach Valérie Rocoplan
Par Christophe Bys - Publié le
ENTRETIEN
Coach et fondatrice de Talentis, Valérie Rocoplan a écrit "Oser être la
chef" aux éditions Leduc. Alors que comme chaque année, la journée
mondiale des femmes, le 8 mars, met en lumière la question de
l’inégalité professionnelle, elle décrypte les freins qui limitent les
carrières des femmes et esquisse des pistes pour que les femmes qui le
veulent puissent accéder aux postes à responsabilité.
L'Usine Nouvelle - Vous avez publié en 2008 "Osez être la chef". Comment est née l’idée de ce livre ?Valérie Rocoplan - Je dirige une société d’accompagnement de managers et de dirigeants. Au fil de nos missions, nous avons constaté qu’il y avait un vrai besoin d’accompagnement des femmes et du management de la mixité dans les entreprises. Le plafond de verre qui empêche la promotion des femmes n’est pas une vue de l’esprit. C’est une réalité que nous constatons régulièrement.
Comment se manifeste-t-elle ?
Les chiffres sont là et relativement bien connus. Les jeunes filles sont relativement mieux formées. Elles sont présentes dans les meilleures écoles. Chaque année, elles représentent entre 30 et 50 % des recrutements en moyenne, suivant les secteurs. Or, dans les entreprises, plus l’on monte les échelons hiérarchiques, moins on trouve de femmes. Elles représentent 10 à 15 % des cadres dirigeants, là encore en moyenne, et sont largement minoritaires dans les organes de décision. C’est la preuve qu’à niveau comparable, la progression des femmes est empêchée.
Quelles en sont les causes ?
Elles sont nombreuses. Comme coach, nous pouvons intervenir et notamment aider les femmes pour qu’elles ne se retrouvent pas coincées dans leur évolution, en identifiant les causes. Parmi celles-ci, les stéréotypes occupent une place non négligeable : stéréotype des hommes sur les femmes, des femmes sur elles-mêmes… Ils ont une influence certaine sur les décisions, les recrutements, les évolutions… Pour ne prendre qu’un exemple, femme et autorité sont deux mots difficiles à associer. Regardez la presse économique, les leaders présentés sont à 90 % voire plus des hommes. C’est patent dans Les Echos que nous analysons en séminaire. Il y a peu de représentations de femmes qui sont des leaders. Et pourtant, il en existe dans les entreprises, elles sont là, mais on ne les voit pas. A commencer par les autres femmes.
Quel est votre rôle, votre mission ?
Nous travaillons avec les femmes, pour qu’elles osent, pour qu’elles se permettent de faire ce qu’elles ont envie de faire. Je ne dis pas que toutes les femmes doivent être dirigeantes, mais que celles qui ont envie de le faire n’aient pas honte d’en avoir envie, qu’elles ne s’interdisent pas d’y aller. Beaucoup de femmes hésitent à aller dans cet univers ultra-masculin, s’interrogent pour savoir si "ça vaut le coup de se battre pour un poste de direction", si elles vont ou non oser dire qu’elles ont de l’ambition.
Pourquoi une femme n’oserait pas dire qu’elle a de l’ambition ?
Là encore, les raisons sont multiples. Mais une femme qui a de l’ambition a peur qu’on lui dise qu’elle devrait s’occuper de ses enfants. Certaines continuent de ressentir cette culpabilité, même une fois qu’elles sont dans le Comex. Le poids des réflexions faites par l’entourage est fort. Encore une fois, je ne dis pas que toutes les femmes doivent être pdg, mais que celles qui le veulent puissent le faire. Il faut que les femmes puissent décider de ce qui est bon pour elle.
On en revient donc à la question de la répartition des tâches domestiques ?
Décider ce qu’on veut passe aussi par un dialogue avec le conjoint quand il existe. Les femmes ont tendance à ne pas vouloir en parler pour ne pas "déranger leur pauvre mari qui a du boulot". A cet égard, nous travaillons de manière féconde avec l’association "Le mercredi,c’est papa" qui milite pour que les hommes obtiennent un meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle. Car les hommes souffrent des mêmes choses à l’envers. Combien d’hommes se disent que s’ils vont chercher leurs enfants le soir à 17h30, leurs chefs vont penser qu’ils ne sont pas investis et donc ne vont pas oser le faire ? La culture du présentéisme est vraiment pénalisante pour les hommes et les femmes.
Peut-on en sortir ? Comment ?
Le développement du télétravail est une excellente nouvelle de ce point de vue. Il force les managers à ne plus croire que la présence, c’est la performance. Les managers vont se focaliser sur les résultats et cesser de croire que temps de présence égale engagement. Les hommes sont aussi demandeurs que les femmes. Le développement du travail à distance va faire bouger les mentalités.
Propos recueillis par Christophe Bys
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