dimanche 2 mars 2014

Atonie des salariés et forces cachées des entreprises

LE CERCLE. Les salariés ne se révoltent pas, ils font pire ! Y a-t-il un risque de printemps français des entreprises ? Hormis les manifestations de colère des salariés d'entreprises liquidées, rien de comparable aux mouvements de révolte. Cette situation est-elle inquiétante ou est-elle un indicateur de forces cachées à révéler pour les entreprises ?

Un décalage entre les entreprises et le reste du pays 
Alors que les consommateurs et les électeurs font rudement comprendre aux entreprises et aux politiques qu’ils ont changé et que la situation de sujétion ne sera jamais plus acceptée, les entreprises semblent avoir échappé à ce mouvement de révolte qui touche la société française.
À preuve, le nombre croissant d’articles qui fleurissent pour fustiger les élites politiques et intellectuelles de notre pays pour leur myopie quant aux mutations induites par la révolution numérique que nous vivons et qui ne cesse de se développer.
Le dernier en date et sans doute pas le moins intéressant est celui paru dans le Monde intitulé "les élites débordées par le numérique" où l’auteur met en lumière la façon dont les citoyens et les consommateurs combattent à leur manière aussi bien les difficultés matérielles de leur existence que le sentiment de ne pas être écoutés par les politiques.
Développement de réseaux horizontaux, du troc, du partage…, il y a tant de nouvelles approches sur le plan économique que les marketeurs sont plongés dans un abime de perplexité, car à des problèmes nouveaux ils appliquent des schémas anciens.
Faisons-leur néanmoins confiance, ils comprendront très vite qu’il y va de leur intérêt que de soutenir ces approches et nul doute qu’ils trouveront tôt ou tard les business models dont ils soupçonnent l’existence, mais sans pouvoir encore la démontrer. Les exemples existent pourtant : Google qui a fait de la gratuité initiale l’addiction la plus rentable au monde, les opticiens sur internet…, les entreprises qui inventent de nouvelles formes de nutrition pour remplacer la viande et les œufs et devinez quoi ?
Tout ceci vient d’en bas, de gens qui observent la réalité et qui décident de s’en servir comme d’un levier pour innover, créer, casser les codes, inventer un monde nouveau.
Émergence de forces nouvelles dans la société qui cherchent à compenser les faiblesses et/ou les insuffisances du système politique : plus de 10 millions de Français sont actifs dans les associations, on assiste au développement de la solidarité locale, intergénérationnelle.

Pourquoi les entreprises restent-elles à l'écart
Mais l’entreprise semble curieusement à l’écart de ces mouvements profonds, tout se passe comme si les dirigeants dissociaient les différentes facettes qui composent un individu : dans l’entreprise on oublie que le collaborateur est aussi un citoyen, un web-négociateur, un adepte des bons plans… et que dire de situations rencontrées dans de grandes entreprises où les collaborateurs se voient attribuer des matériels et logiciels totalement obsolètes par rapport à ceux qu’ils utilisent à titre personnel.
Pourquoi les entreprises ne cherchent-elles pas à faire émerger, mobiliser ces talents, ces énergies, cet esprit d’inventivité ?  

Bien que le principe d’autorité ait évolué dans l’entreprise et que le pouvoir des salariés se soit accru (encore qu’il faille noter que c’est principalement en vue d’une meilleure protection sociale, du moins en France vs Allemagne où la cogestion n’est pas un gros mot)

Et sans doute pour la même raison évoquée dans l’article du Monde, qui fustige tout bonnement le principe du "top down" pour promouvoir le "bottom-up" et le "latéral", l’entreprise en France reste un lieu de prédilection du management pyramidal comme si les patrons étaient partagés entre :
- "Mes collaborateurs ne sont pas au niveau (sous-entendu à mon niveau), à quoi bon leur demander leur avis".
- "Si on commence à demander l’avis de la base, c’est le pouvoir de la hiérarchie qui est remis en cause et c’est le début de la fin".
Ce faisant, les entreprises passent à côté de leurs forces cachées : un énorme potentiel de mobilisation, de connaissance client, de créativité, d’innovation et… d’enthousiasme.

Il suffit de "peu" pour faire émerger ce potentiel :
- Des dirigeants modernes qui ont compris que le principal actif de leur entreprise sera toujours la valeur de leurs collaborateurs quels que soient leur niveau hiérarchique et leur place dans le système qui amène l’entreprise à produire et commercialiser des biens et services.
- Des dirigeants qui ont compris qu’ils avaient intérêt à valoriser le travail de chacun de leurs collaborateurs.

Une nouvelle approche est possible 
Dans les entreprises qui ne pratiquent pas cette approche, que se passe-t-il ?
Les salariés ne se révoltent pas, ils n’inventent pas de système alternatif, contraints qu’ils sont par un mode de management qui leur dénie le droit à la créativité, qualité que ce même management leur reconnaît pourtant en tant que consommateurs.
Ils ne se rebellent pas, tétanisés par la peur de perdre leur job (et ce quel que soit le niveau hiérarchique occupé), ils font bien pire : ils gardent pour eux leurs idées, leur connaissance intime du client, les améliorations qu’ils savent pouvoir apporter au process de production, de relation client, ou alors ils freinent les tentatives d’innovation, d’évolution, d’organisation ("ça ne marchera jamais"…)
Dans la situation où se trouvent les entreprises françaises, il faut avoir l’ambition d’explorer une autre voie, celle qui capitalise en priorité sur les forces cachées de l’entreprise, celle qui croit que la solution vient d’abord de l’intérieur, c’est une démarche dont le seul risque est le succès et dont les bénéfices sont nombreux : développement de la confiance et l’estime de soi, du travail entre les différentes fonctions de l’entreprise, de l’esprit d’innovation, de la qualité de la relation client, du plaisir au travail
C’est une voie qui fait appel à l’intelligence de chacun, à sa capacité d’adaptation, à son potentiel d’innovation, qui s’affranchit des blocages habituels ("ce n’est pas notre affaire, on ne l’a jamais fait, qu’en pensera la direction, le service X n’en voudra pas… ") puisque c’est une démarche transversale qui permet à chacun de donner du sens à sa tâche, notre expérience montrant que dans la plupart des cas, les collaborateurs ont du mal à situer leur propre position dans le schéma global de l’entreprise ce qui est un facteur de non-qualité puisque de ce fait on ne se préoccupe que de son travail et absolument pas de ce qui se passe à l’étape d’avant ni à celle d’après.
Cette démarche qui consiste à identifier, réveiller et mettre en marche les forces cachées des entreprises ne présente qu'un risque : celui du succès !

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