Il est urgent de substituer aux
recettes de management simplistes des vingt dernières années
(rentabilité, innovation et flexibilité à tout prix) une nouvelle forme
de management. Extrait de "Qu'est-ce que le management responsable ?"
(1/2).
Bonnes feuilles
"L’indicateur
pertinent pour un centre d’appel n’est pas le nombre d’appels traités
mais le nombre d’appels traités de façon satisfaisante." Crédit flikcr
Si l’on en revient maintenant aux tâches d’un
manager, on constate que les critères d’évaluation de ses performances
sont multiples et divers et que la mesure de sa performance générale est
très difficile.
Un manager agit en effet dans des
situations complexes, où interviennent des contraintes externes et des
contraintes internes. Les contraintes externes sont celles du marché, de
la clientèle, de la réglementation, de la conjoncture économique, etc.
Elles vont se traduire par des résultats précis, le plus souvent
quantitatifs, obtenus sous certaines conditions (par exemple, la vente
de tels types de produits dans les conditions d’exposition prévues par
la loi – je pense au tabac ou aux alcools, ou encore à la vente pendant
des horaires encadrés). Les contraintes internes sont celles du
personnel et des collaborateurs, de l’organisation du travail, du niveau
de compétence qui règne, de la politique d’encadrement de l’entreprise,
des orientations stratégiques de cette dernière, telles que définies
par les actionnaires ou les propriétaires, etc. Parmi ces contraintes,
il y a celles qui relèvent de l’intelligence collective et, à ne pas
oublier, de l’inintelligence collective. Si l’intelligence d’un manager,
c’est aussi l’intelligence collective de ses collaborateurs, il y a
également l’inintelligence collective : les aveuglements de groupe, les
préjugés, les biais culturels, les stéréotypes, les routines, les
conformismes, les croyances paresseuses et grégaires, etc.
Le
manager réalise ses performances (« il fait son métier ») avec des
prises sur la réalité de natures diverses et qui fournissent des
indications variables, pas faciles à agréger. Certaines prises sur la
réalité donnent des résultats mesurables, comme ce que l’on trouve sur
un tableau de bord : niveau des ventes, taux des retours, incidents.
D’autres sont beaucoup moins mesurables. Ce sont des actions réactions
humaines : mécontentement ou satisfaction des clients, avis positifs ou
négatifs, climat social interne, adhésion, investissement, ou, au
contraire, retrait, absentéisme, méfiance, insécurité du personnel,
conflictualité, problèmes de santé. Sans oublier aujourd’hui les effets
de communication : image de l’entreprise dans la presse et les médias,
parmi les clients, auprès des chercheurs d’emploi ou des nouveaux
diplômés. Sur tous ces points, des évaluations de la performance sont
possibles à condition qu’on en invente les moyens, qu’on y mettre le
prix et qu’on en prenne le temps. C’est bien ici que le bât blesse.
En
effet, l’évaluation de la performance n’est pas une fin en soi. Elle
doit être utile à quelque chose. Elle doit servir à dynamiser
l’entreprise par sa prise en compte réf lexive – ce qui marche bien, pas
mal, mal, pas du tout –, et elle doit servir à répartir équitablement
gratifications et sanctions. L’évaluation de la performance fait donc
partie du pilotage de l’entreprise. Il faut que le coût de sa
réalisation soit raisonnable. Il ne s’agit donc pas de perfectionner des
instruments pour le plaisir (une branche prospère mais parasite des
institutions d’enseignement est celle des experts en évaluation…), mais
de les mettre au point pour qu’ils remplissent leur rôle. De ce point de
vue, il faut se défier des malades de la notation, du classement, du
benchmarking, avec leur pseudo-scientificité. Il y a dans nos sociétés
européennes, encore pénétrées de religion, du comptage des fautes et des
indulgences et de rigidité bureaucratique, une maladie du classement
qui, au prétexte d’une gestion dynamique compétitive, reconduit purement
et simplement les rigidités scolaires et administratives et contribue
en réalité à la sclérose, y compris en consommant temps et ressources
qui pourraient être consacrés à beaucoup mieux.
L’évaluation de la performance portera sur des
indicateurs quantitatifs quand ceux-ci ont un sens et existent, mais
après que ceux-ci auront été choisis pour leur signification
managériale. De même que pour les compagnies d’aviation le yield
management et le low cost sont nés du passage de la référence au coût du
siège occupé à celle au coût du siège vide, l’indicateur pertinent pour
un centre d’appel n’est pas le nombre d’appels traités mais le nombre
d’appels traités de façon satisfaisante. Compter pour compter ne sert à
rien.
Extrait de "Qu'est-ce que le management responsable ? Confiance, décision, réflexivité", Yves Michaud, (Eyrolles Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.
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