Christophe Catoir
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Les 17% de nos Jeunes Diplômés qui choisissent désormais de
commencer leur carrière ailleurs qu’en France ne rendent-ils pas ce
combat prioritaire pour garder notre meilleur actif, notre formation
initiale ?
L'expression est bien connue sur notre marché du Travail
en France. Elle réapparait régulièrement dans les études faisant état de
pénuries persistantes pour certaines catégories de salariés, tout
particulièrement celle des cadres. Elle alimente des réflexes de l'autre
partie, celle des entreprises, celles supposées mettre tout en œuvre
pour pouvoir les attirer avant que d'autres ne le fassent. La
compétition n'est-elle pas devenue internationale ? Les 17% de nos
Jeunes Diplômés qui choisissent désormais de commencer leur carrière
ailleurs qu'en France ne rendent-ils pas ce combat prioritaire pour
garder notre meilleur actif, notre formation initiale ? Le travail
sur « l'image employeur », la communication sur les résultats du «
bien-être au travail » ou encore les actions de Mécénats vers les
grandes Ecoles et Universités sont autant de concepts qui ont gagné les
ressources humaines de nos Grandes Entreprises pour apparaitre plus que
jamais « à leur avantage ».
Néanmoins, levons le voile sur la réalité
Certes, le marché de l'emploi des cadres n'est « préservé » au regard
du reste de la population active. Il l'est au travers d'un taux de
chômage qui a très peu évolué durant les 5 dernières années, passant de
3.8% à 4.2%. Mais les nuances sont nombreuses. Il n'y a pour cela qu'à
regarder le stéréotype d'une annonce « Société, leader sur son marché,
recherche collaborateur expérimenté, ayant déjà opéré dans le secteur
d'activité de … après avoir réussi avec succès une Ecole de Commerce de
rang … ». A elle seule, cette formule révèle la réalité de cette guerre
des talents. Elle concerne évidemment un public très « cadré », cadre
qui a d'ailleurs tendance à se resserrer chaque fois que la crise vient
mettre à mal les vélléités de recrutements de nos entreprises.
Guerre des talents?
Peut-on réellement parler de « guerre des talents » pour les jeunes
diplômés, dont on reconnait volontiers, partout dans le monde, et ce
n'est pas le moindre des atouts de la France, la qualité de leur
formation initiale ? Sur l'autel du « repli sur nos valeurs sûres,
éprouvées », nos meilleurs talents « de demain » sont laissés sur le
bord du chemin. Cette année, 1/3 de ces jeunes diplômés de Grandes
Ecoles sont encore au chômage 6 mois après avoir quitté leurs études,
sésame souvent payé au prix fort. Dans le même temps, ces jeunes
diplômés pourront se consoler en voyant le sort réservé à nos étudiants
issus de l'Université :ce sont 10% d'étudiants en plus qui se retrouvent
sans emploi 6 mois après la fin de leurs études.
Séniors en marge de l'emploi
De la même façon, nos talents les plus éprouvés, ceux qui ont
accumulé expérience et maturité tout au long d'une longue carrière, les
séniors comme on a coutûme de les appeler … dès l'âge de 45 ans, se
retrouvent eux aussi en marge de l'emploi chaque fois que le marché est
pris d'un coup de froid. Et pourtant, tout le monde s'accorde à dire que
la transmission des savoirs, l'expérience accumulée et le savoir-faire
sont des valeurs premières pour gagner la compétition internationale
dans laquelle sont maintenant engagée la majeure partie de nos
entreprises. Faisant fi de tout cela, le taux de chômage de ces cadres
séniors n'a jamais été aussi haut et, pire encore, n'apparait pas comme
une cause nationale au regard de dispositifs beaucoup plus volontaristes
pour les jeunes.Cette « Guerre des Talents » ne serait donc qu'une
illusion ? Le chômage des jeunes et des séniors serait-il une fatalité ?
Sans verser dans l'optimisme, la réponse est évidemment négative. Mais
pour cela, il va falloir bouger et …. tiens le mot est très en vogue …
réformer notre façon de former (parfois) et de recruter (souvent). Les
chantiers sont nombreux mais il faut pouvoir les adresser avec
conviction et engagement.
L'arlésienne de la formation
Le premier peut apparaitre comme une « arlésienne » dans notre beau
pays, l'apprentissage. L'entreprise cherche à engager des talents
rapidement opérationnels au vu des enjeux de court terme qu'elle doit
adresser ? L'apprentissage apparait, et pas seulement pour les
formations techniques, comme une valeur sûre pour former, apprendre à se
connaitre et de réaliser un recrutement « en parfaite connaissance »
pour les 2 parties que sont le candidat et l'entreprise. Pas d'optimisme
béat, mais ces 5 dernières années, les écoles de Commerce les plus en
vues se sont lancées sur ce format d'apprentissage de nos futurs «
cadres », cassant ainsi le mythe de l'apprentissage réservé aux
étudiants en situation d'échec. Mais il faut aller plus loin et les
Universités doivent accélérer leur mue tant la faible préparation de
leurs étudiants au monde de l'entreprise s'avère être un handicap sévère
… pour leurs étudiants !
Flexibilité du marché du travail
Le second est comme une évidence en France. Sans flexibilité du
marché du travail, la tentation est et restera de recruter des « valeurs
sûres ». Pas des potentiels en devenir. Des personnes ayant déjà fait
leur preuve dans le même métier, le même marché … bref des clones.
Caricature ou réalité ? Là aussi, de récentes évolutions vont dans le
bon sens. La rupture conventionnelle, un des rares succès parmi les
nombreux articles venus gonfler notre code du travail ces dernières
années, l'allongement de la période d'essai, le statut
d'auto-entrepreneur, simple et flexible, sont autant d'initiatives
allant dans le bon sens. Mais ce n'est pas suffisant.
Relancer la formation
La formation enfin. Comment envisager de maintenir nos cadres à
l'emploi toute une carrière quand les formations s'arrêtent à 40 ans et
ne sont souvent l'initiative que du seul parti de l'entreprise. La
nouvelle Loi sur la formation issue des négociations conclues récemment,
par le portage individuel, va dans le bon sens. Elle permet à chacun
d'assumer sa propre employabilité en investissant chaque année un peu
dans sa formation. La meilleure façon probablement de combler le gap
existant entre 2 générations, l'une fraichement formée et l'autre
expérimentée mais parfois en marge d'un marché très impacté par les
évolutions des nouvelles technologies. C'est en suivant ce chemin, et en
le poussant surtout beaucoup plus loin, que l'on pourra parler d'une
vraie guerre des talents. Avec 200 000 cadres au chômage et 17% de nos
plus jeunes talents partant à l'étranger, nous avons encore de très
belles ressources sur notre territoire nationale. A nous, entreprises,
de savoir les cultiver tout au long d'une vie ! Et espérons, ensemble,
que l'on ait à faire face à une vraie guerre des talents, bien réelle
cette fois, signal d'un marché de l'emploi ayant repris des couleurs
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